La Suisse sur le toit du monde? C'était il y a 10 ans, déjà
Grand Format Tennis - Coupe Davis
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KEYSTONE - YOAN VALAT
Introduction
Le 23 novembre 2014, la Suisse s'offrait la Coupe Davis pour la première (et unique) fois de son histoire en allant battre la France, chez elle, à Lille. Avant le magazine de la rédaction de Sport Dimanche ce 24 novembre (18h25 sur RTS 1), avec notamment les interviews de Roger Federer, Stan Wawrinka et Severin Lüthi, retour, en textes, images et vidéos sur un moment d'exception du sport helvétique.
Chapitre 1
Entre attente et petites piques
KEYSTONE - SALVATORE DI NOLFI
A l'heure d'ouvrir la première porte du mois de novembre 2014, la Suisse a cette finale de Coupe Davis dans le viseur depuis 6 semaines et sa victoire sur l'Italie à Genève. Vingt-deux ans après la flamme longtemps entretenue par Marc Rosset et Jakob Hlasek, le tennis helvétique retrouve l'ultime rendez-vous de la compétition, avec la ferme intention d'aller au bout, cette fois-ci. Les souvenirs de Fort Worth (défaite 3-1 contre les Etats-Unis) ressurgissent. Les uns rappellent le gros match du Genevois contre Jim Courier. Les autres ruminent ce double perdu contre la paire John McEnroe/Pete Sampras, dont l'issue aurait pu tout changer.
Plus de deux décennies plus tard, les espoirs sont grands d'effacer cette défaite et d'aller enfin conquérir le Saladier d'argent. Ils se voient amplifiés par le fait que la Suisse doit se déplacer en France, à Lille, pour y affronter les Bleus. Mais Roger Federer et Stan Wawrinka ne font pas une montagne de ce rendez-vous, du moins pas devant les micros. Ils se concentrent sur leur carrière respective et font passer le message que chaque chose doit intervenir en son temps. En témoigne notamment le fait que le Bâlois s'impose à Shanghai puis chez lui, aux Swiss Indoors.
Reste qu'à mesure qu'approche le rendez-vous, la rivalité franco-suisse enfle en coulisses. Les Français - les représentants de leurs médias, surtout - ne sont pas les derniers pour "balancer" des piques. Est-ce pour mieux "oublier" qu'ils devront se frotter à un "RF" qui incarne l'excellence et à un "Stan" devenu monstrueux? Il y a sans doute un peu... beaucoup de cela dans leur attitude. Mais ils comptent aussi sur le fait que les deux Suisses doivent disputer le Masters de Londres dans la semaine qui précède la finale de la Coupe Davis pour hériter d'un adversaire sur les rotules.
KEYSTONE - ANDY RAIN
Chapitre 2
De Londres à Lille, un long tunnel de doute(s)
KEYSTONE - ANDY RAIN
L'idée française n'est pas si folle que cela. Elle prend même du volume, elle aussi, au fil du tournoi des "Maîtres", puisque Federer et Wawrinka y livrent leur meilleur tennis et s'invitent en demi-finales, où ils se voient contraints de croiser le fer, pour ce qui restera un match dantesque, l'un des plus beaux de l'histoire du Masters, pimenté qu'il se trouve par ce que les médias britanniques appelleront le "Mirkagate", une sorte d'histoire parallèle, de match dans le match.
Non content d'atteindre des sommets tennistiques, ce "derby helvétique", remporté par le Bâlois (4-6 7-5 7-6, après 2h48) malgré les 4 balles de match obtenues par le Vaudois, est électrique. Parce que Wawrinka se fait "brancher" en pleine rencontre par Mirka Federer, la femme de Roger, qui lui lance des piques et un "cry baby" (pleure, gamin). L'échange, que l'arbitre Cédric Mourier n'a pas su gérer, fait rapidement le tour de la planète par le biais des réseaux sociaux. Stan quitte le court les yeux embués, marqué par cette défaite. "Jamais je n'aurais dû perdre ce match", soufflera-t-il quelques années plus tard.
