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Carnet 6 - Nerfs en pelote, joueurs à fleur de peau, Swiatek déroule, magique Moutet et la folie Arnaldi

Andrey Rublev a véritablement explosé au cours de son match contre l'excellent Matteo Arnaldi.
Andrey Rublev a véritablement explosé au cours de son match contre l'excellent Matteo Arnaldi.
A Roland-Garros, la pluie pourrit le tournoi et les athlètes ont les nerfs à vif. Andrey Rublev a explosé, Donna Vekic a perdu pied, etc. Les très grands, pour le moment, tiennent bon, à l'image de Jannik Sinner et Iga Swiatek, notamment. Et Matteo Arnaldi, exceptionnel, se révèle, pendant que Corentin Moutet fait des siennes. Ca devient chaud!

DRAME SUR LE LENGLEN Quiconque n'a jamais joué au tennis ne peut saisir la dimension psychologique de ce sport. Il y a la technique oui, le physique aussi, mais la tête prend une part si importante dans la réussite… C’est là où les athlètes qui réussissent sont admirables dans ce sport qui peut rendre dingue et susciter les pires "craquages". Dans le domaine, Donna Vekic en a offert un magistral hier au cours de son 3e tour contre Olga Danilovic, au fil de ce genre de matches où l’on croit que personne ne veut gagner. Alors qu’elle avait tout pour passer, menant 6-0 5-4 service à suivre, la Croate a en effet perdu une première fois pied (6-0 5-7), avant de sombrer dans l’ultime manche, où elle avait fait le break d’entrée, servi pour le match à 5-4 puis à 6-5 et encore pris le large dans le super tie-break (6-2, puis 8-7). Tout cela pour s’effondrer sur la première balle de match de la Serbe, au bout de 3h08 de jeu (6-0 5-7 6-7 [8-10]). Dramatique. Au final, un match qui ne voulait rien dire, mais pour Danilovic, une victoire qui veut dire beaucoup.

L'EXPLOSION DE RUBLEV Sport qui rend dingue, disions-nous? Andrey Rublev peut en parler! Dominé dans tous les compartiments de jeu par un fabuleux Matteo Arnaldi, le Russe a totalement perdu les pédales, se montrant - comme souvent - incapable de gérer ses émotions. Une fois le premier set égaré, après avoir pourtant eu une balle pour se l'approprier, le vainqueur du tournoi de Madrid n'était plus vraiment seul dans sa tronche, comme le démontre la vidéo ci-dessous. "Le problème, c'est ma tête, a-t-il admis, bon prince. Aujourd'hui, je me suis tué moi-même, point barre. Je me suis effondré, tout m'a échappé."

GÉNIAL ARNALDI Si Andrey Rublev a pété les plombs, c'est aussi (beaucoup?) à cause d'un Matteo Arnaldi (23 ans) stratosphérique (victoire 7-6 6-2 6-4). "J'ai joué le meilleur tennis de ma vie", a lancé l'Italien, découverte de ces derniers mois et désormais en 8es de finale à Roland-Garros. Sorti d'une tournée sur terre battue mi-figue mi-raisin, le 35e mondial est méconnaissable à Paris, où il fait tourner en bourriques ses adversaires, avec un réalisme à toute épreuve et un tennis admirable (13 aces et 47 coups gagnants hier!). La manière avec laquelle il est allé chercher le premier set parle pour lui. On ignore s'il peut poursuivre sur ce rythme, mais il semble que son prochain affrontement avec Stefanos Tsitsipas puisse être l'un des grands rendez-vous du week-end.

AMBIANCE DINGUE C’est dans une ambiance incroyable, une vraie cette fois-ci, dans le respect, que Corentin Moutet a franchi le cap du 3e tour devant Sebastian Ofner sur ce si beau court qu’est le Suzanne-Lenglen. Vainqueur de ses deux premiers matches après avoir été mené 2 manches à rien, l'Autrichien avait cette fois-ci empoigné la rencontre par le bon bout, menant un set un break, mais conjuguée aux entourloupes du Français, sa fatigue l’a petit à petit poussé à céder du terrain. La magique patte gauche de Moutet a fait la différence dans un brouhaha incroyable, au cœur duquel même Ofner a reconnu avoir pris son pied. 

