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"Sinner a été remarquable parce qu'il a su éviter de se laisser submerger", admire Marc Rosset

Après avoir été très tendu, Jannik Sinner a pu s'écrouler de bonheur sur la balle de match lui amenant le titre à l'Open d'Australie. [EPA - Joel Carrett]
Après avoir été très tendu, Jannik Sinner a pu s'écrouler de bonheur sur la balle de match lui amenant le titre à l'Open d'Australie. - [EPA - Joel Carrett]
Marc Rosset revient sur l'Open d’Australie et lance un regard sur les principaux joueurs du circuit ATP. Le champion olympique 1992, consultant pour la RTS, ne cache pas avoir apprécié la quinzaine à Melbourne et se réjouir de la suite de la saison. Sans parler d'une nouvelle ère!

Ce n'est pas parce que Jannik Sinner a décroché sa première couronne du Grand Chelem en Australie que Marc Rosset balaie le passé et évoque une nouvelle ère pour le tennis. Comme nous, le Genevois n'apprécie pas ce terme. "C'est le truc de certains journalistes qui aiment le répéter en boucle, lance-t-il. Ainsi il est clair qu'un jour il y en a un qui aura raison, comme avec la fin de Federer, celle de Nadal ou celle de Djokovic. Bien sûr qu'un jour Novak ne gagnera plus de "Majeur", mais ce n’est pas après une demie à Melbourne que tu tires pareille conclusion."

Le décor est planté; le champion olympique dit tout haut ce que l'on pense tout bas. Avant de revenir plus largement sur une quinzaine passionnante.

SUR JANNIK SINNER... "Je déteste les comparaisons, car chaque joueur a son propre style, ses propres qualités, ses défauts aussi, mais oui, toutes proportions gardées, Sinner a quelque chose d'Andre Agassi. Parce qu'il joue près de sa ligne, parce qu'il distribue magnifiquement et parce qu'il frappe fort des deux côtés. Il faut le reconnaître: l'Italien a vraiment un "truc". Je n'en étais pourtant pas un grand fan à ses débuts, mais j'aime désormais la manière dont il travaille, la manière dont il s'est amélioré, son envie, sa capacité à générer de la vitesse avec la balle, le fait qu'il ose aussi davantage aller de l'avant. Ca me plaît. Et je l'ai trouvé très solide mentalement en finale."

Sinner a quelque chose d'Andre Agassi. Parce qu'il joue près de sa ligne, parce qu'il distribue magnifiquement et parce qu'il frappe fort des deux côtés.

Marc Rosset, champion olympique en 1992 et consultant RTS.

LA FINALE... "Selon moi, le déclic a eu lieu à 6-3 5-1, lorsque Daniil Medvedev s'est fait breaker alors qu'il avait double break. A ce moment-là, il envoie un signal à Sinner: oui, il y a la possibilité de me prendre mon service, oui je commence à fatiguer et, donc, oui, il y a la possibilité de passer sur la longueur. Certes, le Russe gagne cette 2e manche, mais il me paraît clair que s'il lui colle 6-3 6-1, c'est une autre histoire ensuite. C'est là que j'ai trouvé l'Italien remarquable de par sa capacité à ne pas s'écrouler. C'est assez fabuleux, car jusque-là, Sinner avait été pris à la gorge, surclassé. Mais il a su éviter de se laisser submerger par les émotions. Ce qui lui a permis de rester lucide et de voir que son adversaire commençait à être usé. Alors que s'il avait lâché dans la tête, jamais il n'aurait été capable de deviner la fatigue de Medvedev."

DANIIL MEDVEDEV... "Medvedev a toujours été un super joueur, mais il avait vécu une saison 2022 plus compliquée, avec un coup de mou post-Open d'Australie et un pépin physique. Là, on le retrouve solide, on retrouve son excellent tennis. A mes yeux, il est un très gros client pour les prochains grands tournois. Pour ce qui est de la quinzaine écoulée, il peut regretter l'énergie dilapidée en première semaine. Celle-ci lui a coûté très cher au final. Mais c'est satisfaisant de le revoir tout devant."

Medvedev peut regretter l'énergie dilapidée en première semaine. Celle-ci lui a coûté très cher au final.

Marc Rosset, champion olympique en 1992 et consultant RTS.

NOVAK DJOKOVIC... "Honnêtement, je ne l'ai jamais trouvé bon durant ce tournoi. Même contre Taylor Fritz, il n'a pas eu à faire des choses extraordinaires, l'Américain ne tenant simplement pas la distance, ni physiquement ni tennistiquement, comme souvent. Après, ce n'est pas parce que "Nole" a perdu en demi-finale qu'il faut commencer à épiloguer. Il peut tout à fait "claquer" 2 Grands Chelems cette année. Parce qu'au-delà de Djokovic lui-même, il faudra voir si les jeunes qui poussent, qui montent, sont capables une fois d'enchaîner, de confirmer."

Arnaud Cerutti

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"Zverev peut être monstrueux"

Marc Rosset a aussi observé avec un oeil particulier le tournoi d'Alexander Zverev. "Lui qui avait prévenu qu'il lui faudrait une bonne année pour revenir de sa grave blessure à la cheville droite est bel et bien de retour et rejoue également du très bon tennis, apprécie le Genevois. Je l'ai souvent dit, "Sascha" est capable de battre tout le monde, dans n'importe quel format, lorsqu'il ose se montrer agressif. Par moments, il peut être vraiment monstrueux. Sauf qu'il doit vraiment trouver la constance pour aller enfin chercher un gros truc. A Melbourne, il a manqué d'un peu de chance."

L'énigme Carlos Alcaraz

Carlos Alcaraz fait en revanche tourbillonner les questions dans la tête de Marc Rosset. "Pour moi, c'est une véritable énigme, en effet, confirme le champion olympique de 1992. Parfois, je me demande s’il n'est pas déjà arrivé à son pic en gagnant Wimbledon ou s’il n’est pas simplement un homme de "coups", par-ci par-là..." Et le héros de Barcelone de reprendre: "Si on fait le parallèle entre lui et Sinner, eh bien je vois d’un côté un Italien humble, qui progresse, qui ne fait pas de grandes déclarations. Et de l’autre un Espagnol qui dit vouloir battre tous les records mais ne semble pas plus affecté que cela de perdre en quarts de l’Open d’Australie. Or, si tu veux battre des records, ce n’est pas ainsi que ça marche! Ce qui est fâcheux, avec Alcaraz, c'est que j'ai le sentiment qu'il suffit qu'il soit un poil moins bien pour que plus rien ne tourne dans son tennis. A vérifier ces prochains mois."