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Carnet 4 - Le tardif show de Wawrinka, un Sinner très appliqué et une Swiatek sauvée des eaux

Iga Swiatek est passée tout près de l'élimination au bout d'un match incroyable face à Naomi Osaka.
Iga Swiatek est passée tout près de l'élimination au bout d'un match incroyable face à Naomi Osaka.
Roland-Garros s’est fait doucher par la pluie hier et sa tenante du titre, Iga Swiatek, a bien failli se noyer au fil d’un combat titanesque avec Naomi Osaka. Cela a été l’un des grands moments de mercredi, tout comme la fin de match de Stan Wawrinka, notamment.

MATCH FORMIDABLE Merci le toit! Oui, merci, car malgré la météo pourrie, il y a enfin eu un match, un vrai, dans ce Roland 2024. Match qui a permis à Iga Swiatek et à Naomi Osaka de livrer un combat de tous les instants en fin de journée, s’entrant dans le lard "comme il faut" et élevant leur tennis à un niveau assez incroyable par moments. Le spectacle a été grandiose durant près de 3h00, mais visiblement le public parisien n’a toujours pas compris le tennis (lire plus bas). Heureusement, les autres spectateurs ont pu savourer une rencontre folle, qui a vu la no1 WTA, ogresse de l’ocre, se faire bousculer. Elle qui a l’habitude de marcher sur ses adversaires s’est frustrée, fâchée, n’osait plus avancer dans le court, est passée tout près du précipice (menée 4-1 et 5-2 dans la dernière manche), puis s’est rebellée pour sortir vainqueur de ce fabuleux bras de fer. Non, il ne faut jamais sous-estimer le cœur d’une championne.

CE SI BEAU COUP DROIT Naomi Osaka, qui revient de maternité, a été héroïque. Combien de fois son fabuleux coup droit (décroisé, une merveille) n’a-t-il pas laissé la no1 mondiale à 4 mètres de la balle? Cela faisait des années que nous n’avions pas vu la Japonaise livrer un tennis pareil et ceux qui ne s’en souvenaient pas ont sans doute compris pourquoi elle a un jour été sur le trône mondial. Swiatek, bluffée par ce qu’elle a vu, a même laissé entendre que son adversaire allait peut-être rapidement devenir une spécialiste de terre battue. Nous n’en sommes pas là, mais Osaka reste une formidable championne, elle aussi.

LE RATÉ QUI FAIT MAL Dans ces rencontres qui se jouent sur un fil, quelques rares moments peuvent ressembler à des tournants. Le raté d’Osaka, cette balle à hauteur d’épaule qu’il lui suffisait presque de remettre dans le court, à 5-3 30-15, restera sûrement dans l’histoire de ce Roland-Garros… surtout si Iga Swiatek finit par conserver sa couronne. Dur.

LA LECON DE SWIATEK Réputé pour être à côté de la plaque depuis des années, le public parisien ne cesse de s'illustrer cette année. Il y a eu l'épisode Goffin mardi, et tant d'autres déjà en qualifications, puis celui d'hier soir lors de Swiatek-Osaka, avec des gens totalement à l'ouest dans les tribunes du central. Ce qui a incité la Polonaise à pousser un coup de gueule lors de son interview d'après-match. "S'il vous plaît, arrêtez de hurler pendant les échanges. C'est très dur de rester concentrées. C'est sérieux pour nous, on y consacre notre vie... J'espère tout de même que vous continuerez à m'aimer, parce que le public français à tendance à prendre des joueurs pour des têtes de turc..." Pire encore pour Roland-Garros, ses tribunes sont désespérément à moitié vides dans cette quinzaine.

DES REGRETS POUR WAWRINKA Stan Wawrinka a donc manqué une fort belle occasion d’aller croiser le fer au 3e tour avec Jannik Sinner. Certainement surpris au démarrage par l’audace et les frappes de Kotov, le Vaudois a mis deux bons sets à trouver les réglages. Il s’est ensuite placé dans la bonne direction, a même fait douter le Russe, mais le mal était fait et le deuxième tie-break lui a été fatal (7-6 6-4 1-6 7-6). Dommage, car le lauréat de Roland-Garros 2015 avait semble-t-il la caisse et les arguments pour passer l’épaule, cette fois-ci. Et un 16e de finale contre le vainqueur de l’Open d’Australie 2024, sorte de duel des générations, aurait vraiment eu de la gueule. 

