Carnet 7 - les sueurs de Medvedev, les frayeurs de Zverev, le sang-froid de Djokovic et les vivats pour Gracheva
DJOKO, LES GRIFFES DE LA NUIT Au bout de la nuit, mais surtout pas au bout de l’ennui, Novak Djokovic est encore une fois revenu de loin pour aller cueillir une énième deuxième semaine parisienne. Bousculé par un Lorenzo Musetti soudainement devenu très agressif, le no1 mondial est allé chercher dans sa dévotion pour le tennis, dans cet amour pour le sport qui le guide encore, les ressources pour revenir, à plus de 3h du matin dans un Paris glacial (7-5 6-7 2-6 6-3 6-0), pour finir avec la petite roue de vélo qui fait du bien, qui estomaque son adversaire et qui envoie un sacré message à toute la concurrence, après 4h28 d’une rencontre folle. Du bal Musetti, c’est encore une fois le Serbe qui sort vainqueur. "3h du mat, j'ai des frissons, je claque des winners et j'augmente d'un ton..."
LA PHRASE "Jouer des rallyes de plus de vingt échanges à 2h du matin face à quelqu'un qui joue le tennis de sa vie, qui vous fait jouer tous les points, ce n'est pas simple", a convenu le no1 mondial, dont le temps de récupération avant son 8e de finale se voit restreint. Mais avec Cerundolo en face, Djokovic aura la place.
RUUD SOULAGÉ Il a certes fini moins tard que Djokovic, juste avant 1h du matin, et signé l’un des plus beaux coups de la semaine, Casper Ruud a également dû jongler avec une entrée tardive sur le court, ainsi qu’avec des conditions lourdes et usantes pour éviter de tomber dans le piège Tomas Etcheverry. Le Norvégien, qui préfère la chaleur au froid, a mis du temps - se ratant notamment complètement en 2e manche - mais est passé (6-4 1-6 6-2 6-2). Déjà bien mis à contribution par ses trois premiers adversaires, le double finaliste parisien aura un vrai grand test lundi contre Taylor Fritz. Mais il voulait savourer sa qualification avant de penser à la suite! "Je suis content de m’en être sorti, a-t-il dit. Il est compliqué de maintenir un haut niveau de tennis durant 3 sets dans ces conditions." Avant d’ajouter: "Je ne suis pas sûr d'aimer le tennis à 1h00 du matin, mais si les fans sont là, je me dois d'être là…"
ZVEREV RÉSISTE Il en a pris plein la tête de la part de Tallon Griekspoor, a senti passer le vent du boulet, s’est même vu hors de Paris. Mais Alexander Zverev outragé, Alexander Zverev brisé, Alexander Zverev martyrisé, a fini par être libéré, dans un immense "ouf", au bout du super tie-break contre le Néerlandais (3-6 6-4 6-2 4-6 7-6). Oui, lui, l’homme soudainement devenu grand favori à la faveur de son titre à Rome, présenté comme le joueur à battre par Novak Djokovic ou Casper Ruud à la veille de la quinzaine, a sérieusement vacillé, mais il est encore dans le tableau, bien accroché. Usé peut-être un peu, mais bien là, après avoir fait subir sa loi à Tallon. Zverev résiste, prouve qu’il existe.
GRAND MÉRITE Et s’il figure en deuxième semaine, l’Allemand ne le doit qu’à lui-même, car il est allé chercher sa qualification avec le coeur et les crocs. Au moment où il était mené 4-1 dans l’ultime manche – avec deux breaks de retard! -, personne n’aurait en effet misé son 2e pilier sur sa qualification. C’est alors qu’il a bombé les muscles, armé des coups droits gagnants et retourné la rencontre. Fort. Très fort. "C'est incroyable, ça a été un match incroyable", a-t-il insisté. Mais cette inconstance, tenace, pourrait lui coûter très cher en deuxième semaine.
MEDVEDEV SERRE LE JEU Un trou d’air de sept jeux et Daniil Medvedev s’est retrouvé avec des sueurs froides contre Tomas Machac. Mais le Russe a franchi l’obstacle tchèque grâce à son réalisme et à sa capacité à serrer le jeu dans les moments opportuns, en fins de 1re et 2e manches, ainsi que dans le 4e set, lorsque le finaliste du Geneva Open semblait sur le point de pouvoir l’emmener dans un 5e acte de tous les dangers. S’il se dit toujours allergique à la terre battue, l’ancien no1 mondial reste un client à prendre très au sérieux dans la dernière ligne droite de ce Roland-Garros 2024. Ce d’autant plus qu’Alex De Minaur, son prochain adversaire, n’a rien d’imbattable.
