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Pour Stan Wawrinka, une entrée fracassante dans l'histoire

7 juin 2015: Stan Wawrinka peut brandir la Coupe des Mousquetaires. Quelle victoire! [AFP - Ian Lagsdon]
7 juin 2015: Stan Wawrinka peut brandir la Coupe des Mousquetaires. Quelle victoire! - [AFP - Ian Lagsdon]
Le 7 juin 2015, six ans jour pour jour après Roger Federer, Stan Wawrinka grimpait à son tour sur le toit de Roland-Garros, l’un des sommets du tennis, au bout d’une finale exceptionnelle contre Novak Djokovic. Alors que RTS Deux revient ce samedi à 13h55 sur ce sacre d’anthologie, retour et anecdotes sur une quinzaine qui fut fabuleuse d’un bout à l’autre.

Héros du 7e tour, Stan Wawrinka a donc mis le monde à ses pieds le 7 juin 2015. Sa prestation "énormissime" en finale de Roland-Garros contre un Novak Djokovic archifavori a définitivement érigé le Vaudois - vainqueur de l’Open d’Australie seize mois plus tôt – en joueur appartenant à l’histoire. Il faut dire que la manière avec laquelle il a dominé ce rendez-vous a autant marqué les esprits que la légende récente du tennis.

Stan Wawrinka, roi de Roland-Garros 2015 [EPA - Robert Ghement]
Stan Wawrinka, roi de Roland-Garros 2015 [EPA - Robert Ghement]

Mais à dire vrai, pour qui a eu la chance de vivre cette quinzaine en immersion au plus près du joueur de Saint-Barthélemy, ce sont les deux semaines qui ont appartenu à une autre galaxie. Comme si l’intéressé était dans une bulle d’immunité, imperméable à tout ce qu’il y avait autour de lui. Imperturbable. Ou peut-être tout simplement géant.

Dimanche 24 mai 2015, des débuts et une colère

Stan Wawrinka est arrivé deux jours auparavant à la Porte d’Auteuil, la tête sérieusement coincée dans le sac, l’esprit dans le brouillard. Ajoutée à de dernières semaines poussives, sa défaite du jeudi soir contre Federico Delbonis dans le crachin des Eaux-Vives en quarts de finale d’un Geneva Open dont il était la tête d'affiche a encore un peu plus ébranlé le peu de confiance qui l’accompagnait alors. Son fameux short bariolé – qu’entre nous, on ne trouve pas si moche que cela – a davantage fait parler que ses résultats. Même Judy Murray, "maman de", y est allée de son petit tweet. Pourtant, Magnus Norman, le coach de Stan, est loin, très loin, de céder à la panique. "Stan aura toujours des hauts et des bas, mais il peut gagner d’autres titres majeurs", me confie-t-il dans une interview pour la Tribune de Genève.

Personnage serein et calme, le Suédois diffuse de fait de bonnes ondes dans l’esprit de son poulain, qui se permet ainsi d’entamer Roland-Garros par une victoire expéditive contre le modeste Turc Marsel Ilhan (6-3 6-2 6-3, en un peu plus de 90 minutes). C’est un premier pas dans la bonne direction. Wawrinka est bien sûr soulagé, mais il se permet tout de même un gros coup de gueule après la découverte d’un article (pathétique) sur le site officiel du tournoi français, qui joue sur les mots entre l'identité de son adversaire, Ilhan, et le prénom de son ex-femme, Ilham. "C’est un papier de merde qui est paru, peste logiquement le Vaudois. J’espère que la personne qui a rédigé cela n’est pas un journaliste…" Radio-Court nous laissera entendre que ladite personne aura été écartée du tournoi…

Mercredi 27 mai 2015, une… "précieuse" manche perdue

Avant d’affronter la sangsue Dusan Lajovic, le Vaudois, apaisé, a avoué à la RTS que "tout le monde a envie de gagner Roland-Garros". En précisant tout de même: "Il y en a qui travaillent mieux que d’autres, qui gèrent mieux la pression, les matches. Pour moi, c’est un grand puzzle. Il faut avoir toutes les pièces ensemble au bon moment pour arriver à décrocher un grand tournoi."