L'INCROYABLE MOUTET On n’est pas loin de penser que pour celui qui a des nerfs un peu fragiles, Corentin Moutet est le pire adversaire possible, de ceux qui peuvent rendre complètement dingue. Le Français ne paie pas de mine, mais il a un vrai bras gauche et fait tout - les slices de revers, les petites amorties, les services à la cuillère… - pour faire vriller celui qui se trouve de l’autre côté du filet. C’est irritant au possible (pour la victime et ses supporters) mais dans le même temps fabuleux (pour l’amateur de tennis, Moutet et ses fans). On se demande d'ailleurs dans quel état aurait fini le Rublev d'hier contre lui... Relevons que "Coco" est typiquement le genre de joueurs, quand il est inspiré, pour lesquels les gens paient leur place. Dimanche contre Sinner, ce sera chouette, assurément. 

LA PHRASE "Rendre les gens fous, ce n'est pas mon premier objectif. Je veux juste jouer mon jeu." C'est signé Corentin Moutet, qui se débrouille pourtant fort bien pour entrer dans le cerveau de ses adversaires.

SINNER LANCÉ Il était arrivé à Paris sans certitude sur son état physique, voilà Jannik Sinner déjà en 8es de finale, sans avoir égaré de manche et, mieux, en ayant plutôt épaté son monde. Contre un Pavel Kotov assez limité, le possible futur no1 mondial a fait son travail avec classe: 6-4 6-4 6-4. Toujours solide derrière sa première balle et toujours capable d'armer des coups gagnants dans toutes les positions, le vainqueur de l'Open d'Australie est peut-être davantage prétendant au titre qu'on pouvait l'imaginer à son arrivée Porte d'Auteuil. Et l'Italie, elle, se profile plus que jamais comme le pays du tennis. Forza!

INSPIRÉE COCCIARETTO La preuve: chez les dames aussi, l'Italie est en marche. On avait ainsi vu Elisabetta Cocciaretto sortir de sa coquille l’été dernier au Ladies Open de Lausanne, où son tennis lui avait permis de décrocher la timbale, pour ce qui reste jusqu’ici son seul titre sur le grand circuit. Moins de douze mois plus tard, la Transalpine (WTA 51) a gagné son billet pour son premier 8e de finale en Grand Chelem à la faveur d’un match extrêmement complet (7-6 6-2) contre la Russe Liudmila Samsonova (WTA 17). Patiente dans l’échange, la joueuse d’Ancône se sent pousser des ailes depuis son exploit du 1er tour face à Beatriz Haddad Maia. Mais l’affrontement qui l’attend avec Coco Gauff pourrait être une autre limonade. En attendant, Cocciaretto s'est assuré l’appui du public pour les prochaines échéances, puisqu’elle a murmuré quelques mots de français qui ont enchanté Paris. C’est toujours ça de pris!

UNE "ONS" D'ESPOIR Ons Jabeur a toujours affirmé vouloir un jour gagner Roland-Garros. Mais jusqu'ici, la Tunisienne n'y a jamais fait mieux qu'un quart de finale (en 2023, battue par Haddad Maia). Pis, présentée parmi les vraies favorites les deux précédents printemps, elle avait été d'abord sortie d'emblée par Magda Linette en 2022, puis évincée par la Brésilienne voici 12 mois. Des défaites qui lui ont fait mal. Mais aujourd'hui, alors qu'on ne parle plus du tout d'elle pour soulever le trophée, la voici en 8es de finale après s'être débarrassée de Leylah Fernandez, avec désormais pour adversaire une Clara Tauson tout à fait à sa portée. Et alors, peut-être?

TARIF RETROUVÉ POUR SWIATEK Iga Swiatek soufflait ses 23 bougies hier, mais n'avait pas à coeur de faire la fête. Du moins pas avec son adversaire. Voilà pourquoi, 48 heures après son empoignade d'exception avec Naomi Osaka, la Polonaise est presque revenue à ses tarifs standards. La pauvre Marie Bouzkova n'a tenu qu'un petit set avant de déchanter, comme tout le monde, ou presque (6-4 6-2). Le "voyage" continue pour la tenante du titre, qui fera face dimanche à Anastasia Potapova, la tombeuse de Viktorija Golubic.

Arnaud Cerutti

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