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Doit-on franchement s'inquiéter pour Rafael Nadal?

Rafael Nadal a quitté Brisbane en grimaçant. Pourra-t-il revenir plus fort ce printemps? [AP - Tertius Pickard]
Rafael Nadal a quitté Brisbane en grimaçant. Pourra-t-il revenir plus fort ce printemps? - [AP - Tertius Pickard]
L'Open d'Australie pointe le bout de son nez, mais c'est un absent qui fait parler: Rafael Nadal. Blessé la semaine dernière à Brisbane, l'Espagnol ne s'alignera pas à Melbourne, alors qu'il avait rêvé de pouvoir y retrouver les courts d'un Grand Chelem, 12 mois après s’y être blessé - ce qui l'avait poussé à passer sur le billard et à la plus longue absence de sa carrière. Aïe!

"C'est la preuve que malgré toute son expérience, il est probablement revenu trop tôt, pointe le Dr Vincent Burki, spécialiste en médecine du sport à Hirslanden Clinique La Colline. L'intensité liée aux matches, à la compétition; tout cela est énorme à ce niveau. Physiquement, c'est violent, même quand on s'appelle Nadal."

Le Genevois n'est ainsi pas particulièrement étonné que l'ancien no1 mondial ait rechuté: "Son absence avait été longue et sa préparation intensive avait quant à elle finalement été relativement courte. Avec l'âge, tout devient quand même plus fragile. On récupère moins bien et moins vite."

Son absence avait été longue et sa préparation intensive avait quant à elle finalement été relativement courte. Avec l'âge, tout devient quand même plus fragile.

Dr Vincent Burki, spécialiste en médecine du sport à Hirslanden Clinique La Colline

"Rafa" s'est-il donc emballé en imaginant pouvoir être mûr pour l'Australie? "C'est intéressant de voir que même lui, avec toute son expérience et son vécu sportif, est revenu sans doute trop rapidement, reprend le Dr Burki, qui note par ailleurs que l'intéressé semblait bouger un peu différemment qu'à l’époque. Un athlète n'est jamais à l’abri dès lors qu'il n'est pas au top sur le plan musculaire et qu'il n’a pas retrouvé tous les automatismes."

Doit-on franchement s'inquiéter pour Nadal? "A priori, sa blessure n'est pas directement liée à la hanche meurtrie l'an dernier, rappelle Vincent Burki, mais il y a certainement un lien indirect, puisque c'est situé dans la zone qui l'entoure. Mécaniquement, tout n'était pas encore réglé. Un athlète peut faire toute la rééducation qu'il veut, le moment de vérité réside souvent dans les charges de travail représentées par la compétition. Ce qui est arrivé démontre qu'il n’avait pas la "caisse" pour disputer l'Open d’Australie."

Un athlète peut faire toute la rééducation qu'il veut, le moment de vérité réside souvent dans les charges de travail représentées par la compétition. Ce qui est arrivé démontre qu'il n’avait pas la "caisse" pour disputer l'Open d’Australie.

Dr Vincent Burki, spécialiste en médecine du sport à Hirslanden Clinique La Colline

Cela ne signifie pas pour autant que l'ogre de Manacor n’aura pas d'autres ressources ce printemps. "Au contraire, la terre battue lui sera favorable, souligne le Dr Burki. Les appuis, pour lui si naturels, y sont moins violents que sur dur, surtout dans l’arrêt de la course, dans ses déplacements. Les muscles situés à l'avant des cuisses et des hanches sont différemment sollicités. Et puis, Nadal a apparemment contracté une petite lésion musculaire (de l'ilio-psoas). Donc on peut partir du principe que début mars, il sera pleinement apte à revenir à la compétition. Maintenant, prendra-t-il le risque d'aller sur dur à Indian Wells et/ou Miami? Ne ferait-il pas mieux de tout miser sur la brique pilée?"

Ce n'est pas la seule question qui s’offre à l'horizon de Rafael Nadal. Ancien joueur de niveau national, Vincent Burki mêle ici son regard de spécialiste de tennis et de médecin du sport: "On peut effectivement se demander si, à son âge, après une intervention chirurgicale et une année d'absence, il a encore la capacité d'enchaîner les matches. Parce que jouer pendant 3h une journée, ça passe. Mais le répéter tous les 2 jours, dans une quinzaine de Grand Chelem, c'est tout autre chose; on l'a bien vu avec Roger Federer en 2021..."

L’Espagnol doit donc tenter d'imiter le Bâlois, mais sur un autre plan; en se réinventant à la manière de son ancien rival qui, à son premier retour en janvier 2017, avait adapté son jeu afin de se décharger sur le plan athlétique. Mais le peut-il?

Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti

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