"Quand j'étais petit, jamais je n'avais imaginé devenir journaliste. Moi, je voulais devenir footballeur"
S'il fallait résumer grossièrement les principaux faits d'armes de Pierre-Alain Dupuis au micro de la TSR/RTS, nous pourrions énumérer ses 10 participations à des Jeux olympiques (dont 6 d'hiver), 5 Coupes du monde et 4 Euros de football, un millier de matches de tennis (dont évidemment ceux qui ont mené au titre olympique de Marc Rosset en 1992 et au sacre de l'équipe de Suisse de Coupe Davis en 2014 à Lille), sans oublier 5 saisons de Coupe du monde de ski alpin... Le palmarès d'Hervé Borsier est aussi à la hauteur de sa carrière, qui l'a notamment emmené à plusieurs reprises à Auckland pour la Coupe de l'America et à Melbourne pour l'Open d'Australie (voir encadré avec le Sport Première qui lui a été consacré).
Pierre-Alain Dupuis, qui a été enseignant au niveau secondaire pendant 5 ans à Moudon, Echallens et Chavannes-près-Renens, a fait ses premiers pas à la TSR à l'hiver 1985. "Quand j'étais petit, jamais je n'avais imaginé devenir journaliste. Moi, je voulais devenir footballeur, mon idole s'appelait Eusebio... Je rêvais de jouer à Servette ou à Lausanne et en équipe nationale...".
PIERRE-ALAIN DUPUIS ET...
SES DEBUTS DANS LE JOURNALISME: C'est tombé un peu par hasard. J'ai fait de l'enseignement pendant mes études et j'écrivais parfois dans le journal La Suisse. J'ai pris conscience que ça allait être compliqué pour moi de faire toute une carrière dans l'enseignement, alors j'ai effectué un stage de journaliste, dans la politique locale, au sein de la Nouvelle Revue de Lausanne. Comme il n'y avait pas de sport dans ce journal, le directeur m'a laissé carte blanche pour développer cette section. Il m'a dit ''ça se fera sur vos heures supplémentaires qui seront d'ailleurs non payées''. Je me suis piqué au jeu en écrivant des éditos, qui étaient parfois repris dans la revue de presse de la Radio romande.
Un jour, la Radio romande m'a contacté et de fil en aiguille, j'ai passé des tests à la télévision. J'étais très impressionné car j'avais devant moi Boris Acquadro, Jacques Deschenaux et Roger Félix. Le fait d'écouter régulièrement la radio m'a beaucoup aidé.
Aujourd'hui, vous êtes beaucoup mieux renseignés. Vous pouvez savoir à quel âge Ronaldo a eu sa première varicelle...
SA PREMIERE PRESENCE SUR UN PLATEAU: C'était en 1986 pendant la Coupe du monde au Mexique. Tous les midis, pour l'émission fans de foot, Yannik Paratte et moi, les 2 jeunes, faisions les résumés des matches. L'émission commençait toujours en jouant au baby-foot. C'était hyper sympa.
L'EVOLUTION DU METIER: Le métier de la télévision, comme d'autres d'ailleurs, a énormément changé. A l'époque, nous avions un débit de parole plus lent. Nous laissions plus vivre les images. Aujourd'hui, il faut lancer un sujet en 2 phrases. Le rythme de travail a également changé. Tout va plus vite. A l'époque, l'émission sportive du dimanche était le rendez-vous phare de la télévision romande. Il n'y avait pas la concurrence de toutes les chaînes. Ceci explique nos audiences de 250'000/300'000 personnes. C'était un rendez-vous rassembleur: le papa, les enfants, voire le grand-père. Il faut admettre qu'il y en avait beaucoup pour le foot et le hockey, alors qu'aujourd'hui heureusement, chaque sport à son droit de temps d'antenne.