Stan Wawrinka en action ici contre Dusan Lajovic, le seul qui lui chipera une manche avant le dernier carré. [EPA - Yoan Valat]
Stan Wawrinka en action ici contre Dusan Lajovic, le seul qui lui chipera une manche avant le dernier carré. [EPA - Yoan Valat]

Face au Serbe, Wawrinka a déjà pas mal d’outils en main. Il se trouve cependant davantage gêné aux entournures que lors de son entrée en lice. Logique, Lajovic étant un bon joueur de fond de court, plutôt solide à l’échange et capable de prendre la balle très tôt. Mais sur le joli court No 2, assis que nous nous trouvons au 1er rang, on peut voir que l’Helvète est pleinement focalisé sur son sujet. A chaque fois qu’il vient prendre son linge à 30 centimètres de nous, son regard dit beaucoup de sa motivation, de sa concentration.

Même lorsqu’il cède la 3e manche à son opposant après un set où il a perdu en agressivité ou qu’il déraille au service, il ne peste pas davantage. Il se remet immédiatement en selle et parvient à plier l’affaire en 2h36 (6-3 6-4 5-7 6-3). Rétrospectivement, on peut se dire que son petit relâchement du 3e set a été l’un des socles pour la suite de sa quinzaine.

Vendredi 29 mai 2015, la promenade de santé

Une promenade de santé, ou presque, dans ce 3e tour pour Stan Wawrinka, qui renvoie Steve Johnson à ses chères études en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire (6-4 6-3 6-2). Auteur de 32 coups gagnants pour seulement 19 fautes directes, le Vaudois impressionne. Placés une fois de plus au 1er rang, on peut observer son aisance et surtout sa puissance. Rien à voir avec le joueur aperçu une semaine auparavant sur les courts de Genève. La confiance grimpant, ses performances commencent à susciter l’intérêt au-delà de la presse et des supporters suisses. Des messages nous parviennent du pays, nous demandant si ce que l’on voit à la TV, à savoir un "Stanimal" mordant, est la même chose en réalité. La réponse est oui. De même pas outsider dans les papiers d’avant-tournoi de nos confrères étrangers, la tête de série No 8 de ce Roland-Garros 2015 passe à surprise potentielle de la 2e semaine.

Stan Wawrinka dans ses oeuvres et en promenade face à Steve Johnson. [AFP - David Vincent]
Stan Wawrinka dans ses oeuvres et en promenade face à Steve Johnson. [AFP - David Vincent]

Dimanche 31 mai 2015, l’aveu de Gilles Simon

Rare jour de grisaille sur ce Roland-Garros, mais plein soleil pour le tennis de Stan Wawrinka, appelé à affronter Gilles Simon en 8es de finale. Dans un Lenglen tout acquis à la cause de son adversaire, le Vaudois livre une incroyable démonstration et "démonte" le tennis du résident de Neuchâtel, abattu 6-1 6-4 6-2. Le bruit de la balle jaillissant de la raquette de "Stanimal" est impressionnant. Entré sur le court sous les encouragements du public – "Gilou, Gilou…" - Simon en ressort avec des interrogations - "Gilles, où?" - tant il a le sentiment d’avoir affronté un joueur venu d’une autre planète, lancé sur les mêmes rails que ceux qui lui avaient permis de laminer Jo-Wilfried Tsonga 6 mois auparavant en Coupe Davis.

1-8 messieurs, Stan Wawrinka (SUI-8] - Gilles Simon (FRA-12] (6-1 6-4 6-2). Wawrinka ne laisse aucune chance à Simon et attend Federer ou Monfils en 1-4!
1/8 messieurs, Stan Wawrinka (SUI/8] - Gilles Simon (FRA/12] (6-1 6-4 6-2). Wawrinka ne laisse aucune chance à Simon et attend Federer ou Monfils en 1/4! / Tennis / 3 min. / le 31 mai 2015

Ce sentiment est d’ailleurs partagé par Simon, lequel, au sortir du court et en dehors des micros, confiera à certains confrères que "Stan va gagner ce Roland-Garros". On a bien compris, ce dimanche-là, que Wawrinka est parti pour triompher.

