Stan Wawrinka: "Arrêter n'a jamais été une option pour moi, car ma motivation demeure énorme"
"Je suis dispo pour toi samedi matin". Après quelques échanges de messages au fil de la semaine, Stan Wawrinka (38 ans en mars) a calé le rendez-vous, au sortir d'un entraînement. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'au moment d'entrer dans le vif du sujet, lundi matin à l'Open d'Australie contre Alex Molcan, le Vaudois apparaît bien dans ses baskets. Et surtout pas avare de paroles.
RTSsport.ch: Stan Wawrinka, quelles sont vos sensations avant le début de cet Open d'Australie?
STAN WAWRINKA: La forme est bonne. Vraiment. Comme vous l'écriviez vendredi, j'ai enfin pu faire une vraie préparation, ce qui n'avait pas été le cas depuis 3 ans. Je sens que le niveau est là, tant physiquement que tennistiquement. A Brisbane lors de la United Cup, j'ai signé 2 très bons matches, l'un gagné, l'autre perdu. Je suis dans de bonnes dispositions, d'attaque pour cette saison. Je vais pousser au maximum. Mais oui, je suis aussi lucide, conscient de mon âge. Je dois aussi faire davantage attention à la récupération. Je sais que je peux faire des choses très bien. Peut-être que ce sera dès ce tournoi. Ou sinon, eh bien ce sera ailleurs. Parce que mes sensations du moment ne garantissent rien, tant on connaît le circuit et ses aléas, mais je suis impatient d’entrer dans le vif du sujet. Si je tiens sur ce rythme et reste fidèle à ma ligne de conduite, je pense pouvoir faire une belle saison.
RTSsport.ch: Après une année d'absence, le fait de retrouver Melbourne, terre de votre premier titre en Grand Chelem reste sans doute quelque chose de particulier...
STAN WAWRINKA: Il est clair que de revenir ici est un plaisir. L'Australie, c'est le premier "Majeur" que j'ai enlevé et il s'en dégage une saveur spéciale. Mais je dois reconnaître que chaque tournoi du Grand Chelem est un bonheur, encore plus à mon âge. J'approche de la fin de ma carrière et je me dois de profiter de ces moments-là.
Revenir en Australie est un plaisir. J'approche de la fin de ma carrière et je me dois de profiter de ces moments-là.
RTSsport.ch: On se souvient de votre retour ici, en 2018, après votre opération du genou. Vous aviez battu Ricardas Berankis, presque sur une jambe. Etait-ce l'un des moments les plus compliqués de votre carrière?
STAN WAWRINKA: Je me souviens aussi très bien de ce moment-là. Mais c’était différent des 2 années qui viennent de s'écouler. Parce qu'il y a 5 ans, ma "chance" avait été d'avoir pu revenir relativement rapidement sur le circuit. Même si je n’étais qu’à 50% de mes capacités, au moins j’étais de nouveau dans la compétition, au coeur de l’ATP Tour. Ce qui n’avait pas été le cas en 2021. Pour tout vous dire, là, je viens d'en "chier" pendant 2 ans. Je veux voir du positif à présent.
Pour tout vous dire, là, je viens d'en "chier" pendant 2 ans. Je veux voir du positif à présent.
RTSsport.ch: Au point d'avoir pensé à dire "stop"?
STAN WAWRINKA: Il y a toujours du doute lorsqu’on se blesse sérieusement à l'âge qui est le mien. Mais en réalité, quand tu es blessé et que tu te lances dans un processus de guérison et de rééducation, tu n’as pas vraiment le temps de ruminer, de penser à la retraite, justement car tu es complètement impliqué sur le fait de te reconstruire physiquement. Oui, il peut y avoir un peu de négatif, de petits moments de déprime, mais tu ne peux pas te poser la question d’arrêter. Ou alors tu décides tout de suite de dire "stop" et tu n’entames pas une rééducation pareille. Pour moi, arrêter ma carrière n’a jamais été une option.
RTSsport.ch: Lundi vous attend un 1er tour contre Molcan, puis peut-être un 32e de finale face à Félix Auger-Aliassime. Il y a encore 3 ans, le Canadien aurait rêvé de jouer contre vous. Est-ce qu'aujourd'hui c'est vous qui rêvez de jouer contre lui?