Sinon, aujourd'hui les contacts avec les athlètes sont devenus plus compliqués car il faut passer par différents intermédiaires. Autre différence: maintenant, vous êtes beaucoup mieux renseignés. Internet vous donne tout. Vous pouvez savoir à quel âge Ronaldo a eu sa première varicelle. Vous savez tout sur tout le monde.
La critique fait partie du jeu. Elle ne m'a jamais blessé lorsqu'elle était argumentée
SES 10 ANS EN TANT QUE MONSIEUR EQUIPE DE SUISSE DE FOOTBALL (de 1996 à 2006): J'étais à Wimbledon en train de commenter un match et puis soudain dans le casque Jacques Deschenaux (rédacteur en chef des sports de l'époque) me dit. ''Ne me réponds pas, mais tu me rappelles d'urgence après le match". Là, je m'étais dit ''mon dieu, qu'est-ce que j'ai dit comme connerie à l'antenne...''. Alors je le rappelle et Jacques me demande si je veux commenter l'équipe de Suisse pour succéder à Pierre Tripod...
Quand vous commentez votre premier match, vous vous dites wow! Je n'aurais jamais imaginé ça. Je n'ai jamais rêvé de faire ça. Au début, j'ai vécu une traversée du désert car l'équipe de Suisse gagnait peu. Mon premier match? La Suisse de Fringer s'incline 1-0 à Bakou contre l'Azerbaïdjan, qui n'avait jamais gagné un match de son histoire... Puis plus tard, il y a eu heureusement cette magnifique Coupe du monde de 2006 en Allemagne quelque peu gâchée par ce huitième de finale perdu aux tirs au but contre l'Ukraine. Je suis conscient que j'ai eu une chance et un privilège extraordinaire.
ET LES CRITIQUES DONT CHAQUE COMMENTATEUR DOIT FAIRE FACE: La critique fait partie du jeu. Elle ne m'a jamais blessé lorsqu'elle était argumentée. Il nous arrive parfois d'être moins bon et de rater un truc. Par contre, la critique basique "j'aime pas sa gueule. Il est nul..." ne me convient pas. Certaines critiques m'ont fait très mal lorsque je les trouvais infondées. On ne peut pas commenter l'équipe de Suisse pendant 10 ans si on est nul. Il nous arrive d'être critiqué si l'on relève certaines faiblesses passagères ou non dans le jeu de l'équipe de Suisse ou de Roger Federer, par exemple. Mais c'est le rôle du commentateur de les évoquer.
Quand vous passez à côté d'une partie, je peux vous assurer que le sommeil ne vient pas. Il y a déjà la tension après un direct qui met du temps à retomber, puis on refait le match... et on se dit "bon Dieu, que j'étais mauvais sur ce corner. Mais pourquoi je n'ai pas vu que le gars a poussé un adversaire dans le dos dans la surface de réparation". Vous vous flagellez...
Marc Rosset n'hésitait pas à me corriger et je savais lui dire qu'il n'avait pas toujours raison. On a vécu une magnifique aventure
SA COMPLICITE AVEC LES CONSULTANTS MICHEL PONT ET MARC ROSSET: Avec Michel Pont, c'était la complicité la plus aboutie. On nous surnommait les 2 perruches parce qu'on était inséparables. Dans nos déplacements, on était collés l'un à l'autre. On parlait tout le temps, on riait beaucoup. Et puis Michel s'est vu proposer le poste d'adjoint à la tête de l'équipe de Suisse de Köbi Kuhn. Il pouvait difficilement refuser cette opportunité (rires). La complicité est restée, même si après forcément, les destins se séparent.
Marc Rosset, je l'ai connu quand il était jeune joueur. J'ai commenté son premier titre ATP à Genève en 1989, et ensuite je l'ai suivi. Il a décroché son titre olympique inoubliable à Barcelone. Mais il faut savoir que ça n'a pas été simple avec Marc. Il ne me contredira pas. Il était compliqué. Il ne venait pas facilement aux interviews. J'avais l'impression qu'il n'était pas très fiable. Il pouvait arriver mal luné. Après sa carrière de joueur, je l'ai proposé comme consultant. On a eu un très bon feeling et le duo a fonctionné. On était complice. Il n'hésitait pas à me corriger et je savais lui dire qu'il n'avait pas toujours raison. On a vécu une magnifique aventure lors de la finale de la Coupe Davis à Lille en 2014. Il était très proche de l'équipe. Donc il avait les tuyaux.