Mardi 2 juin 2015, la grande première contre Federer

Le mardi, 2 jours après avoir fait du petit bois de Gilles Simon, Stan Wawrinka retrouve donc l’ocre du court Suzanne-Lenglen, mais pour une tout autre affiche. Face à Roger Federer, l’élève entend dépasser le "Maître" pour la première fois de sa carrière en Grand Chelem. Alors s’il est toujours question de respect, il n’est en revanche pas question pour le Vaudois de tendre la moindre joue. Et "Stanimal" le démontre d’emblée, dans le vent parisien, en entrant dans le lard de son ami bâlois, pour offrir une démonstration de justesse et de surpuissance. Sa balle fait un bruit de dingue. Elle claque aux 4 coins du terrain.

Roger Federer s'incline devant un Stan Wawrinka tellement plus fort. [EPA - Yoan Valat]
Roger Federer s'incline devant un Stan Wawrinka tellement plus fort. [EPA - Yoan Valat]

A chaque coup réussi, Wawrinka se tourne vers son clan. Magnus Norman tend le poing plus souvent qu’à son tour, alors que son poulain aligne les coups gagnants. L’œil aiguisé, le No 2 helvétique peut aussi l’avoir noir lorsque des supporters parlent entre les points. Mais jamais il ne laisse son esprit vagabonder ailleurs qu'en dehors des lignes du court. "RF", qui ne se procure en tout et pour tout que 4 balles de break, ne peut simplement rien faire si ce n’est retarder quelque peu l’inéluctable échéance dans l’ultime manche (6-4 6-3 7-6). "J’ai cherché à entrer dans chaque balle pour ne pas lui laisser de temps, appuie Stan. J’ai livré l’un des mes tout meilleurs matches en Grand Chelem."

Tennis - Roland-Garros: Wawrinka bat Federer
Tennis / Roland-Garros: Wawrinka bat Federer / 19h30 / 2 min. / le 2 juin 2015

"Roger n’a pas su contenir la puissance d’un Wawrinka absolument remarquable", relèvera Marc Rosset. Et Federer, lui, jouera les devins au sortir du court: "Ce n’est plus une surprise de voir Stan évoluer à ce niveau. Il a incroyablement bien joué, il ne m’a rien donné… Avec ce tennis et cette confiance, on sait tous qu’il peut désormais aller au bout."

Vendredi 5 juin 2015, Tsonga encore dégoûté

En cette chaude matinée de début juin, Paris bouillonne. La présence de Jo-Wilfried Tsonga dans le dernier carré de Roland-Garros convoque les rêves. Trente-deux ans après le triomphe de Yannick Noah, on sent les gens prêts à se laisser emporter par le tourbillon "JWT". Ils veulent tous y croire. Les médias aussi. Surtout que leur protégé a une revanche à prendre avec ce Wawrinka qui, quelques mois auparavant, l’a laminé en finale de la Coupe Davis. Le Manceau a d’autant plus envie de gagner qu’il ressent une certaine jalousie envers son contemporain, puisqu’il estime qu’il aurait "mérité tout autant que lui" de gagner un jour un titre majeur. Les 2 hommes s’apprécient de moins en moins et sous un thermomètre dépassant les 30 degrés, le combat promet de tourner en une superbe empoignade.

La discussion d’avant-match avec Marc Rosset, présent à Paris en qualité de consultant RTS, vaut le détour. Le champion olympique 1992 avertit notamment le public français, hostile au Vaudois depuis le début de la quinzaine: "Wawrinka, c’est typiquement le mec qu’il ne faut pas trop titiller, car avoir la foule contre lui le galvanise." Et Henri Leconte de rebondir: "Stan est une sorte de petit John McEnroe. Il aime bien qu’on le cherche, que les spectateurs le bougent un peu. En fait, il adore qu’on lui casse les bonbons."