STAN WAWRINKA: Eh bien disons que depuis que je rejoue pas mal au tennis, je considère que c'est un plaisir d'affronter de gros joueurs de la nouvelle génération. Donc je réponds oui à votre question. Parce que c'est tout de même chouette de se dire que l'on a "joué" contre des gars très forts de plusieurs catégories d'âge. Cela signifie que l'on a duré dans le temps, que notre carrière a été plutôt réussie. Cela étant, je suis encore loin de Félix, parce qu'il y a Molcan avant et que cela fait des "plombes" (ndlr: janvier 2021, contre Pedro Sousa à Melbourne) que je n'ai pas gagné un match en Grand Chelem.
RTSsport.ch: Vous voyez bien évidemment plus loin que Melbourne. Si vous ne deviez formuler qu'un voeu pour 2023 au niveau de votre tennis, lequel serait-ce?
STAN WAWRINKA: D’abord, l’envie est de pouvoir revivre une saison entière sans blessure. Après, c’est clair que je souhaiterais regagner un titre. C’est autant un rêve qu'un objectif. Que ce soit un 250, un 500, un Masters 1000… voire un Grand Chelem, mais je crois savoir que c’est assez difficile (il se marre). Franchement, j'aimerais soulever à nouveau un trophée. Il n’existe en effet pas plus beau feeling dans une carrière de tennisman que celui de finir une semaine avec une coupe entre les mains.
Il est clair que je souhaiterais regagner un titre. C’est autant un rêve qu'un objectif.
RTSsport.ch: Revenir avec Magnus Norman, l'homme avec qui vous avez gagné vos plus beaux titres, est autant une manière de boucler la boucle que de pouvoir vous donner les moyens de réussir...
STAN WAWRINKA: C'est ça! A mes yeux, c’était évidemment la suite logique. Je m’étais toujours dit que j’aimerais finir avec lui, si c’était possible, car nous sommes sur la même longueur d’onde et que j’ai gagné tous mes gros trophées avec lui à mes côtés. Boucler la boucle ainsi est une bonne chose.
RTSsport.ch: Ce terme évoque la fin de quelque chose aussi; Stan, est-ce votre dernière saison sur le circuit ATP?
STAN WAWRINKA: En cette mi-janvier, j’aimerais vous répondre que non. Non car je n’ai pas fait autant d’efforts pour devoir arrêter dans quelques mois. Je ne me suis pas remis aussi "fit" pour une saison seulement. Et dans le même temps, il est clair qu’on ne sait jamais ce qui peut se passer. Mais honnêtement, j’ai envie de tenir encore quelques années.
J’aimerais vous dire que non, 2023 n'est pas ma dernière saison, car je n’ai pas fait autant d’efforts pour devoir arrêter dans quelques mois.
RTSsport.ch: A vous entendre, on vous sent en quelque sorte presque apaisé, serein...
STAN WAWRINKA: Je ne sais pas, c’est peut-être dû à l’âge... Mais aussi parce que durant les années où j’étais au top du top, je me suis trouvé dans un train qui filait à vive allure. Et dans ce train, tu ne vois pas le temps passer, tu ne peux pas regarder dans le rétro et tu n’as surtout pas envie d’en descendre, car tu sais que si tu sors du train tu ne le rattraperas pas. Ca va très vite et tu es la tête dans le guidon... Aujourd'hui, je suis très lucide sur l’âge qui est le mien, sur la petite route qu'il me reste à parcourir... Mais ma motivation demeure énorme. J’ai envie d'effectuer du mieux que je peux ce chemin, de revenir le plus haut possible au classement ATP. La fin est proche, oui, mais j’entends profiter de ces derniers mois ou dernières années de tennis.
RTSsport.ch: L'après-carrière, elle vous fait peur?
