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En tennis, l'art subtil (et délicat) des conférences de presse

Accompagné de la préposée à la presse de l'ATP Fabienne Benoît, Andy Murray est généralement un "bon client" pour les médias. [KEYSTONE - SALVATORE DI NOLFI]
Accompagné de la préposée à la presse de l'ATP Fabienne Benoît, Andy Murray est généralement un "bon client" pour les médias. - [KEYSTONE - SALVATORE DI NOLFI]
Passage obligé pour les joueurs de l'ATP Tour, la conférence de presse peut en inhiber certains ou, au contraire, proposer de bons moments. Le Geneva Open est un endroit privilégié, puisque les athlètes y sont plus décontractés.

Pas de casque sur les oreilles en passant devant les journalistes ni de main devant la bouche en sortant du vestiaire. Le tennis a cela d’aussi curieux que plaisant que ses vedettes principales sont obligées, à moins d’une incroyable exception, de passer par la case presse. Un refus les expose en effet à une sanction émanant de l’ATP. "Celle-ci dépend de l'importance des médias qui demandent une interview et du classement des joueurs", nous informe une responsable de la communication de l'instance.

En Grand Chelem, le chemin menant aux médias ressemble parfois à une grande foire, surtout en première semaine. Les athlètes défilent, tandis que les micros et les stylos s’entrechoquent. Les stars ont droit à la "main interview room". Les bons joueurs trouvent place dans une salle moins grande. Les autres doivent parfois se contenter d’un strapontin, du genre au fond à gauche de dos. C’est aussi à la place qui lui est accordée en interview que l’on mesure la grandeur d’un champion.

Rien de tout cela au Geneva Open, où la presse reçoit comme lors de la première édition en 2015, sous la tente jouxtant le court central. Si des chaises et des tables ont été ajoutées en neuf ans, le décor demeure sommaire. Mais il a son charme, qui permet justement aux joueurs d’aborder les médias de manière plus décontractée qu’ailleurs. "Il y a moins de pression ici, ce n’est pas le raout que l’on pourrait connaître à Roland-Garros", relève Casper Ruud. Après tout, qu’il leur plaise ou non, il n’appartient presque qu’aux interrogés de rendre l’exercice plaisant. Malgré ses 75 minutes de retard mardi, Novak Djokovic a su le transformer en instant amusant, rigolant volontiers, étendant même ses réponses plus que de raison.

Le contexte détendu du Parc des Eaux-Vives aide à ce que les vedettes s’ouvrent un peu plus. On se souvient notamment de Daniil Medvedev, affable en 2022. Ou de Grigor Dimitrov, intarissable et drôle l’an dernier. Cela tranche avec d’autres, comme Taylor Fritz, qui n’apprécie visiblement guère de passer à confesse. Même lorsque les questions sont basiques, l’Américain murmure quelques mots, soupire, sans entrer dans le vif du sujet.

Comme sur le court, Roger Federer a lui souvent eu l’art de faire d’un instant avec la presse un moment délicieux. On se souvient notamment de ses sorties à Wimbledon, son jardin extraordinaire qui le voyait "voler" devant les micros de la même manière que sur le terrain. Sourire en coin, le Bâlois distillait des réponses pertinentes, que ce soit en anglais, en français ou en suisse allemand, jonglant même parfois avec ces deux derniers idiomes pour ne frustrer personne. Oui, "RF" a parfois eu l’œil noir, mais en 2015 à Roland-Garros, lorsqu'un journaliste allemand avait eu "l’outrecuidance" de lui poser une question dans la langue de Goethe alors que c’était au tour des Helvètes de l’interroger, l'homme aux alors 17 titres majeurs avait permis à l’écrivaillon d’aller au bout de son interrogation, puis lui avait carrément répondu en "hochdeutsch", malgré les injonctions du chef de presse à stopper l'entretien.

Il y a moins de pression ici, ce n’est pas le raout que l’on pourrait connaître à Roland-Garros

Casper Ruud, tête de série no2 du Geneva Open

Mais pas tout ne se passe de la sorte. Roland-Garros a ainsi été le théâtre de quelques sorties de piste. Si furax d’avoir perdu contre Sébastien Grosjean en 2001 après l’apparition de Bill Clinton dans les tribunes, Andre Agassi avait notamment "dégagé" Alex Corretja de la salle de presse principale après y avoir déboulé dès sa sortie du court. Pareil incident était arrivé à Paris en 2019, lorsque Dominic Thiem s’était fait éjecter par l’organisation du tournoi par Serena Williams, qui avait débarqué à l’improviste, verte de rage et pressée de rentrer à l’hôtel, après avoir été sortie du tableau par Sofia Kenin. "C’est quoi ce b….? C’est une blague?", s’était fâché l’Autrichien.

Porte d’Auteuil, Novak Djokovic s’était aussi illustré en zone de presse. Il y était arrivé tellement vite après sa défaite contre Marco Cecchinato en quarts de finale 2018 que l’on se demande encore si le passing décisif de l’Italien avait atterri dans le court lorsque le Serbe y pointa son nez. Mâchoires serrées, yeux noirs, "Nole" se contenta de murmurer qu’il ne "voulait pas parler de tennis maintenant". Il avait fait pareil deux ans auparavant à Wimbledon après avoir été culbuté par Sam Querrey.

A chaque fois pourtant, "Djoko" a su se relever de ces échecs et la "main interview room" est restée sa deuxième maison, preuve de sa grandeur sur le circuit.

Arnaud Cerutti, Genève

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La Suisse en réussite à Lille

Au rayon des conférences de presse réussies, citons celle de l'équipe de Suisse après sa victoire en Coupe Davis en 2014 à Lille. Vainqueurs 3-1 de la France, Roger Federer et Stan Wawrinka avaient un peu trop forcé sur le champagne avant de se présenter devant les micros. Ils avaient fini hilares leur séjour dans le Nord. Un séjour qui avait pourtant commencé dans le flou avec les soucis de dos du Bâlois. Mais là aussi, le mardi qui précédait la rencontre, les Helvètes avaient livré une leçon de conférence de presse, en toute décontraction, qui transparaissait avec celle de "Bleus" tendus comme des arbalètes. "La Suisse mène déjà 1-0", avait alors résumé un confrère français.