Le doigt sur la tempe est revenu, comme aux plus beaux jours de son sacre en Australie. [AP - Michel Euler]
Le doigt sur la tempe est revenu, comme aux plus beaux jours de son sacre en Australie. [AP - Michel Euler]

Un papier paru quelques heures plus tôt sur le site de la Tribune de Genève et intitulé "Pourquoi Stan Wawrinka va battre Tsonga" met un peu plus le feu aux poudres. Les provocations des spectateurs du court Philippe-Chatrier n’atteignent toutefois pas la carapace de "Stanimal", toujours bien dans sa bulle, bien dans sa tête, bien dans ses baskets. Là encore, il ouvre le débat pied au plancher. Face au sosie de Mohamed Ali, c’est lui qui donne les premiers coups de poing. Ses uppercuts ébranlent un Tsonga dépassé par le rythme, la puissance et la grandeur de l’événement, 2 ans après une demi-finale bâclée ici-même contre David Ferrer. C’est simple: Wawrinka distribue les coups et même lorsqu’il se retrouve en danger, son réalisme et sa sérénité lui permettent d’écarter les ambitions françaises (1 balle de break sur 17 converties par Tsonga!).

Les hurlées du public – "N’oublie pas qu’il est en pyjama!", lance à Tsonga un spectateur évoquant le short de son adversaire – ne font même pas tiquer le Suisse. Seul un relâchement en fin de 2e set permet au Français d’entretenir le suspense. Mais à la régulière, en pointant à nouveau sa tempe, comme aux plus beaux jours de son sacre en Australie, c’est logiquement "Stanimal" qui donne les derniers coups de griffe et s’ouvre le chemin de sa 2e finale du Grand Chelem, sa 1re à Roland-Garros, 12 ans après y avoir enlevé le titre chez les juniors (6-3 6-7 7-6 6-4). "Je suis très fatigué, c’était dur nerveusement, lance le Vaudois. J’ai un peu perdu ma concentration en fin de 2e manche. Heureusement que je n’ai jamais laissé Jo passer devant au score."

Tennis - Roland-Garros: Stan Wawrinka accède à la finale après sa victoire face à Tsonga
Tennis / Roland-Garros: Stan Wawrinka accède à la finale après sa victoire face à Tsonga / 19h30 / 2 min. / le 5 juin 2015

Samedi 6 juin 2015, confidences pour confidences

Dans une petite salle située à quelques pas de la salle de presse de Roland-Garros, Stan Wawrinka reçoit une poignée de journalistes suisses pour faire le point à 24 heures de sa finale contre Novak Djokovic, l’immense favori de ce tournoi. On se souvient très bien du Vaudois que l’on avait vu ce jour-là; calme, drôle, serein, il ne donnait pas l’impression de devoir disputer une finale de Grand Chelem le lendemain. Volontiers rieur, il avouait non seulement sa fierté d’en être là mais aussi son envie d’aller encore plus loin. "Je suis dans le même état d’esprit qu’avant ma finale de l’Open d’Australie en 2014, nous confie-t-il alors. Je suis relax, bien, tranquille. Mais je sais que la nervosité va commencer à me gagner quelques minutes avant le match…"

Tennis - Finale de Roland-Garros: Wawrinka nous livre ses impressions à la veille du grand match
Tennis / Finale de Roland-Garros: Wawrinka nous livre ses impressions à la veille du grand match / 19h30 / 3 min. / le 6 juin 2015

Dans son esprit, pas question de penser, encore moins de dire, qu’il n’a rien à perdre face à "Nole". "Non, je crois que lui et moi avons justement quelque chose à perdre demain, reprend Stan. Même si Novak est l’immense favori, je suis là pour gagner ce tournoi. Non pas pour le perdre. Après, même si je m’incline, peut-être que je n’aurai pas de regret suivant le match que j’aurai livré…"

Dimanche 7 juin 2015, journée irréelle et historique

La montagne Novak Djokovic, en quête du dernier grand titre qui lui manque, est en face. Il y a des allures de mission impossible dans la tâche de Stan Wawrinka. Mais après un jogging au Jardin du Luxembourg, se dégage un parfum de victoire. Il y a, dans l’air, cette impression curieuse que ce sera jour de Fête nationale, et ce peu importe qui se dresse sur le chemin du Vaudois. Une fois à la Porte d’Auteuil, l'impatience nous assaille. L’envie de voir ce combat commencer aussi. En coulisses, on cherche un bon mot, un expert qui puisse confirmer que "Nole" ne va pas ne faire qu’une bouchée de son aîné. Et si personne ne le clame haut et fort, nombreux sont ceux qui estiment désormais que l'affaire n'est pas dans le sac pour le Serbe.