Eh Dupuis, t'es pas terrible physiquement
SA RENCONTRE AVEC ISABELLE NUSSBAUM: Je l'ai connue au travail. Isabelle était journaliste stagiaire. C'était une championne d'escrime. Je l'ai trouvée tellement attendrissante de naïveté. Elle était passionnée. Je l'ai un peu prise sous mon aile, comme d'autres collègues d'ailleurs. Puis, un jour, elle me dit: "Bon, écoute tu dis toujours que tu es fort physiquement. Alors viens faire un petit combat d'escrime contre moi". Elle m'a équipé, tenue, casque, épée, câble... Je n'ai évidemment pas réussi une touche en 5 minutes. J'ai enlevé le masque qui était dégoulinant. Et puis elle m'a amorcé: "Eh Dupuis, t'es pas terrible physiquement". Il s'est créé une complicité et les choses ont fait qu'elle est devenue mon épouse et la mère de mes 2 filles. Je trouve qu'Isabelle a beaucoup apporté à la rédaction sportive. Les commentaires en direct, ce n'était pas trop son truc. Elle avait une patte pour les sujets magazine et c'est là qu'elle a fait son chemin. Je le dis avec admiration parce que moi, je n'ai jamais fait de Temps Présent.
La porte a explosé et j'ai été ceinturé par des militaires russes
LE MATCH RUSSIE-SUISSE DE SEPTEMBRE 2003 A MOSCOU: Le jour du match était une journée où rien n'allait... J'avais une cassette d'archives qui n'était pas compatible avec les moyens techniques russes. Ensuite, j'avais un invité qui devait venir en plateau et qui m'a annoncé qu'il était pris dans les bouchons...
Avant de commenter la partie, je devais encore aller sur le terrain pour faire une petite intervention enregistrée. Alors je quitte ma position de commentateur et mon consultant Daniel Jeandupeux pour filer au bord du stade.
Le hic: quand je veux retourner à ma position, toutes les portes sont fermées. Je ne comprenais pas... Je panique un peu parce que j'étais limite par rapport au début du direct. Alors, je tape d'un coup d'épaule une porte qui est en bois. Avec le recul, c'était plus de la ouate que du bois... La porte a explosé. Et là, je suis ceinturé par des militaires qui m'emmènent dans un local de garde du stade. J'ai beau leur montrer mon accréditation, rien n'y fait. Heureusement, une responsable russe parvient à convaincre les militaires de me relâcher pour commenter la partie. A la fin du match, les militaires viennent me rechercher... Ils voulaient 2000 dollars pour me relâcher. On est allé à plusieurs chercher ce montant dans un distributeur. Et puis tout est rentré dans l'ordre... J'en ris maintenant mais sur le moment cela a été un épisode traumatisant.
LA FINALE DE COUPE DAVIS AUX ETATS-UNIS EN 1992: On en avait fait une belle avec Jean-François Rossé et d'autres dont le docteur de l'équipe de Suisse de Coupe Davis et mon ami Daniel Rossellat. Dans le hall de la réception de l'hôtel trônait le trophée de la Coupe Davis. On l'a pris pour aller dans une chambre et faire des photos. Et puis tout d'un coup, on a entendu l'alarme dans l'hôtel. La sécurité a cru que le trophée avait été dérobé. Quand nous sommes retournés remettre la Coupe, on nous a pris pour les voleurs. Puis la police est arrivée... on n'en menait pas large.
