Une ritournelle avait l'habitude de "faire" nos printemps. Elle devrait, cette année, animer notre début d'automne: qui pourra battre Rafael Nadal à Roland-Garros? D'ordinaire posée aux mois de mai, la question est, en 2020, soumise en septembre à tous les candidats à une place au soleil de l'ATP Tour - ou sous les nuages de Paris. Avec, une fois n'est pas coutume, l'idée que l'Espagnol n'est peut-être pas le principal favori pour le triomphe sur la terre battue de la Porte d'Auteuil.
RAFA CONTRE DJOKO: son manque de préparation, la possibilité que son lift soit moins ravageur à l'automne qu'au coeur du printemps et la confiance d'un Novak Djokovic que seule une juge de ligne a battu cette année (non sans y laisser son souffle) mettent à mal l'idée que "Rafa" se promènera sur le Philippe-Chatrier. En temps de crise, l'ouverture de Roland n'a peut-être pas le même effet sur les papilles qu'en temps normal, mais il n'empêche: les deux semaines à venir pourraient être de haut vol, à Paris. Car le tenant du titre pourrait porter son compteur à 20 couronnes du Grand Chelem, record de Federer égalé. A moins que ce ne soit son principal rival, "Nole", qui pose ses poings rageurs à 18 unités? Pas de doute: l'automne sera chaud, dans les t-shirts et les polos.
UN SEUL POSSIBLE CONTRADICTEUR? Si poser l'idée que ce "RG 20" se résumera à une empoignade à distance, puis à un duel à fleurets surtout pas mouchetés le dimanche 11 octobre entre Nadal et Djokovic paraît couler de source, rien n'est toutefois si simple dans l'univers de la petite balle jaune, ce que nous a prouvé le dernier US Open, où l'on attendait le Serbe gros comme une maison, mais où un certain Dominic Thiem a finalement marqué l'histoire. Thiem, d'ailleurs, qui sera le gros outsider de cette quinzaine parisienne, celui qui apparaît comme le seul joueur, en dehors des deux ténors, à peut-être pouvoir embrasser la Coupe des Mousquetaires. Après avoir disputé les deux dernières finales de Roland, l'Autrichien a très envie de pouvoir faire mieux. Mais son tableau - Cilic, puis potentiellement Opelka, Ruud, etc., avant Nadal en demie? - n'a rien d'évident. Reste à savoir si le vent qui le porte depuis New York peut le pousser à déjà doubler la mise en Grand Chelem.
UN OEIL SUR STAN: puisque nous ne sommes pas contre une possible surprise, on ne s'interdira pas de croire en Stan Wawrinka. Alors certes, absent à l'US Open, en manque de compétition, récemment blessé, laminé par Musetti à Rome et désormais séparé de Magnus Norman, le Vaudois n'a pas grand-chose qui parle pour lui. Et pourtant, c'est souvent dos au mur que ce battant incroyable nous a sorti les plus belles performances. Alors pourquoi ne pas vouloir croire en lui pour mettre un peu le souk dans cette quinzaine? Guerrier admirable, "Stanimal" n'a cependant pas été servi par le sort, puisqu'il sera opposé d'entrée à Andy Murray, en compagnie duquel il s'est entraîné mercredi. Mais une victoire contre l'ancien No 1 mondial, trois ans après une demi-finale historique, aurait l'heur de permettre au formidable diesel vaudois d'entamer une montée en puissance dans la quinzaine.
A SURVEILLER QUAND MÊME: Djoko, Nadal et Thiem; on a semble-t-il fait le tour de la question. Mais gardons en tête qu'une blessure, un adversaire en feu, voire un geste d'humeur (eh oui), peuvent bouleverser tous les pronostics. Il va donc falloir observer Stefanos Tsitsipas (malgré son inconstance), Alexander Zverev et, pourquoi pas, Félix Auger-Aliassime. En revanche, les Medvedev, Schwartzman ou Shapovalov apparaissent bien légers sur la longueur.