Alimentée notamment par un John McEnroe présent en coulisses, puis par d'autres sources qui nous reviennent dans les couloirs de l'O2 Arena de Londres, la rumeur veut que des éclats de voix aient éclaté entre les deux Helvètes dans les vestiaires. Pas idéal à moins d'une semaine d'une finale de Coupe Davis! "Oui, heureusement qu'il n'y avait pas de caméras dans les couloirs et les vestiaires, confirmera d'ailleurs Wawrinka en 2020. Cela a été très tendu,. très chaud et compliqué à gérer des deux côtés."
En cette mi-novembre 2014, la Suisse est donc touchée. Le feu d'artifice envisagé pour boucler la saison prend subitement de sales teintes. Elle le sera encore davantage 24 heures plus tard, lorsque "Fed", blessé au dos et incapable de se mouvoir, déclarera forfait pour la finale de ce Masters.
Chapitre 3
La brume, la camionnette puis les sourires
La Suisse est ainsi dans le flou et le voyage en Eurostar de Londres à Lille est tout autant brumeux. Stan Wawrinka débarque à la gare de Saint-Pancras avec de petits yeux, sans la mine des grands jours. Sa tête semble aussi chargée que le barda qu'il emmène des bords de la Tamise au Stade Pierre-Mauroy.
Alors que la France s'entraîne déjà, les Helvètes débarquent dans le Nord sans la moindre certitude, sinon celle que la santé de Roger Federer n'est pas au mieux. D'aucuns le disent allongé dans une camionnette pour échapper aux médias. D'autres le disent proche du forfait après de nouveaux examens médicaux. Mais la seule vérité est que le bonhomme débarque à Lille en fin de journée le lundi 17 novembre. En provenance de Zurich, selon certains témoignages. Dans un climat helvétique très tendu?
Eh bien non! Toutes les spéculations se voient en effet balayées en fin de soirée par un tweet de Federer en personne. Les deux hommes - et le reste de l'équipe nationale - apparaissent bras dessus bras dessous, tout sourire, avec "El capitano" Severin Lüthi. "Opération de communication", dénoncent certains journaux français.
Faux. Dans le clan helvétique, au bout d'une grosse et franche discussion, la hache de guerre a été enterrée, en bonne intelligence. "C'était soit on se prenait vraiment la tête pour des choses futiles, soit on savait quel était notre objectif, admet dix ans plus tard, Stan Wawrinka, au micro d'Isabelle Musy. Et avec Roger, nous savions que nous voulions gagner cette Coupe Davis. Nous étions à Lille pour cela et nous n'allions rien gâcher. Nous avions bien trop à gagner pour perdre notre amitié pour un match de tennis... Alors nous avons tout effacé, merci au revoir."
Pouvait alors commencer la vraie bataille, ce France-Suisse qui concentrait toutes les attentes.
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KEYSTONE - SALVATORE DI NOLFI
Chapitre 4
Une apparition quasi divine
KEYSTONE - SALVATORE DI NOLFI
La bataille commence en dehors des courts, lors de la première conférence de presse de la semaine. Alors que les journalistes français confient attendre des Suisses tendus et nerveux, Roger Federer, Stan Wawrinka et Severin Lüthi se présentent avec le sourire. Fusillés de questions par un plumitif britannique, ils désamorcent toutes les éventuelles tensions. C'est un cours magistral de communication qu'offrent les trois acteurs. "Mais on doit toujours passer par Seve (ndlr: Lüthi) pour se parler", s'esclaffe le Vaudois après avoir confirmé que les choses étaient apaisées. "Nous avons eu un souci, mais tout est rentré dans l'ordre", a ajouté le Bâlois, qui souffre cependant toujours du dos.
Les Suisses sont bavards, de bonne humeur. Soit tout l'inverse des Bleus, tendus comme des arbalètes au moment d'aborder le premier rendez-vous médiatique lillois. Leurs réponses sont hésitantes, parfois récitées comme des éléments de communication mal maîtrisés, et ni dynamique particulière ni flamme dans les propos ne se dégage. On sent un Jo-Wilfried Tsonga nerveux, qui bouillonne intérieurement, comme pas vraiment prêt au combat. Et les discussions quant à l'identité du no2 pour le week-end (Richard Gasquet ou Gaël Monfils) semblent peser d'un poids énorme, peut-être même déjà trop lourd, sur le groupe conduit par Arnaud Clément.