LES FRISSONS DU VAUDOIS Stan Wawrinka a presque vécu une soirée comme il les aime tant. Nonobstant la défaite, le Vaudois a fait le show, lâché quelques coups gagnants bien sentis, délivré des frappes qui rappellent quel joueur il a été et s’est surtout nourri des vivats du public, emporté par une décharge d’adrénaline bienvenue. Oui, à 39 ans et avec un corps qui commence à rouiller, il pourrait vouloir dire stop. Mais, encore une fois, ces émotions-là, cette communion, le triple vainqueur de Grand Chelem ne les retrouvera nulle part ailleurs. Ce n’est pas en se posant devant sa TV pour se repasser les meilleurs moments de sa carrière - et pourtant, ils ont été si énormes et on serait les premiers à se faire une semaine entière de son Roland-Garros 2015, parmi tant d'autres… - qu’il ressentira ces frissons d’exception, qu’il verra son corps traversé par tant de sentiments.

SOLIDE SINNER Comme Pavel Kotov, Jannik Sinner a réglé le cas d'un autre ancien, Richard Gasquet. Si on ne s'attendait pas à ce que le Français sorte l'Italien, on pensait tout de même, après son très bon 1er tour, qu'il pourrait l'enquiquiner quelque peu, voire lui chiper une manche. Rien de tout cela! Sinner a été aussi réaliste qu'expéditif (6-4 6-2 6-4), en se montrant très habile (8 aces, 38 coups gagnants, 16/17 au filet). Il retrouvera ainsi le tombeur de Wawrinka, évitant de s'imaginer dans le tournoi des légendes. Seul petit bémol: le patron de Melbourne a semblé peiner sur une hanche - meurtrie au printemps - en fin de partie.

UNE MANCHE PERDUE PUIS LES QUARTS? Théoriquement, Stefanos Tsitsipas et Carlos Alcaraz pourraient s’affronter en quarts de finale de ce Roland-Garros 2024. Le duel pourrait être très beau. Mais le Grec et l’Espagnol ont encore pas mal de chemin à faire avant d’envisager de se retrouver face-à-face sur le Chatrier. L’un et l’autre ont, hier, lâché une manche, respectivement contre un très en jambes Daniel Altmaier et un étonnant Jesper De Jong. Une petite alerte sans conséquence. Vivement les quarts?

GARCIA, ELLE TIRE Avant le fabuleux Swiatek-Osaka, Caroline Garcia, opposée à Sofia Kenin, n’a, elle, rien offert en termes de spectacle. Sa prestation a été tellement indigente qu’on a même – fait rare - trouvé un duo de commentateurs de France TV totalement coi devant son tennis (défaite 6-3 6-3). Au vrai, hier, Garcia était clairement à l’image du mauvais chasseur des "Inconnus". A quoi le reconnaît-on? Il voit un truc (du genre une galinette cendrée), il tire. Et à quoi reconnaît-on le bon chasseur? Il voit une galinette cendrée, il tire. "Mais c’est un bon chasseur". Garcia, hier, a été méconnaissable. Elle frappait dans n’importe quelle balle, en espérant qu’elle entre dans le court. Et trop souvent les siennes se sont trouvées au milieu du couloir...

LOURD PROGRAMME Si le ciel le veut bien, la journée de jeudi sera très chargée du côté de la Porte d’Auteuil. Pêle-mêle doivent se tenir les matches suivants: Kecmanovic-Medvedev, Marozsan-Dimitrov,  Fognini-Paul, Cobolli-Rune, Struff-Bublik, Goffin-Zverev, Djokovic-Carballes Baena, Ruud-Davidovich Fokina, Monfils-Musetti, Badosa-Putintseva, Vekic-Kostyuk ou encore Azarenka-Andreeva. Affaire(s) à suivre.

Arnaud Cerutti

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