"Federer prend du galon", relevaient alors simplement les titres de l'époque. C'était en réalité bien plus que cela, puisque, cela constituait, pour celui qui était un immense espoir, le vrai début de l'histoire, celle qui allait le mener vers 102 autres trophées, et non des moindres.
"Ce n'est peut-être pas la plus belle victoire de ma carrière, mais elle est importante, car pour la première fois je me rends compte que je peux quitter un tournoi ATP en vainqueur", souffla sur le moment l'homme au... 0 titre en Grand Chelem mais... au catogan.
Vingt ans plus tard, on sait ce que le joueur aux joues encore rondelettes est devenu; une légende. Et son adversaire d'alors, Julien Boutter (27 ans en 2001), se plaît à nous raconter sa fierté d'avoir pu assister au plus près à la "naissance" définitive du futur "Maître". Avec, d'abord, ce constat: "On savait que c'était un joueur plein de promesses. On avait tous un regard particulier sur cette génération montante, afin de voir si quelques-uns de ces gars allaient confirmer. Pour moi, c'était donc une jolie occasion que d’affronter Roger pour notre première finale. Et j'ai vu ce que je devais voir…"
Et donc? "Eh bien on parlait d'un nouveau Sampras, mais même s'il avait encore du déchet logique pour son âge (ndlr: 19 ans en février 2001), Roger avait clairement quelque chose en plus que Pete; son revers était d'un autre niveau et il tenait mieux sa balle, se remémore Julien Boutter. Donc oui il était de la graine de Sampras, mais avec un potentiel plus important."
Même s’il avait encore du déchet logique pour son âge, Roger avait clairement quelque chose en plus que Pete Sampras
La preuve sur les 20 années qui ont suivi, comme le souligne le Français: "Ce que Roger a fait depuis est difficilement qualifiable. Il y a presque un degré de non-sens dans tout cela, et je le dis dans le bon... sens du terme, quand on sait déjà ce qu'il faut avoir pour gagner quelque chose… C'est juste admirable. Et monstrueux."
Le 4 février 2001, Julien Boutter pensait, lui aussi, pouvoir aller chercher le 1er titre ATP de sa carrière. "C'est vrai qu'avant cette finale, j'étais confiant, martèle notre interlocuteur. J'étais dans une bonne dynamique, j'adorais ce tournoi de Milan et, surtout, je savais que Federer allait avoir la pression car il devait théoriquement débloquer son compteur (ndlr: le Bâlois avait perdu ses 2 premières finales, à Marseille en février 2000 contre Marc Rosset, puis chez lui en octobre de la même année devant Thomas Enqvist)."
Le début de match donna presque raison à celui qui, depuis, est devenu directeur du tournoi de Metz. "Je l'avais breaké d'entrée et il s'était vite énervé, au point de donner l'impression de pouvoir retomber dans ses travers, puis malheureusement c'est moi qui me suis tendu", se remémore Boutter. Une balle de match manquée dans la 2e manche aurait d'ailleurs pu tout changer pour le Bâlois. "C'est vrai que j'ai craint que cette finale ne tourne comme les deux précédentes", remarqua Federer après coup.
"Mais non, c'est finalement bien moi qui ai été le premier joueur à avoir perdu une finale contre Roger, s'esclaffe 20 ans plus tard Julien Boutter. Je crois qu'il y a plus désagréable dans la vie. Lui et moi sommes par la force des choses liés. Et comme Roger est un chouette personnage, ça me fait presque plaisir de parler de cette défaite."
Finalement titré à Casablanca en 2003, le Français a le soulagement d'avoir à son tour pu débloquer son palmarès. Et il peut aussi se féliciter d'avoir malgré tout épinglé Roger Federer à son tableau de chasse. "C'est vrai, je l'ai tout de même battu une fois (ndlr: en Challenger, à Grenoble en 1999, 4-6 6-2 6-3), glisse-t-il. D'ailleurs, il y a quelques années, nous buvions un verre ensemble à Bâle et Roger s'était souvenu exactement de ce match, en me décrivant la rage qui avait été la sienne après avoir perdu contre moi. Sa mémoire est monstrueuse. Cela dénote aussi un niveau de concentration extraordinaire."
De ceux qui lui ont permis d'aller chercher 103 titres ATP. Le 1er en ce fameux 4 février 2001.
Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti
Avec l'aide de l'arbitre?
Vingt ans plus tard, la scène fait rire Julien Boutter, mais elle a peut-être tout changé: à l'issue du tie-break de la 2e manche l'arbitre Lars Graff s'est en effet trompé dans l'identité du 1er joueur à servir à l'entame du set décisif. Cela aurait dû être Federer, ça a finalement été Boutter. "J'avais eu un doute, mais j'avais quand même servi", rappelle ce dernier. Qui, breaké d'emblée, dut ensuite courir derrière Federer pour finalement ne jamais le rattraper.
LES 103 TITRES DE FEDERER
2001: Milan.
2002: Sydney, Hambourg, Vienne.
2003: Marseille, Dubaï, Munich, Halle, Wimbledon, Vienne, Houston (Masters).
2004: Open d’Australie, Dubaï, Indian Wells, Hambourg, Halle, Wimbledon, Gstaad, Toronto, US Open, Bangkok, Houston (Masters).
2005: Doha, Rotterdam, Dubaï, Indian Wells, Miami, Hambourg, Halle, Wimbledon, Cincinnati, US Open, Bangkok.
2006: Doha, Open d’Australie, Indian Wells, Miami, Halle, Wimbledon, Toronto, US Open, Tokyo, Madrid, Bâle, Shanghai (Masters).
2007: Open d’Australie, Dubaï, Hambourg, Wimbledon, Cincinnati, US Open, Bâle, Shanghai (Masters).
2008: Estoril, Halle, US Open, Bâle;
2009: Madrid, Roland-Garros, Wimbledon, Cincinnati.
2010: Open d’Australie, Cincinnati, Stockholm, Bâle, Londres (Masters).
2011: Doha, Bâle, Paris-Bercy, Londres (Masters).
2012: Rotterdam, Dubaï, Indian Wells, Madrid, Wimbledon, Cincinnati.
2013: Halle.
2014: Dubaï, Halle, Cincinnati, Shanghai, Bâle.
2015: Brisbane, Dubaï, Istanbul, Halle, Cincinnati, Bâle.
2017: Open d’Australie, Indian Wells, Miami, Halle, Wimbledon, Shanghai, Bâle.
2018: Open d’Australie, Rotterdam, Stuttgart, Bâle.
2019: Dubaï, Miami, Halle, Bâle...