Ainsi, au bar de la presse, c'est bien la troupe de Lüthi qui régale et marque des points. A la veille d'un tel rendez-vous, cela n'est pas à négliger. Mais les réserves quant à l'état de santé de Federer laissent encore planer le doute sur les capacités des Helvètes à aller chercher le Saladier d'argent avec un seul grand joueur valide.
Il faut attendre plus de 24 heures pour avoir de premières impressions sur l'évolution du dos du "Maître". Alors que le mercredi 19 novembre a été accompagné par toutes les spéculations, l'intéressé foule pour la première fois la terre battue lilloise à 18h39. Dans un silence total. C'est une apparition quasi divine après trois jours de spéculations.
Vêtu d'une sorte d'habit thermique et d'une veste rouge, le Bâlois est accompagné de Lüthi et du Dr Roland Biedert. Il tape des balles avec Marco Chiudinelli, sans conviction. Son corps est crispé et ses gestes ne sont pas déliés. Jouera, jouera pas? L'interrogation traîne toujours. Mais le fait qu'il soit apparu en tenue de tennisman donne une tendance plutôt positive, qui se confirmera le lendemain, puis le surlendemain avec sa titularisation. "Heureusement, car la Suisse en finale de Coupe Davis sans Roger Federer, ce serait comme un concert des Stones sans Mick Jagger", nous confie Vincent Cognet, grande plume du quotidien L'Equipe.
Chapitre 5
Une démonstration, puis une défaite mais trois sets... d'échauffement
KEYSTONE - SALVATORE DI NOLFI
Finies les discussions, finis les grands discours; le vendredi 21 novembre, devant 27'432 personnes (record battu), les acteurs montent enfin sur la scène lilloise pour la grande explication. Et on comprend très vite que l'Oscar du week-end reviendra à Stan Wawrinka qui, dans la lignée de la formidable année 2014 qui lui a notamment permis d'enlever un titre du Grand Chelem (Open d'Australie) et un Masters 1000 (Monte-Carlo), monte à la gorge de Jo-Wilfried Tsonga, no1 français dans ses petits souliers, roué de coups par son adversaire et tétanisé par l'enjeu.
Ce sont des parpaings qui s'extirpent de la raquette de Wawrinka, juste impérial, juste trop fort, qui place son pays sur les bons rails au bout d'une démonstration (6-1 3-6 6-3 6-2). "J'ai senti qu'il ne pouvait rien arriver à Stan", souffle à présent Severin Lüthi. Ceci au grand dam de "JWT", qui boude sur le moment. "On entendait davantage les supporters suisses que les Français, déplore-t-il après sa défaite. A la présentation des équipes, les gens ont davantage applaudi Roger et Stan que moi. Me faire siffler dans mon pays, c'est frustrant."
"J'ai juste tout fait mieux que lui sur l'ensemble du match, mais ce n'est qu'un point et il nous en faut trois", pose de son côté "Stanimal", calme, serein et qui se tient volontairement loin des petites polémiques. Dix ans plus tard, le Vaudois confie à la RTS: "Ce week-end-là, j'étais en mission. Je n'allais pas laisser passer les opportunités de remporter la Coupe Davis avec cette équipe. J'avais tout fait, tennistiquement et mentalement, pour être prêt, pour ne pas lâcher..."
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Mais en 2014, sur le moment, personne, dans le camp suisse, ne veut s'enflammer. Et Gaël Monfils vient immédiatement donner raison à tout le monde en infligeant trois petits sets à Roger Federer. Peu mobile, le Bâlois prend une rouste devant le résident de Trélex (6-1 6-4 6-3). Mais il veut voir au-delà du résultat. "J'ai pris de bons enseignements pour mon dos, j'ai engrangé de précieuses informations", s'exclame-t-il en conférence de presse, pendant que les Bleus louent le match de "La Monf". Un peu à tort.