STAN WAWRINKA: Oui, je dois avouer que cette étape me préoccupe. Je n'y pense pas pour l'instant, mais je sais que ce sera très dur pour moi de tourner la page. Parce que j’aime mon sport, j’aime les émotions qu'il me procure, j’aime le jeu. La suite ne pourra être que différente de tout cela. Mais le jour venu, j’essaierai de faire en sorte qu’elle se passe du mieux possible. J'espère que ce sera le plus tard possible.
Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti
"Djokovic est monstrueux"
Acteur du circuit ATP depuis maintenant plus de 20 ans, "Stanimal" est bien placé pour évoquer le brassage actuel de générations et les mois à venir. C'est peu dire que l'intéressé s'en frotte les mains! "Je crois franchement que cette saison 2023 va être belle, dans la droite ligne du dernier US Open. Parce qu'il y a justement plusieurs générations qui se battent pour de gros titres et ces confrontations de générations sont très alléchantes, tant pour les joueurs que pour le public." Reste que le Vaudois ne s'attend pas particulièrement à une immense surprise pour la quinzaine australienne. "Sur cet Open d'Australie, reprend-il, il est très difficile de citer quelqu'un d'autre que Novak Djokovic pour la gagne. Il est vraiment monstrueux!"
Djoko, 10 ans après!
Souvenez-vous du 20 janvier 2013. Melbourne est le théâtre d'un 8e de finale entre Novak Djokovic et Stan Wawrinka. Le match est monstrueux, tant le Suisse joue le feu et pousse le Serbe dans ses derniers retranchements. Au pays, en ce dimanche, chacun est rivé devant son poste, jusqu'aux environs de 15h00. Malgré la défaite, ce match a été le socle de ce qu'a ensuite réussi Wawrinka au cours de sa carrière. C'était il y a 10 ans! "Ce moment reste gravé en moi, dit-il aujourd'hui. J'ai toujours considéré ce match comme un déclic. Il m'a permis de me rendre compte de mes capacités physiques et mentales. J’ai compris des choses ce soir-là. Après, il a fallu énormément travailler derrière pour concrétiser. Cela n’a pas été évident. Mais oui, cette défaite qui m’a fait très mal m'a paradoxalement fait beaucoup de bien également."
"Je suis dispo pour aider"
Stan Wawrinka a ouvert 2023 à Brisbane, où la Suisse a disputé la United Cup. L'homme aux 3 titres en Grand Chelem ne cache pas y avoir vécu une super expérience! "J'ai été aussi très honoré d'être nommé capitaine de cette équipe. Nous avons vécu de vrais bons moments, sur le court comme en dehors. Cela m'a offert de nouvelles perspectives, a été très intéressant pour moi." L'ancien no 3 mondial a eu du plaisir à partager avec ses coéquipières et coéquipiers. "Comme je l’ai souvent dit, je suis toujours dispo pour ceux qui ont des questions. C’est vrai que je ne suis pas du genre à aller vers les gens pour leur dire que faire, car j’estime que tous font très bien les choses, mais je suis là pour répondre aux questions. Et tant mieux si je peux aider! J’ai aimé échanger avec tous les membres de cette équipe. J’aime discuter et apprendre. Le circuit, c’est comme la vie, on apprend tous les jours."
"La Coupe Davis garde un problème"
Stan Wawrinka n'a pas manqué de se confier au sujet des derniers atermoiements liés à la Coupe Davis. "La nouvelle formule a cassé pas mal de choses, observe-t-il. Je suis de ceux qui n'ont jamais été convaincus par son format. Certes, je ne l'ai jamais joué, mais il n'avait rien d'excitant. Personnellement, j'ai grandi avec la vraie Coupe Davis, celle qui permettait de disputer une rencontre à la maison ou à l'extérieur avec des ambiances folles. Toutes ont été des expériences incroyables. Maintenant, j'ignore ce que cette compétition deviendra ou redeviendra et quel format on peut trouver pour la relancer, mais il est en tout cas clair que la rupture de contrat ne peut être qu'une bonne chose. Sauf qu'il reste un problème: les personnes ayant signé ce bail sur plusieurs années, donc celles qui prennent des décisions pour le tennis, sont toujours en place..."
LA RTS diffuse un match par jour en direct. Tous les autres matches sont à suivre sur Eurosport