"Ce sera un tournoi particulier, où l'on peut s'attendre à tout", prévient Marc Rosset
Roland-Garros, les infiltrations de Rafael Nadal et la domination d'Iga Swiatek à peine digérés, les regards sont déjà entièrement tournés vers Wimbledon, dont l'édition 2022 débute lundi, avec son lot de questionnements, dont la sanction des athlètes russes et biélorusses, ainsi que l'absence de points, qui pourraient changer la face des tableaux. A la veille du coup d'envoi, Marc Rosset, consultant RTS Sport, offre son regard toujours pertinent sur un tournoi qu'il aime suivre.
RTSsport.ch: Les suiveurs du tennis se sont soudainement emballés ces derniers jours, en présentant Matteo Berrettini et Hubert Hurkacz comme de sérieux prétendants au titre, mais n'allons-nous pas assister comme souvent à une bataille Novak Djokovic-Rafael Nadal pour le sacre?
MARC ROSSET: C'est une très bonne question…! Dans le fond, je m'en pose aussi, car cette édition 2022 ne sera assurément pas comme les autres. Les sanctions envers les joueurs russes et biélorusses font déjà qu'un Daniil Medvedev, qui aurait pu enquiquiner tout le monde, dont Djokovic, ne pourra pas défendre ses chances… Il n'y a pas non plus pléthore de prétendants au titre. Mais ce sera un tournoi spécial. Sans points à la clé, un joueur se battra-t-il toujours s'il est mené deux sets à rien? C’est un exemple parmi d'autres de toutes les interrogations que l'on peut se poser… Franchement, je m'attends à tout dans ce tournoi...
Sans points à la clé, un joueur se battra-t-il toujours s'il est mené deux sets à rien?
RTSsport.ch: Il n'y a pas de points certes, mais le prize-money demeure conséquent…
MARC ROSSET: Oui, mais est-ce que les athlètes vont se battre pour de l'argent alors qu'il n'y a pas de points? A mon époque, cela n'aurait jamais été le cas. Après, c'est vrai que nous sommes dans une autre génération et je ne sais pas forcément comment celle-ci raisonne…
RTSsport.ch: Revenons-en à Djokovic… Il figure clairement parmi les favoris de ce tournoi, mais il a semblé piocher physiquement en quarts de finale de Roland-Garros, ce qui a paru surprenant…
MARC ROSSET: Je ne suis pas sûr que ce soit sur le plan physique qu'il a pioché. Je crois plutôt que son problème était mental. Il lui a manqué de gros matches, dont ceux qu'il aurait par exemple pu avoir à l’Open d'Australie, pour être mûr afin d'affronter Rafael Nadal dans un quart de cette importance à Paris. Il n'a pas eu l'approche et la préparation idéales. Ces gros matches en 3 sets gagnants, il faut les avoir dans les jambes pour mieux les jouer. A Roland, Djokovic a eu des sautes de concentration, des trous qui m'ont semblé davantage dus à des facteurs mentaux que physiques.
RTSsport.ch: Rafael Nadal a, lui, finalement décidé de se présenter à Wimbledon. Ça vous a surpris également?
MARC ROSSET: Oui, car au sortir de Roland-Garros, je pensais vraiment qu'il allait couper et se reposer. Mais son traitement a apparemment fonctionné au-delà de ses espérances. Ce sera intéressant de voir ce qu'il pourra faire à Church Road.
Ce n'est pas un Wimbledon sans Roger Federer qui est particulier, mais le tennis sans Roger Federer tout court qui n'est pas le même.
RTSsport.ch: Un Wimbledon sans Roger Federer, ce qui reste quelque chose de particulier pour nous…
MARC ROSSET: Ah, mais vous savez, ce n'est pas un Wimbledon sans Roger Federer qui est particulier, mais le tennis sans Roger Federer tout court qui n'est pas le même! Alors oui, on lie souvent "Rodg" à ce tournoi pour tout ce qu'il lui a apporté, et vice-versa, mais il a gagné des titres, fait des finales et des demies à plusieurs reprises dans les trois autres "majeurs". Donc pour moi, Melbourne, New York ou même un Roland-Garros sans Roger, ce n'est pas la même histoire...
RTSsport.ch: Et chez les dames, doit-on s'attendre à voir Iga Swiatek "grosse comme une maison", elle qui écrase tout le monde depuis des semaines?
MARC ROSSET: Sur terre battue, elle est injouable. Pour moi, Iga Swiatek est la Nadal au féminin. Sur gazon, ce sera autre chose. Son lift n'aura pas les mêmes effets. Ce sera donc plus compliqué pour elle. Autant elle est injouable sur brique pilée, autant je ne la vois pas tout emporter sur son passage sur les autres surfaces. Pour moi, c'est très ouvert chez les dames.
Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti
"Berrettini est chaud"
Peut-on vraiment imaginer Berrettini et Hurkacz capables de gagner ce Wimbledon 2022? "Eh bien, déjà, Berrettini a sauvé sa saison en prenant les points qu'il devait prendre grâce à ses succès à Stuttgart puis au Queen's, souligne Rosset. C’est fort; l'Italien est "chaud" et fait à mon sens partie des 3-4 joueurs qui peuvent aller au bout, c'est certain. Mais encore une fois, l'absence de points risque de peser sur les réactions des uns et des autres. Franchement, comme je vous le disais précédemment, je m'attends à tout dans ce tournoi…"
"Pour Wawrinka, les gros matches, puis la régularité"
"Là aussi, nous sommes dans l'inconnu, en convient Marc Rosset. Je l'ai toutefois vu faire un très bon match contre Frances Tiafoe au Queen's (ndlr: succès en 3 sets). C'était intéressant. Il y avait de bonnes choses à en retirer. Seulement, le lendemain, il s'est fait fesser par Tommy Paul. Est-ce que Stan était cuit? Est-ce qu'il y avait d’autres raisons? Je ne sais pas, mais il est clair que Wawrinka doit petit à petit renouer avec les gros matches, puis avec la régularité, etc, pour viser plus haut."
Bencic et les petits détails
"Il est clair qu'avec un Wimbledon qui apparaît ouvert chez les dames, on aimerait que Belinda Bencic réalise un immense tournoi du Grand Chelem, martèle Marc Rosset. Et si on le souhaite autant, ce n'est pas pour rien. Au contraire, c'est parce qu'on la sent et on la sait capable de grandes choses. A elle maintenant d'améliorer les petits détails pour réaliser une belle quinzaine."
"Serena Williams, une athlète hors-norme"
"C’est une athlète hors-norme qui revient et voir une telle championne retrouver le chemin des courts est forcément intéressant, se réjouit le champion olympique 1992. Je ne la vois d'ailleurs pas passer par Wimbledon pour une tournée d’adieu, s'amuser à dire 'Coucou, c'est moi, je suis venue faire un petit tour car je m'en vais…'. Ce serait vraiment très surprenant. Selon moi, lorsqu'un athlète de cette qualité revient, ce n’est pas pour cela. Je n'envisage d’ailleurs pas davantage la présence de Federer à Bâle en octobre comme le début d'une tournée d’adieu. Non, non, non. Le but de ces champions, quand ils reviennent, est de faire encore quelque chose."