HALEP EN FAVORITE: chez les dames, Simona Halep ne peut refuser l'étiquette de favorite No 1. Impressionnante à Rome la semaine passée, la Roumaine sera tête de série No 1 de la quinzaine parisienne en l'absence d'Ashleigh Barty, tenante du titre. Mais plus que cela, son aisance sur la terre battue et son expérience des grandes finales (5 finales du Grand Chelem, 2 titres dont Roland-Garros 2018) lui donnent des arguments pour régner sur un tableau qui, en dépit de sa présence, paraît très ouvert, comme souvent chez les dames ces dernières années. Mais si "Simo" a les faveurs de la cote, il n'en demeure pas moins qu'il y aura du "lourd" en face.
QUANTITÉ DE PRÉTENDANTES: derrière la Roumaine, ça se bousculera au portillon. Et parmi les autres prétendantes au Graal, même si moins cotées que Halep, on trouve plusieurs joueuses qui n'ont encore jamais embrassé un trophée du Grand Chelem. Citons Kiki Bertens (très à l'aise sur brique pilée), Madison Keys, Karolina Pliskova (malgré son mental défaillant en "majeurs") ou encore Elina Svitolina, laquelle devrait bien finir, un jour, par en gagner un... Mais pour perturber l'apparente sérénité de Halep, il va peut-être falloir se tourner vers deux anciennes Nos 1 WTA: Victoria Azarenka et Garbine Muguruza. Si la 1re arrive dans les meilleures dispositions physiques, elle peut faire au moins aussi bien qu'à l'US Open (finale), ceci malgré son peu d'amour pour la terre battue. Quant à la 2e, matée par... Halep en demi-finale à Rome, elle a des envies de revanche. Et surtout, elle adore le terrain de jeu parisien.
ET LES SUISSESSES? on aurait pu espérer que Belinda Bencic fasse trembler la terre, mais la Saint-Galloise, mal en point, a renoncé à la dernière minute au déplacement parisien. Restent donc Jil Teichmann et Stefanie Vogele. En forme cette semaine à Strasbourg, la Biennoise pourrait vivre un 2e tour passionnant contre Simona Halep. Quant à l'Argovienne, en manque de victoires, elle se contenterait déjà d'un succès au 1er tour sur Patricia Maria Tig (WTA 58), récemment titrée à Istanbul. Une entrée en matière qui s'annonce compliquée.
L'INTERROGATION CLIMAT: le climat sur et autour de ce Roland-Garros 2020 ne prête guère à l'optimise. Forcément que de jouer un tournoi outdoor en Europe aux mois de septembre et d'octobre comporte des risques. Et forcément, la météo annoncée sur Paris est grise, pour ne pas dire autre chose. Autant dire que les organisateurs devront jongler pour caser tous les matches, en espérant que ceux-ci puissent aller à leur terme. Surtout que, comble de l'ironie, le génie français a fait que le toit placé sur le Philippe-Chatrier n'est pas imperméable! Quant au climat autour de ce RG 2020, il est très tendu. En cause, des tests Covid et des décisions qui n'ont ni queue ni tête. Le tout sans compter que la jauge des spectateurs, déjà plusieurs fois abaissée, vient d'être encore écrasée à 1000 personnes. Un sale coup pour Bernard Giudicelli, le patron de la FFT, mais peut-être un juste retour de bâton, pour lui qui a voulu la jouer en solo depuis le mois de mars.
Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti
Nos favoris
MESSIEURS
***** Djokovic, Nadal
**** -
*** Thiem
** -
* Auger-Aliassime, Tsitsipas, Wawrinka, Zverev
DAMES
***** Halep
**** Azarenka
*** Keys, Pliskova, Svitolina
** Bertens, Muguruza, Kvitova
* Vekic, Vondrousova
Palmarès des 10 dernières éditions
2019: Rafael Nadal (ESP) - Ashleigh Barty (AUS)
2018: Rafael Nadal - Simona Halep (ROU)
2017: Rafael Nadal - Jelena Ostapenko (LET)
2016: Novak Djokovic (SRB) - Garbina Muguruza (ESP)
2015: Stan Wawrinka (SUI) - Serena Williams (USA)
2014: Rafael Nadal - Maria Sharapova (RUS)
2013: Rafael Nadal - Serena Williams
2012: Rafael Nadal - Maria Sharapova
2011: Rafael Nadal - Li Na (CHN)
2010: Rafael Nadal - Francesca Schiavone (ITA)