Carnet 10 - Sinner roi du monde, Alcaraz pour le défier, la frustration de Tsitsipas, l'intelligence de Gauff et de grosses questions pour Djokovic
UN ÉTÉ HYPOTHÉQUÉ? Patatras! Novak Djokovic, le guerrier ultime, a été contraint de rendre les armes à Paris. Son tournoi? Finito, comme dirait l’autre. Genou en vrac, ménisque touché, "Nole" n’arrachera pas un 25e titre du Grand Chelem et va même être culbuté de son trône mondial lundi prochain. Un malheur n’arrivant jamais seul, pour lui qui a repoussé tant de montagnes, la durée de son indisponibilité et la portée réelle de sa blessure restent inconnues, mais l’été au cours duquel il devait loucher sur les plus gros trophées (Roland, Wimbledon, Jeux Olympiques, US Open) pourrait se dérouler ailleurs que sur les courts.
MAESTRO SINNER Et maintenant, c’est un Italien qui va régner sur le tennis mondial! Forza Jannik Sinner. Ces derniers mois, le rouquin a démontré avoir l’étoffe d’un patron. S’il demeure discret et humble, il a compris que c’est d’abord avec son jeu qu’il doit séduire et marquer des points. Vainqueur hier sans sourciller de Grigor Dimitrov (6-2 6-4 7-6) pour filer dans le dernier carré, l’actuel no2 mondial a un bras droit formidable et surfe sur une formidable vague: demi-finale à Wimbledon, titre à Montréal, titre à Pékin, titre à Vienne, finale au Masters, victoire en Coupe Davis, sacre à l’Open d’Australie (son premier en Majeur), titre à Rotterdam, finale à Indian Wells, nouveau titre à Miami, demie à Monte-Carlo et au moins demie à Roland-Garros. N'en jetez plus, le Maestro, c’est lui!
AU DÉFI D'ALCARAZ Vendredi, Sinner se frottera à Carlos Alcaraz, pour ce qui s'annonce être une immense demi-finale, la première à Roland-Garros entre joueurs de moins de 23 ans depuis un Nadal-Djokovic en 2008! Hier, Alcaraz n'a, encore une fois, pas souffert pour se défaire d'un Stefanos Tsitsipas dans la tête duquel il est entré il y a 3 ans et n'en sort plus. Frustré de ne pas trouver la moindre solution devant l'ancien no1 mondial, le Grec s'est empêtré dans ses schémas et dans ses revers sans danger (6-3 7-6 6-4). Son petit sursaut au coeur du 2e set n'aura servi à rien.
UNE PREMIÈRE Avec le forfait de Novak Djokovic, il est acquis que le tournoi parisien aura dimanche un vainqueur inédit. Alors, Ruud, Zverev, De Minaur, Alcaraz ou Sinner? Faites vos jeux!
DE VRAIS DÉGÂTS? Et si c’était le début de la fin pour Novak Djokovic? L’écrire est peut-être aller trop vite en besogne, mais le penser n’est pas interdit. Non, impossible d'enterrer un tel champion, mais il faut admettre que les années passent, que sa saison a jusqu’ici été émaillée de plusieurs petits pépins et que lui qui a souvent ménagé son corps voit bien son plus bel outil de travail commencer à donner des signes de fatigue. La durée de son indisponibilité nous en dira un peu plus sur ce qui pourrait advenir. Reste que dernièrement au Geneva Open, questionné sur la fin de sa carrière qu’il entendait vivre le plus tard possible, l’ogre serbe n’avait pas caché que "si les résultats que j’obtiens ne correspondent plus à ce que j’attends de moi, il sera peut-être temps de penser autrement". Et puis, "Nole" doit éviter de faire comme tant d’autres qui n’ont pas su (ou ne savent pas) s’arrêter au bon moment.
PAS FORCÉMENT UN CADEAU Casper Ruud ne prendra certainement pas mal le fait de ne pas avoir à affronter Novak Djokovic et de pouvoir souffler un peu au cœur de son tournoi. Mais ne pas disputer un quart de finale n’est pas forcément un cadeau pour un joueur, qui plus est pour le Norvégien, qui a besoin de match, besoin de compétition, pour rester focalisé sur son sujet. Dans une telle quinzaine, il n’est pas aisé d’enchaîner derrière un forfait. Il sera à ce titre intéressant de voir comment le triple lauréat du Geneva Open empoignera vendredi sa demi-finale contre Zverev ou De Minaur.
OÙ EST LA LIMITE? Où se situe la limite en termes de médicaments et autres produits que peuvent ingurgiter les sportifs de haut niveau pour réaliser leurs performances? Veille comme le monde, la question se pose sérieusement Porte d’Auteuil, puisque Novak Djokovic avait dû se gaver d’antiinflammatoires pour ne pas sombrer devant Francisco Cerundolo. "Après le 3e set, j’ai effectivement demandé un autre médicament, la dose maximale, qui a commencé à agir en fin de 4e set, là où ça a commencé à aller mieux pour moi", avait indiqué le no1 mondial. Des dents ont grincé!
LE SURSAUT DE GAUFF Cori "Coco" Gauff a à peine 20 ans mais déjà de solides années de circuit derrière elle et surtout une intelligence tactique qui lui permet de ne jamais perdre pied. Ainsi, dominée pendant une heure par Ons Jabeur, l’Américaine a remis son jeu et sa tête à l’endroit pour revenir à la surface. Elle a décidé de se montrer patiente, de jouer plus profond, de ne plus offrir un tennis "téléphoné" qui avait jusqu’alors fait le bonheur de la Tunisienne. Résultat: c’est Jabeur qui a perdu en régularité dans l’échange et en lucidité. Gauff fonce sur Swiatek, sa bourrelle des deux derniers Roland-Garros (finale 2022, quart 2023). Intéressant.
SWIATEK PLUS RAPIDE QUE SON OMBRE Le Philippe-Chatrier s’est agité et une clameur a accompagné Marketa Vondrousova à 14h07 à Paris lorsque la Tchèque a marqué un jeu, puis a carrément eu une balle de break dans le suivant contre Iga Swiatek. Mais ne vous y trompez pas: personne n’a imaginé la lauréate de Wimbledon capable de quelque chose. Le public a plutôt eu un soulagement de la voir éviter une roue de vélo supplémentaire. Dominée, pour ne pas dire écrasée ou pulvérisée dans tous les domaines par la Polonaise, la no6 WTA n’a fait que sauver l’honneur (6-0 6-2). Aïe.
LE GLOUBI-BOULGA DE JABEUR Ons Jabeur a une patte droite phénoménale, avec laquelle elle sait presque tout faire. Sauf que le tennis de la Tunisienne a ses bas, aussi, et l’inconstance dans un même match de la double finaliste de Wimbledon, qui accouche parfois d’un gros gloubi-boulga, continue de lui jouer des tours. Hier, contre une Gauff pas très inspirée durant une heure, il y avait la place pour elle de passer. Elle n’a pas saisi l’opportunité, perdant pied lorsque l’Américaine a changé son approche, ponctuant son pensum par un smash totalement gaufré. Jabeur, qui aura 30 ans fin juin, tentera à Church Road de mettre enfin un Grand Chelem à ses pieds. Mais le temps passe.
Arnaud Cerutti