MACHAC S’AFFIRME Bien qu’il ait disparu du tableau parisien, Tomas Machac a confirmé toute l’étendue de son potentiel, affiché au grand jour la semaine passée au Geneva Open. Le Tchèque a un vrai "truc" dans le bras droit, ainsi qu’un gros volume athlétique, et Daniil Medvedev a failli le payer cher. Lui manque encore un peu de lucidité dans les grands matches, mais cela ne s’acquiert pas du jour au lendemain. Âgé de 23 ans, le finaliste des Eaux-Vives apprend chaque semaine et va très rapidement pouvoir viser plus haut que son actuel 34e rang mondial.
SABALENKA NE FAIT PAS AMI-AMI Affronter sa meilleure copine n’est pas chose évidente. Ainsi, Aryna Sabalenka a-t-elle mis un set à entrer dans sa partie avec Paula Badosa. Avant de dérouler, façon TGV (pas celui en grève). Reste qu’avant cela, puisque ni l’une ni l’autre ne voulait prendre l’avantage, pas moins de sept breaks ont sanctionné la première manche. L’Espagnole a même servi pour son gain à 5-3. Ensuite, impuissante devant la rébellion de la Biélorusse, la compagne de Stefanos Tsitsipas a laissé filer huit jeux de rang, sans plus toucher terre. L’une reste, l’autre part (7-5 6-1). Mais l’amitié semble préservée.
LA DISCRÈTE RYBAKINA Trois matches joués, six sets marqués, aucun encaissé. On ne parle pas beaucoup d’elle dans cette quinzaine, mais Elena Rybakina est bien dans son tournoi. Elise Mertens, qui s’était imaginée capable d’un exploit, l’a sèchement appris à ses dépens (6-4 6-2). Quart de finaliste en 2021, mais sortie au 3e tour en 2022 (Keys) et 2023 (forfait), la Kazakhe retrouve la deuxième semaine avec pas mal d’arguments à faire valoir et de solides certitudes quant à son jeu sur brique pilée. Tout cela devient fort intéressant alors que se pointe à l’horizon un chaud duel avec Elina Svitolina.
GRACHEVA INATTENDUE PORTE-DRAPEAU La France a perdu Alizé Cornet, Caroline Garcia, Diane Parry ou encore Chloé Paquet. Elle trouve son salut dans le tableau féminin avec Varvara Gracheva, naturalisée il y a une année et soudainement portée par tout un public, qui ne la connaissait pas en 2023. La native de Joukovski, dans la région de Moscou, se trouve en deuxième semaine à la faveur d’un convaincant succès sur Irina-Camelia Begu (7-5 6-3). Cela valait bien une Marseillaise et des frissons parisiens pour celle qui fait désormais sa vie à Cannes. "Ce moment, je vais le garder en mémoire toute ma vie", a-t-elle assuré. Qu’en sera-t-il si son aventure Porte d’Auteuil se prolonge?
LE CHIFFRE 369. Soit le nombre de rencontres de Grand Chelem remportées par Novak Djokovic. Autant qu’un certain Roger F.
LES HUITIÈMES ET LES PRONOS Voici les 8es de finale hommes: Djokovic-Cerundolo, Fritz-Ruud, Zverev-Rune, De Minaur-Medvedev, Arnaldi-Tsitsipas, Auger-Aliassime-Alcaraz, Hurkacz-Dimitrov, Moutet-Sinner. Et les 8es de finale dames: Swiatek-Potapova, Danilovic-Vondrousova, Gauff-Cocciaretto, Tauson-Jabeur, Avanesyan-Paolini, Svitolina-Rybakina, Gracheva-Andreeva et Navarro-Sabalenka. Autant dire, et sans surprise, qu'on va mettre une pièce sur Djokovic et Swiatek pour le titre. Le Serbe monte en puissance et semble plus en jambes que Ruud (notre favori d'avant-tournoi) et Zverev, tandis que Swiatek va encore davantage serrer sa garde après son gros 2e tour contre Osaka.
Arnaud Cerutti