"J’espère qu’à mon retour, je saurai toujours jouer au tennis…" Voici quelques semaines, c’est accompagné d’une prudence légitime que Roger Federer a esquissé un léger retour médiatique. Avec l’intelligence qui est la sienne, l’ancien no1 mondial ne veut ni voir trop haut ni trop loin après ses deux opérations successives à un genou. Ainsi, pas question pour lui d’évoquer un avenir incertain et des objectifs qui paraissent bien flous à l’heure actuelle. D’une part car ses passages sur le billard laissent grande ouverte la porte des interrogations et d’autre part car l’état du circuit actuel, toujours à l’arrêt, n’incite guère à l’optimisme.
Néanmoins, alors qu’il souffle ce samedi 8 août ses 39 bougies (déjà!), "RF" doit bien avoir quelques idées derrière la tête. Ou, du moins, des envies. Malgré les années qui passent et les petits bobos, quels pourraient être ses potentiels derniers défis, en 2021 ou dans les années qui suivent? Faisons le point.
Triompher à Wimbledon?
Qu’on le veuille ou non, le 14 juillet 2019 reste une date douloureuse pour les fans de Roger Federer, et très certainement pour lui-même aussi. Ce dimanche-là, au bout d’un match qu’il aurait pu (dû) gagner 1000 fois, dans le dernier sprint d’une quinzaine superbe, le Bâlois avait fini par plier contre Novak Djokovic en finale de Wimbledon, non sans avoir eu deux balles de match dans sa raquette. Deux balles de match horribles à revoir encore aujourd’hui...
Lui dit avoir digéré cet affront, mais les fans espèrent encore qu’il pourra un jour corriger l’histoire, la grande histoire, qui aurait pu le voir "claquer" un 21e titre du Grand Chelem après avoir vaincu coup sur coup ses deux plus grands rivaux - il avait estourbi Rafael Nadal 48 heures auparavant. Alors oui, pour la beauté du geste et pour entretenir sa légende, il serait superbe que "Fed" remette un jour Wimbledon à ses pieds. "Ce serait fantastique, c’est clair, souligne Marc Rosset, son ancien capitaine en Coupe Davis. Mais pour tout vous dire, si "Rodg" arrive à faire "péter" un nouveau Grand Chelem et que ce n’est pas Wimbledon, on ne va pas se mettre à pleurer… (rires)"
Dire un superbe au revoir à l’Australie?
Outre Wimbledon, c’est peut-être bien en Australie, où il s’était encore imposé en janvier 2018, que le Bâlois a théoriquement le plus de chances de remporter un titre majeur. Dans ce pays auquel il est très attaché (et vice-versa), Roger Federer apparaît toujours transfiguré, très motivé. Son retour exceptionnel en 2017 est resté dans toutes les mémoires. C’était la classe à l’état pur, un "truc" extraordinaire. S’offrir une nouvelle quinzaine de folie à Melbourne serait la meilleure manière de faire un adieu au public australien qui l’adore (et qu'il adore). En 2021? Pour l’heure, cela paraît compliqué. Mais pourquoi pas en 2022, dix-huit ans après sa 1re victoire sur les bords de la Yarra…
Se régler sur l’or olympique?
Bien sûr, depuis plusieurs mois, tout le monde (façon de dire) ne jure que par un triomphe olympique de Roger Federer à Tokyo. Les choses ne sont pourtant pas aussi simples que cela, tant la concurrence devrait être rude au Japon... si les JO peuvent s’y dérouler normalement l’an prochain. Mais, dans un format au meilleur des trois sets, l’ancien no1 mondial a forcément toutes ses chances, sachant qui plus est que la surface et les conditions de jeu devraient lui plaire. "J’avoue que de voir Roger s’imposer à Tokyo serait énorme", s’amuse Marc Rosset. Pour ses fans, l’idée qu’il décroche le seul véritable titre qui lui manque – l’or olympique du simple – à la veille de ses 40 ans rendrait la chose encore plus extraordinaire. Mais est-ce seulement envisageable?
Rester l’enfant de Bâle?
10 sacres à Bâle, dans son jardin, celui au cœur duquel il fut un temps ramasseur de balles. Devenu ramasseur de... titres à la Halle Saint-Jacques, Roger Federer ne boude jamais son plaisir de triompher devant ses parents et ses amis, dans sa ville natale. Sorti plusieurs fois vainqueur de superbes finales (contre Djokovic, Nadal ou encore Del Potro…), "Papy" - comme le surnomment affectueusement Wawrinka et Rosset – ne manquerait certainement pour rien au monde la possibilité de tricoter une 11e couronne sur les bords du Rhin. Gageons qu’à l’automne 2021, tout sera prêt pour lui.
Simplement rejouer au meilleur niveau?
Tiens, et si en réalité le principal défi de Roger Federer consistait "simplement" à rejouer au plus haut niveau, à son meilleur niveau? Poser la question est presque y répondre à en croire Marc Rosset. "Pour moi, et comme il l’avait dit récemment, c’est bien cela le principal, estime l’ancien champion olympique. Retrouver un niveau de jeu compétitif doit être la priorité, sa priorité. Surtout que tous les défis que vous évoquez précédemment ne pourront se réaliser que si cette première condition est remplie. Mais je pense qu’il a les moyens de revenir à un excellent niveau."
En dépit des deux opérations que le Bâlois vient de subir, son compatriote se veut d'ailleurs optimiste sur ses chances. "De tous les joueurs actuels, Roger est celui qui a la grande plus facilité d’adaptation, celui qui a le moins besoin de temps pour retrouver ses sensations. Il a, à plusieurs reprises, démontré qu’il pouvait très vite rejouer à un super niveau. Donc on peut s’attendre à tout."
Et Marc Rosset de renchérir: "On aurait pu s’inquiéter du fait qu’il manque une grosse partie de la saison, mais au vu des incertitudes qui pèsent encore sur le tennis actuel, on se rend compte que ses principaux adversaires auront, au mieux, disputé cinq ou six tournois de plus que lui avant 2021. Tout cela n’est d’ailleurs même pas certain, donc au final, Roger n’aura pas manqué énormément de semaines compétition. Alors bien sûr, les autres se seront beaucoup entraînés pendant que lui poursuivait sa rééducation, mais rien ne remplace les tournois. C’est dans ceux-ci que tu engranges du rythme, des repères, de la confiance, surtout…"
L’optimisme de Rosset se multiplie encore au vu et au su des incertitudes automnales. "Si tout le monde devait repartir sur une page vierge la saison prochain, Federer peut clairement faire un coup…" Preuve qu’avec l’homme aux 20 titres du Grand Chelem, l’optimisme finit toujours par (re)prendre le dessus. Et en attendant, qu'il savoure bien cette ultime ligne droite vers la quarantaine (et pas celle que l'on évoque dans l'actualité depuis quelques mois). Santé!
Arnaud Cerutti, @arnaud_cerutti