Car s'il a effectivement marché sur le ventre (ou sur le dos, c'est selon...) de l'ancien no1 mondial, Monfils doit surtout cette performance à l'état physique de son adversaire, clairement diminué et, surtout, peu désireux de s'arracher alors que la Suisse se trouve tout sauf dos au mur. Même en... dos mineur, Federer sait que son équipe détient les clefs de cette finale. "Plus le match avançait, mieux je me sentais", s'exclame-t-il le vendredi soir. Avant d'ajouter, comme pour envoyer un message à la concurrence: "Vu que je n'avais pas couru depuis cinq jours, pas trop touché la balle, c'est encourageant..."
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Chapitre 6
Wawrinka taille patron
KEYSTONE - SALVATORE DI NOLFI
Un partout, balle au centre, et reprise des spéculations à quelques heures du double. Mais Severin Lüthi et la Suisse ne brouillent pas les cartes. Roger Federer est bel et bien aligné aux côtés de Stan Wawrinka. C'est en revanche dans l'alignement français que s'effectue un changement. Aux côtés de Richard Gasquet prend en effet place Julien Benneteau, médaillé de bronze de la spécialité aux JO 2012 et tout récent vainqueur de Roland-Garros avec Edouard Roger-Vasselin, qui pallie le forfait de Jo-Wilfried Tsonga, en délicatesse avec son bras droit depuis l'entraînement matinal.
Une modification qui ne perturbe en rien les Suisses, portés par un Stan Wawrinka à nouveau incroyable. Affamé, le pit-bull de Saint-Barth' réussit tout ce qu'il entreprend et, en vrai patron, lance son acolyte dans la rencontre. Hormis lors d'un 2e set un peu plus accroché, les deux Helvètes livrent une véritable leçon de double à la paire Gasquet/Benneteau (6-3 7-5 6-4). Tout y passe et les Bleus en voient de toutes les couleurs. "De toute ma carrière, je n'avais jamais joué une paire de double aussi forte, souffle le Bressan, bluffé au sortir du "show". Pour les battre, il aurait fallu que nous soyons exceptionnels..."
Exceptionnelle, c'est la paire "Fedrinka" qui l'a donc été. Il faut dire qu'elle a savamment préparé cette échéance avec Dave MacPherson, l'entraîneur attitré des frères Bob et Mike Bryan, rois du double. "Il nous a beaucoup aidés toute la semaine, à travers les bonnes discussions que nous avons eues avec lui, souligne le Bâlois. Ses conseils ont été précieux."
Et Marc Rosset, finaliste en 1992, d'appuyer le propos: "Macpherson a clairement amené quelque chose à cette équipe, dit le Genevois. Sur les schémas de jeu et sur plein de petits détails, son rôle a été important. Il a permis à Roger et à Stan de mieux se comprendre, de bouger ensemble, de vraiment jouer en équipe. On a vu combien leur première balle a été importante, on a vu aussi qu'il était capital de viser le coup droit de Gasquet sur les balles de break…"
Rayonnant, Federer se dit débarrassé de ses problèmes de dos. "Je dois remercier toute l'équipe, tout le staff, pour le travail fait avec moi". Il semble savourer ce retour à une mobilité et à un tennis davantage en adéquation avec son statut. Tout n'est apparemment redevenu que plaisir.
De l'autre côté, la crise éclate cette fois-ci pour de bon chez les Bleus, qui implosent. La tension aperçue dès le début de la semaine se concrétise sur la place publique. On apprend par exemple que Julien Benneteau n'a su qu'une demi-heure avant le double qu'il allait devoir le jouer; une information livrée par le frère du joueur et... par Jean Gachassin, le président de la Fédération Française de Tennis (FFT). Les choix du capitaine Clément sont remis en question.
Et pendant qu'on se tire dans les pattes chez les Français, voilà "RF" appelé à enfoncer le clou le dimanche 23 novembre et à propulser la Suisse sur le toit du monde. "Je suis heureux aujourd'hui, parce que nous avons gagné ce double, mais rien n'indique que je vais m'imposer demain en 5 sets", glisse-t-il néanmoins.
