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Dominic Stricker confirme, mais "laissons-lui du temps"!

Dominic Stricker, un gaucher talentueux qui a le bras chargé de promesses. [Keystone / Ti-Press - Francesca Agosta]
Dominic Stricker, un gaucher talentueux qui a le bras chargé de promesses. - [Keystone / Ti-Press - Francesca Agosta]
Lauréat de Roland-Garros junior en 2020 et vainqueur de son 1er tournoi Challenger dimanche à Lugano, Dominic Stricker surprend son monde avec son entrée dans le top-500 ATP. La suite s'annonce prometteuse. A condition notamment de ne pas vouloir aller trop vite en besogne, relève Yves Allegro, ancien chef de la relève à Swiss Tennis.

Il a remporté Roland-Garros junior l'automne passé et a décroché sa 1re victoire en Challenger dimanche à Lugano, au bout de ce qui était seulement son 2e tournoi chez les pros. Inutile de dire que Dominic Stricker (18 ans) est de ces petites perles qui font naître des rêves dans l'esprit des amoureux du tennis suisse.

Et bien que les comparaisons ne soient pas raison - surtout pas! - d'aucuns n'ont pas manqué de vouloir tirer des parallèles avec ces 2 phénomènes répondant aux noms de Roger F. et Stan W.

Des comparaisons que l'on n'aime pas vraiment, pour tout dire. Ancien chef de la relève à Swiss Tennis, Yves Allegro, qui connaît Stricker depuis près de 10 ans et l'a longtemps côtoyé à la Fédération, n'est pas fan non plus de ces parallèles.

Chacun, dans la vie, se développe à sa manière, pas forcément comme le copain, et il ne faut pas oublier toutes les composantes: le tennis, le physique, l’émotionnel, l’humain, surtout à son âge

Yves Allegro

"Laissons-lui du temps!, réclame ainsi le Valaisan, qui s'est confié à RTSsport. Du temps pour grandir, du temps pour se renforcer dans tous les compartiments, du temps pour apprendre, etc… Chacun, dans la vie, se développe à sa manière, pas forcément comme le copain, et il ne faut pas oublier toutes les composantes: le tennis, le physique, l'émotionnel, l'humain, surtout à son âge..."

L'analyse est pertinente. Il n'en demeure pas moins qu'au Tessin, le Bernois a marqué les esprits. "Pour tout vous dire, je crois sincèrement qu'il a proposé le tennis qui est le sien à l'entraînement, mais ce qui est très fort c'est d'avoir su le transposer ainsi en match, et qui plus est sur 5 rencontres de suite, admire Yves Allegro. En plus, à chaque fois Dominic a donné le sentiment d'augmenter son niveau. Pour finir par se montrer très serein en finale. Donc oui, c'est l'ensemble de ce qu'il a fait qui est impressionnant."

Cela l'est d'autant plus que Stricker n'était pas sur un nuage l'été dernier. "Il ne jouait pas très bien avant son titre à Roland-Garros, puis il a pris confiance à Paris, note celui qui s'occupe désormais de l'autre espoir suisse Leandro Riedi, finaliste de... Roland-Garros. Bien qu'il se soit arrêté quelques semaines après son sacre en Grand Chelem, Dominic a su repartir de plus belle. Il a le vent dans le dos et en profite pleinement."

Dominic n’est pas un monstre de l’entraînement, mais un vrai compétiteur. C’est aussi l’une de ses forces. Il adore quand il y a de l’enjeu, quelque chose au bout.

Yves Allegro

Surtout, le désormais membre du top-500 mondial adore la compétition. "C'est effectivement un 'matcheur', sourit Allegro. Dominic n'est pas un monstre de l'entraînement, il est même parfois un peu flemmard, mais c'est en revanche un vrai compétiteur. C'est aussi l'une de ses forces. Il adore quand il y a de l’enjeu, quelque chose au bout. Il ne lâche rien. Récemment, nous avons fait du golf ensemble et à partir du moment où on a joué pour quelque chose, il était dans un autre état d'esprit."

Cela peut donc lui permettre d'avancer encore. Mais à son rythme. Tranquillement. Sans chercher à brûler les étapes. "Il faut qu'il digère sa victoire de Lugano et qu'il travaille encore physiquement, poursuit l'ancien joueur de Coupe Davis. Au Tessin, il a pu mesurer, surtout en demi-finales contre Sugita, ce que cela exige d'affronter un membre régulier du top-100. C'est très intense. Il était 'fracassé' au sortir de ce match. Alors il s'agit maintenant de faire une belle planification, de savoir s'offrir des plages de repos, de ménager et de construire son corps, mais aussi de construire son tennis. Une carrière peut durer longtemps. Il a grosso modo 15 ans de carrière au moins devant lui s'il fait bien les choses. L'erreur serait désormais de courir après les points et de se cramer."

Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti

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"Pas une surprise non plus"

S'il est épaté par ce que réalise Dominic Stricker, Yves Allegro tient tout de même à relever que ce n'est pas non plus une immense surprise pour lui qui le suit depuis longtemps. "Il joue en effet vraiment bien depuis tout jeune, insiste le Valaisan. A 11 ans, il avait remporté les championnats de Suisse M12 ans, donc avec une année d'avance, ce qui est rare chez les garçons. Là je me suis dit qu’il avait vraiment un 'truc' en plus. Sauf que derrière il n’a quasi plus rien gagné durant plusieurs mois… Lui qui était un joueur offensif était devenu un joueur qui 'poussait' davantage la balle. Peut-être qu’il s’était alors mis trop de pression… Mais il reste un gaucher assez génial et a su rebondir de fort belle manière."

"Un entourage sain"

Pour rebondir, Dominic Stricker a aussi eu la chance de pouvoir s'appuyer sur son entourage, très équilibré. "Il est très bien entouré, se félicite Allegro. Sa famille est composée de gens simples, sains, hyper sympas. Il y a une belle vie de famille autour de lui, c'est un beau cadre, équilibré. Quand on sait l'importance que cela peut avoir dans une carrière...! Ca peut lui éviter de péter les plombs."

Penser aux points forts!

Le tennis du Bernois a pris du poids ces derniers mois et Yves Allegro se réjouit de voir ses progrès: "Son service lui fait gagner beaucoup de points. Dominic retourne qui plus est vraiment bien en 2e balle. Il n'a pas non plus peur d'aller au filet. Son jeu est varié et il possède une belle vision du tennis. Mais il doit encore travailler, tant il est évident qu'à cet âge on peut encore s'améliorer dans tous les domaines." Et sur quoi l'intéressé doit-il le plus bosser? "Je suis plutôt de ceux qui pensent qu'il faut renforcer les points forts, lâche Allegro, car tu ne gagnes pas une rencontre sur tes points faibles. Et plus tes points forts le sont, plus tu prends de la confiance, ce qui compense justement tes éventuels points faibles..."

Avec Federer....

Dominic Stricker a notamment pu bénéficier des conseils de Roger Federer, avec lequel il s'est entraîné à Dubaï, cet hiver. Une aubaine? "Cela lui a sans doute servi, note Yves Allegro, mais ça dépend aussi de comment un sparring-partner de Federer prend la chose. Oui, c'est une chance et oui cela donne l'occasion de beaucoup apprendre, mais il faut vraiment savoir ce que tu veux faire de ces heures d'entraînement une fois que tu les as eues. Je crois que Dominic a bien utilisé tout cela. Car il ne faut pas oublier qu'ils sont plusieurs à avoir partagé des courts avec 'Rodg' et pas tous n'ont réussi quelque chose de concret ensuite..."