Carnet 8 - Un Dimitrov psychologue, la fin d'un rêve, la confiance d'Alcaraz et la bicyclette de Swiatek
SINNER A TENU Corentin Moutet est entré dans la tête de Jannik Sinner durant un set, le temps de l'estourbir, de mettre le Chatrier en feu et de faire croire à ses compatriotes qu'un joli petit quart les attendait à leur porte. Mais fin du rêve! Car même dans le dur, l'Italien est parvenu à rester à la surface puis à se libérer pour enfin prendre le dessus sur le Français à la jolie patte gauche mais aux ressources mine de rien limitées contre un joueur aussi puissant, qui punit son adversaire au moindre coup de mou. "Je suis déçu, a reconnu Moutet. J'étais venu sur le terrain pour gagner, je voulais rêver en grand, j'avais envie d'y croire." Le bonhomme a le mérite d'avoir offert du spectacle dans cette première semaine ainsi qu'un vent de fraîcheur avec un tennis "vieille école" qui tranche avec les stéréotypes actuels.
ARNALDI A CÉDÉ Un set et demi (voire un peu plus) à marcher à nouveau sur l’eau, puis patatras. Le sensationnel Matteo Arnaldi a failli reproduire face à Stefanos Tsitsipas ce qu’il avait réalisé 48 heures plus tôt devant Andrey Rublev. Mais le Grec a davantage de patience et surtout de ressources mentales que le Russe, qui avait littéralement explosé vendredi face à l’Italien. Hier, le finaliste 2021 a eu beau avoir été mené 6-3 5-3 et avoir dû écarter trois balles de 2e manche, il a tenu le choc, n’a pas laissé divaguer ni ses pensées ni son tennis et a pu revenir sur son adversaire pour ensuite boucler la rencontre en 3h14 (3-6 7-6 6-2 6-2). En armant 64 coups gagnants, Tsitsipas n’a pas fait les choses à moitié. "Mais j’ai dû me bouger les fesses", a-t-il souri en prenant rendez-vous avec Carlos Alcaraz,
LA CONFIANCE D'ALCARAZ Un premier choc masculin est donc inscrit à l’agenda de cette édition 2024 avec le Tsitsipas-Alcaraz. L’Espagnol s’est promené devant un Félix Auger-Aliassime bien inoffensif (6-3 6-3 6-1). De là à dire que le choc greco-espagnol sera un sommet, il y a un pas que nous ne franchirons pas, car en cinq confrontations, Alcaraz n’a été accroché qu’une fois, la première, à l’US Open 2021. L’an dernier Porte d’Auteuil, il avait détruit "Monsieur Badosa" (6-2 6-1 7-6). "J’ai trouvé la clé pour le battre, a relevé l’Espagnol. Mais ce n’est pas pour autant que je pourrai jouer à 50%. Je sais que Stefanos joue bien, mais tactiquement je sais comment m’y prendre face à lui." A vérifier.
UNE PREMIÈRE, À 33 ANS Grigor Dimitrov avait jusqu'ici au minimum disputé des quarts de finale dans tous les tournois du Grand Chelem, sauf à Roland-Garros (8es en 2020 et 2023). Et puisqu'il n'y a pas d'âge pour connaître de grandes premières, le Bulgare s'est dit qu'à 33 ans était venu le bon moment de grimper dans son premier quart parisien. Il a donc enclenché la deuxième vitesse pour dominer Hubert Hurkacz (7-6 6-4 7-6) dans un joli petit match, au cours duquel on l'a vu se démultiplier et faire des choses vraiment intéressantes. Mais il lui faudra certainement en mettre plus encore contre Jannik Sinner.
JOUEUR ET PSYCHOLOGUE Grigor Dimitrov a tout fait sur le court. En plus de remporter la plupart des échanges ayant comporté plus de 9 coups, le Bulgare s'est même mué en psychologue pour un Hurkacz dans tous ses états. D’ordinaire assez calme, le Polonais n’a pas supporté certaines décisions arbitrales et en est même carrément arrivé à demander à son adversaire (et ami) s’il ne voulait pas changer d’arbitre! C’est ensuite que le gentil "Grischa" est allé calmement discuter avec "Hubi" (on dirait une fable pour enfants) afin de tempérer ses ardeurs et de faire redescendre la marmite. Ne manquait que le gros câlin! Mais quelle classe, Dimitrov!
L’ESPOIR DE CERUNDOLO Aujourd’hui 27e à l’ATP, Francisco Cerundolo nourrit l’espoir, pas secret du tout, de renverser Novak Djokovic en 8es de finale de ce Roland-Garros. Mais bien que le Serbe ait laissé pas mal d’énergie dans la nuit de samedi à dimanche contre Lorenzo Musetti, la tâche de l’Argentin s’annonce fort compliquée. Lui qui n’a jamais affronté "Nole" mais l’adule depuis toujours, n’a pas vraiment flambé en Grand Chelem, en dehors de son 8e de finale parisien de l’an dernier contre Holger Rune. La montagne de Belgrade ne s’annonce-t-elle pas trop élevée?
TROIS AUTRES MATCHES SYMPAS Trois intéressants 8es de finale masculins sont au programme. Premièrement, le Taylor Fritz-Casper Ruud, qui pourrait décider du nom du futur adversaire de "Nole" en quarts et vaudra son pesant de cacahuètes. Deuxièmement, le Alex De Minaur-Daniil Medvedev, opposant deux joueurs qui sont capables de tout sur terre battue (le meilleur mais aussi le pire) et qui pourraient encore donner de belles teintes à leur quinzaine en cas de victoire. Puis surtout le Alexander Zverev-Holger Rune, empoignade de forts en gueule qui animera la session de nuit parisienne, avant 3h du matin si possible.
LA PHRASE "J’ai traversé de vrais moments de m… ces dernières années, entre ma blessure, mon retour et tant d’autres choses. Je crois que tout cela peut m’avoir rendu plus fort. J’ai beaucoup travaillé sur moi-même, aussi." C’est signé Alexander Zverev, qui s’exprimait auprès de l’agence allemande SID. Le tombeur de Tallon Griekspoor se veut un homme neuf, même si hors des courts, ses démêlés avec la justice font jaser plus d’un plumitif. Parviendra-t-il à garder la tête froide cette semaine?
LA BICYCLETTE OFFERTE PAR SWIATEK On avait dit Iga Swiatek lancée depuis son empoignade du 2e tour avec Naomi Osaka et cela se confirme. La Polonaise a été impitoyable avec la malheureuse Anastasia Potapova, laminée 6-0 6-0 en seulement 41 minutes. Pourtant classée au 41e rang mondial, la Russe a été étouffée et débordée par la no1 WTA, qui n’a même pas eu à forcer. Potapova n’a inscrit que… dix petits points dans cette rencontre. "J’étais disciplinée et j’ai juste déroulé ma tactique", a commenté la tenante du titre, clinique. Effrayant.
PEUR SUR LA WTA Les quatre premiers 8es de finale du tableau féminin ont soulevé des questions tant ils ont tous été à sens unique et n'ont pas offert une vraie publicité pour le circuit WTA. Les résultats enregistrés disent malheureusement beaucoup de l’écart qui sépare les meilleures joueuses du reste du plateau. Vondrousova a fait ce qu’elle voulait de Danilovic (6-4 6-2), Gauff a martyrisé Cocciaretto (6-1 6-2) et Jabeur n’a pas souffert plus que cela contre Tauson (6-4 6-4). Heureusement que le Rybakina-Svitolina de ce lundi s’annonce d’un tout autre acabit.
Arnaud Cerutti