A mesure que le duel approche, les pronostics vont bon train. Un confrère étranger glisse que Djokovic va s’imposer en 5 sets après avoir été mené 2 manches à une. Ce serait là un scénario bien terrible pour Wawrinka. Mais au-delà de tous les pronostics, c’est une fois encore sur le court que se dessinera la vérité. Et d’entrée, cette finale promet monts et merveilles. Parce que, comme le disait le Suisse la veille, aucun des 2 acteurs n’a envie de perdre quelque chose sur cette brique pilée qui a bercé plus d'un rêve. Dès les premières frappes, le niveau de jeu est simplement monstrueux. En témoigne le 7e point, un échange incroyable qui voit Djokovic fauter en longueur.

Tennis - Roland-Garros: le résumé de la finale
Tennis / Roland-Garros: le résumé de la finale / Sport dimanche / 2 min. / le 7 juin 2015

Sur le court, ou plutôt sur le ring, c'est à qui frappera le plus fort. Et le plus juste, surtout. A l’expérience, c'est le No 1 mondial qui déboule en tête au sortir de la manche initiale. En ravissant la mise en jeu de son adversaire au 7e jeu, il semble filer vers le sacre, balayant ainsi le parfum d’exploit qui flottait dans l’air matinal. Comment en effet Djokovic, si bien placé à 2 marches du Graal, pourrait-il finir par s’encoubler?

Personne n’a la réponse. Un journaliste serbe qui, sachant que j’étais Suisse, m'insulte dans sa langue – j’ai assez de connaissances originaires d’ex-Yougoslavie ainsi que de pratique du football dans les ligues inférieures genevoises pour comprendre certains mots - après ce 1er set ne doit même pas se poser la question. Wawrinka, lui, ne s’en pose pas non plus. Sans doute car il ne dévie jamais de son plan de jeu: l’agression permanente. Il continue de prendre Djokovic à la gorge. Il continue de cogner, de varier, de bondir sur chaque possibilité qui s’offre à lui.

Offensif, il distribue les coups gagnants face à l’attentisme habituel du Serbe. A son tour en mode "sangsue", le Vaudois commence à insinuer le doute dans l’esprit de son adversaire qui, étonnamment, donne petit à petit des signes de faiblesse, de nervosité. Et sur sa 1re balle de set, il égalise à une manche partout, au grand dam de Djokovic, lequel envoie valser sa raquette. Preuve, si besoin était encore, que le gain du set initial ne lui a en rien conféré de la sérénité.

Après un début de match maîtrisé, Novak Djokovic a perdu le fil face à la puissance de Stan Wawrinka. [EPA - Robert Ghement]
Après un début de match maîtrisé, Novak Djokovic a perdu le fil face à la puissance de Stan Wawrinka. [EPA - Robert Ghement]

C’est même tout le contraire, puisque plus le match avance, plus Stan Wawrinka paraît sur son nuage, à l’image de ce que fut sa quinzaine. Il se royaume sur le court et régale l’assistance. C’est lui le patron sur le court. Relâché, il pratique un tennis stratosphérique, qui pousse Djokovic à se tendre tant et plus. Au 6e jeu du 3e set, le Suisse effectue un nouveau break, qui lui permet de filer vers le gain de cette manche. Se dessine alors dans le ciel parisien l’idée d’une victoire d’exception.

Sauf que Djokovic n’est pas No 1 mondial pour rien. Alors, à l’entame du 4e set, le Serbe jette ses dernières forces dans la bataille. Il mène rapidement 3-0 et apparaît revigoré. Mais Wawrinka, devenu le "bombardier de Saint-Barth", refuse de dire son dernier mot et revient de plus belle dans le match, s’appuyant sur son délicieux revers à une main et sur quelques passings de rêve. "Ca joue comme dans un jeu vidéo, c’est un tennis irréel", s’enthousiasme sur les réseaux sociaux l’ancien No 1 ATP Andy Roddick.

