Les athlètes suisses ont brillé ces derniers mois. Ainsi, lors des Mondiaux de para-athlétisme à Paris, Catherine Debrunner, Manuela Schär, Elena Kratter et Marcel Hug ont cartonné. La cycliste genevoise Celine van Till a, elle, récolté l’or tant aux Mondiaux de Glasgow qu’aux Européens de Rotterdam. Sans oublier les nageurs Nora Meister et Leo McCrea et les badistes Cynthia Mathez et Ilaria Renggli, médaillés respectivement aux Mondiaux de Manchester et aux Européens de Rottedam. De bon augure avant les Paralympiques de Paris. Swiss Paralympic communiquera sa sélection le 19 juillet.
Y aura-t-il des Suisses en tennis en fauteuil? La Zougoise Nalani Buob, 22e joueuse mondiale, semble bien partie pour disputer ses 2es jeux paralympiques, après Tokyo.
Quant au no1 helvétique chez les messieurs Raphaël Gremion, il met les bouchées doubles. "Boucler ma carrière à Paris, qui plus est sur les courts de Roland-Garros, pour mes premiers Jeux paralympiques, ce serait tout simplement génial, le rêve ultime", lâche le souriant biennois de 47 ans qui pratique le tennis en fauteuil depuis plus de 20 ans. Gremion devra figurer dans le top-50 pour être du voyage parisien. Le compte à rebours est lancé, chaque point compte, la marge de manœuvre réduite.
"Il y a du chemin, mais j’y crois"
"Actuellement, je suis 107e mondial. Il y a du chemin mais j'y crois. Pour y arriver, il faut disputer beaucoup de tournois et avoir de la chance au tirage. Car en étant paraplégique complet, tu as moins de musculature et tu te déplaces moins vite que contre un amputé bas par exemple... Ca fait partie du jeu...", explique Gremion avant d’indiquer que "c'est tellement gratifiant quand tu bats des joueurs qui ont un handicap moins lourd que le tien".
Raphaël Gremion dispute cette année plus de tournois (une quinzaine au total) et son employeur le soutient en lui octroyant 4 semaines de vacances de plus. "Je m'entraîne 3 fois par semaine à raison de 2 heures par séance, plus une heure de physiothérapie hebdomadaire pour récupérer car en fauteuil roulant le haut du corps et les épaules ramassent énormément", indique le droitier de 47 ans qui travaille à 50% dans une entreprise horlogère.
Un rêve à 150'000 francs
Ce rêve paralympique a un coût financier. Raphaël Gremion a budgété 150'000 francs sur les 18 mois qui précèdent "Paris 2024". "Cela comprend les entraînements, les entraîneurs, le matériel, les voyages... ça va vite. On a organisé des soupers de soutien, des restaurateurs m'ont aidé, mais pour le moment, je n’arrive pas aux 150'000 francs… On a essayé de trouver des sponsors auprès d'entreprises et de privés. Ce n'est pas évident". Même en étant no1 helvétique en fauteuil. "En Suisse, que tu sois +piéton+ ou +fauteuil+, si tu n'as pas tes parents derrière qui t'aident c'est très difficile. Le manque de médiatisation n'aide pas non plus", relève le Biennois qui n'en perd pas sa bonne humeur pour autant.
Force est d’admettre que le niveau en Suisse n’est pas très relevé. En atteste le Swiss Open Geneva disputé en juillet. Sur les 10 représentants helvétiques en lice, un seul a franchi le cap du 1er tour. "Le fait est que la majorité des Suisses travaille en parallèle et pratique le tennis comme loisir. Quand tu joues contre des pros, on fait au mieux", explique Gremion, qui est parvenu le mois dernier en Belgique à tenir tête au no17 mondial, le Britannique Ben Bartram (0-6 6-7).
En cette année pré-olympique, les 20 meilleurs mondiaux vivent de leur sport avec l'appui financier de leurs fédérations respectives. "C’est impossible de vivre uniquement des prize money… (ndlr: le no1 mondial japonais Tokito Oda a touché 60'000 euros après son titre à Roland-Garros). Contrairement aux autres pays, on n'est malheureusement pas affilié à Swiss Tennis, mais à l’association suisse des paraplégiques, à Nottwil, qui regroupe tous les sports handicap. Les sports qui obtiennent des résultats bénéficient de plus de soutien financier… Je suis no1 suisse mais que 107e mondial. En partant de ce principe, on a moins d'aides forcément dans le tennis’’, précise Gremion qui regrette également qu'il n'y ait pas véritablement de relève en Suisse en raison notamment de la difficulté de ce sport.
"En basket ou en athlétisme, on obtient des résultats plus rapidement. En tennis, il faut d'abord apprendre à se déplacer tout en tenant la raquette. C'est terrible au début. Puis il s’agit d’être bien placé sur la balle… Personnellement, il m'a fallu une année pour réussir à gérer les déplacements", nous apprend Gremion, qui a perdu l’usage de ses jambes en octobre 1998 lors d’un accident de voiture. "Quand tu te retrouves paraplégique, il faut tout réapprendre. J'ai commencé à jouer fin 1999. Etant donné que je jouais au tennis avant l'accident, j'ai continué. Mon objectif était de devenir no1 suisse. J’ai mis 12 ans pour y arriver’’.
Raphaël Gremion est d’ores et déjà satisfait de son parcours. "A la base, je voulais être champion de Suisse, no1 suisse et disputer une Coupe du monde. Maintenant, j'en suis à 9 titres de champion de Suisse, no1 helvétique depuis 9 ans et j'ai disputé 4 Coupes du monde…". Des objectifs donc largement dépassés. "Il me fallait un nouveau défi. Essayer de participer aux Paralympiques… Ce serait vraiment la cerise sur le gâteau".
Qu’il décroche ou non son billet pour Paris, Raphaël Gremion continuera à se faire plaisir sur les courts. "Mais je disputerai moins de tournois. Je ne penserai plus au classement. Ce sera juste pour le plaisir". Et le no1 helvétique de conclure: "Il faudra venir me prendre mon titre de champion de Suisse. Je ne vais pas le donner comme ça". Ce tournoi se tiendra cette année du 15 au 17 septembre à Bulle.
Miguel Bao - @migbao
Le message à Roger Federer
Raphaël Gremion, comme beaucoup, est un fan absolu de Roger Federer. "Je l'ai côtoyé 2 fois rapidement. J'ai vu beaucoup de ses matches. J'étais à Lille lors de la finale de la Coupe Davis en 2014. J'avais eu l'occasion d'aller à la fête et de le voir d'un peu plus près et d'échanger rapidement quelques mots. Un de mes rêves serait de taper quelques balles avec lui. Maintenant qu'il est à la retraite, il a peut-être plus de temps’’. Le message est lancé.