SES PROJETS: Je suis vraiment prêt à me passer du monde de la télévision. J'ai des projets personnels, des voyages dans la tête. J'ai toujours un petit rêve de faire une revue, un spectacle. Et puis, comme j'aime le tennis, j'ai repris la présidence du Tennis club de Nyon.
Miguel Bao, avec la complicité de Sébastien Schorderet et l'équipe de RTSarchives
Pierre-Alain Dupuis en bref
Si vous n’aviez pas été journaliste: à 17-18 ans, je rêvais d'être prof de gym, mais j'étais assez mauvais en gymnastique artistique et en natation
Principale qualité: l'humour
Principal défaut: la sensibilité
Une des plus grandes fiertés: ces derniers mois, on m'a souvent dit que j'étais humain dans l'écoute des gens. J'ai parfois été sévère mais toujours avec une forme d'humanité. L'humain c'est la valeur essentielle dans la vie. Cela ne doit pas empêcher de faire des critiques
Un des plus grands regrets: j'avais postulé avec 2 autres candidats pour être rédacteur en chef du Département des sports pour succéder à Jacques Deschenaux. Je m'étais beaucoup investi dans la candidature. Je pensais que j'allais être pris et cela a été une grosse déception. Je pensais avoir les qualités pour être le leader de la rédaction
Votre devise: ne pas prendre les choses telles qu'elles sont. Et accepter qu'elles ne soit pas telles qu'on souhaite qu'elles soient
Une idole: quand j'étais gamin, dans la cour d'école je m'appelais Eusebio. Il était extraordinaire. J'adorais ce joueur. Dans le monde du tennis, j'ai aimé Borg et McEnroe. Sinon, j'ai une admiration sans borne pour Federer. C'est un grand monsieur qui a compris ce qu'est l'échange humain. Il fait un bien énorme au tennis et au sport
Une des premières choses que vous faites le matin: un jus detox
T'es plutôt...
Pelé ou Maradona? Pelé
Platini ou Infantino? Platini
Rapinoe ou Hegerberg? Rapinoe
Hitzfeld ou Petkovic? Joker
Federer ou Rosset? Les deux
Nadal ou Djokovic? Nadal
Wawrinka ou Hlasek? Wawrinka
Fondue ou raclette? Raclette
Vin blanc ou vin rouge? Rouge
Lambada ou salsa? Lambada
Rock & roll ou soul? Rock & roll
Hervé Borsier en bref
Autre figure de la RTS, Hervé Borsier a, lui aussi, effectué plusieurs fois le tour du monde grâce à ses compétences en voile, tennis, hippisme et football. En témoignent ces 25 couvertures du Bol d'Or, 5 Coupes de l'America (3 fois à Auckland et 2 fois à Valence), 28 tournois du Grand Chelem, 4 Euros (foot), sans oublier les Jeux olympiques de Pékin...
Si vous n’aviez pas été journaliste: Disc-jockey à plein temps
Principale qualité: la persévérance
Principal défaut: le manque de concentration
Une des plus grandes fiertés: avoir terminé ma carrière avec la même motivation qu'au début
Un des plus grands regrets: Ne pas avoir pu rencontrer une 3e fois Florence Arthaud. (La navigatrice perd la vie en 2015 dans un accident d'hélicoptère lors d'un tournage d'une émission en Argentine).
Votre devise: ne jamais se prendre au sérieux
Une idole: George Michael
Une des premières choses que vous faites le matin: Boire un verre d'eau
Une blague: Santé, mais pas des pieds!
T'es plutôt...
Pelé ou Maradona? Pelé
McEnroe ou Connors? McEnroe
Bertarelli ou Wavre? Bertarelli
Bol d’Or ou Vendée Globe? Vendée Globe
Guerdat ou Schwizer? Guerdat
Fondue ou raclette? Fondue
Fromage ou chocolat? Chocolat
Poisson ou viande? Poisson
Vin blanc ou vin rouge? Vin rouge
Lambada ou salsa? Salsa
Rock & roll ou soul? Rock & roll