Le niveau de jeu atteint effectivement des sommets et la tension et le suspense l'accompagnent au même étage. Wawrinka laisse passer 2 balles de break à 3-3, puis se retrouve en danger à 3-4, 0/40. Mais là encore, il donne un déroutant coup de collier pour éviter que l’orage ne s’abatte sur sa tête. Il reste ainsi dans le match. Avant de mieux s’en aller chiper le service de Djokovic sur le jeu suivant en surprenant d’un fabuleux passing de revers le Serbe venu au filet.

Appelé à servir pour le match, "Stanimal" se retrouve avec le bras droit tendu. On imagine alors les pensées qui s'entremêlent dans sa tête. Lui fait tout pour rester stoïque malgré une 1re balle chancelante. Il mène 15/0, puis rate un revers a priori facile (pour qui n’est pas sur le terrain). Le public l’encourage toutefois, pour la première fois de la quinzaine, afin qu’il aille au bout de l’exploit. Mais une nouvelle erreur, en coup droit cette fois, relance le suspense (15/30). A défaut d’un doigt sur la tempe, c’est le moment choisi par mon "confrère" serbe pour m’adresser un doigt… d’honneur.

Sur le terrain, 2 bons services suivis de 2 bons revers permettent au Vaudois de se retrouver alors avec une balle de match entre les mains. Sur sa 1re balle, tout le monde, lui compris, croit qu’il a armé un ace. Alors que le stade bondit, l’arbitre vient vérifier l’impact et annonce que la balle est faute. Tout est à refaire. Djokovic se rebiffe, sauve cette balle de match au filet et s’en va même obtenir une balle de break ensuite avec l’aide de ce même filet. Il ne convertit toutefois pas l’aubaine à cause d’un coup droit complètement foiré. Les 2 hommes sont à égalité, le public retient son souffle. Stan arme alors un service gagnant et lève le poing.

Il est 18h23 à Roland-Garros, le temps de jeu est de 3h12. Un ultime revers long de la ligne vient mettre un point final à un tournoi d’exception. La raquette de Stan Wawrinka file dans le ciel, Magnus Norman se prend la tête entre les mains façon "Le Cri" de Munch et la Suisse entière se retrouve avec un nouveau titre à Paris, 6 ans jour pour jour après celui de Roger Federer.

Tennis - Roland-Garros: Wawrinka remporte le tournoi
Tennis / Roland-Garros: Wawrinka remporte le tournoi / Sport dimanche / 2 min. / le 7 juin 2015

"J’ai fait le match de ma vie, j’en tremble encore", lâche, ému aux larmes, le héros de la quinzaine. Plus tard en conférence de presse, il dira se sentir "bien, heureux", mais ne pas être capable de réaliser la portée de sa performance, de son exploit. "Ce sont des sentiments difficiles à décrire. Sur ma 1re balle de match, j’ai vraiment cru que j’avais servi un ace, que j’avais gagné. J’étais très nerveux. J’ai heureusement réussi à me reconcentrer. C’était la clé du match."

La clé du tournoi, aussi. Avec cette quête de Roland-Garros, Stan Wawrinka confirme qu’il est devenu un géant du jeu. Lui qui n’espérait que pouvoir disputer un jour ce tournoi est allé au bout de celui-ci en battant qui plus est l’ogre de l’année 2015. Il assure par la même occasion être un géant des courts, un joueur en or massif, qui a su se forger un mental en acier trempé à travers les défaites et les coups durs. Devenir multiple vainqueur de Grand Chelem à l’ère du "Big Four" semblait mission impossible. Mais le Vaudois l’a fait, en patron, en champion. Ce sacre parisien a en outre le mérite de mettre tout le monde d’accord, ses détracteurs surtout, quant au fait que sa victoire 16 mois auparavant à l’Open d'Australie n’était ni un hasard ni un exploit sans lendemain. Seulement le point de départ d’une formidable ascension. Qui n'a pas plu au confrère serbe, lequel m'enverra un triple torrent d'insultes au moment de rejoindre la salle de presse...

Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti

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