Chapitre 7
La dernière étincelle
KEYSTONE - PETER DEJONG
Non, en effet, ce n'est pas en 5 sets, mais en 3 petits, menés tambour battant, joliment dessinés par sa palette d'artiste, que Roger Federer s'impose face à un Richard Gasquet appelé sur le ring de la Coupe Davis à la place de Tsonga, mais sans gants. "Je me souviens à quel point les gens ont sifflé Rodg' à son entrée sur le terrain, témoigne aujourd'hui Severin Lüthi. Le public avait alors réagi aux complaintes des Français, qui avaient précédemment estimé que Roger était soutenu. A ce moment, il m'a dit: "N'est-ce pas ce que nous avons toujours voulu, être sifflés parce qu'on mène 2-1 en finale de Coupe Davis?" Ce n'est pas qu'il voulait se faire siffler, mais qu'il voulait se retrouver dans cette position-là, si proche de gagner l'épreuve..."
Gonflé à bloc, le Bâlois détruit son adversaire 6-4 6-2 6-2. "C'était notre 15e confrontation et jamais "Rodg" ne m'avait paru aussi fort", (se) désespère le Biterrois. Le Bâlois livre effectivement la dernière étincelle du week-end, une partition parfaite, conclue à 15h03, heure de Lille, par une délicieuse amortie de revers. Le geste lui permet de s'écrouler d'émotions de tout son long sur le court, mais c'est la France qui est à terre et la Suisse au paradis. Définitivement, cette fois. "C'est énorme, c'est énorme, c'est énorme", répète Marc Rosset, finaliste en 1992, au micro de la RTS.
"Cette journée est irréelle", s'enthousiasme Severin Lüthi, capitaine dont les mérites sont incontestable. Federer apprécie aussi le moment, mais il veut surtout rendre hommage à Stan Wawrinka, le grand bonhomme de Lille. "Je suis content pour le tennis suisse, pour nos fans, mais surtout pour Stan, qui a tant donné pour l'équipe toutes ces dernières années et tout ce week-end, glisse l'homme aux alors 17 titres du Grand Chelem. Il mérite toutes les louanges."
Celles-ci pleuvent logiquement sur les épaules du Vaudois, devenu un tout autre joueur en cette année 2014, qui a été celle de tous ses exploits. Wawrinka se mue même en animateur d'une savoureuse conférence de presse de victoire, qui voit les Suisses plus qu'heureux après avoir visiblement bien trinqué. "Ils avaient mis les bouteilles de champagne dans le vestiaire des Français, mais ils les ont vite remises dans le nôtre", sourit-il.
Souvent provoqué par les Français dans les semaines qui avaient précédé cette finale, Wawrinka leur retourne leurs piques après avoir embrassé le Saladier d'argent. "Au final, nous, les Suisses, avons parlé avec notre raquette, sur le terrain, et c'est cela qui a fait la différence". Des mots qui ne plaisent pas aux Bleus, qui se retrouvent à "serrer" le Vaudois lors du repas de clôture, comme il le raconte ce dimanche dans le documentaire à suivre sur RTS 1 (18h25). "C'était ridicule et pathétique, comme ce fameux dîner qu'on fait après une finale de Coupe Davis. Ils n'avaient pas aimé mes commentaires, mais ils avaient oublié tout ce qu'ils avaient dit à la presse durant les deux mois qui avaient précédé cette finale..."
Loin des Bleus, la tension de Londres se trouve oubliée pour la troupe helvétique. "On s'est pris la tête à cause des émotions du match, relatera quelques années plus tard le Vaudois, mais nous avons su laisser passer la nuit et le jour suivant sans nous voir, puis nous avons pu discuter et remettre notre objectif commun au centre. Cette petite dispute n'allait pas perturber notre envie de victoire."
Et c'est donc dans un véritable élan collectif, nourri par Lüthi, que Roger Federer et Stan Wawrinka sont allés se poser sur le toit du monde. Parfois divisée, la Suisse s'est soudainement retrouvée grâce à eux unie autour d'un Alémanique et d'un Romand qui incarnent mieux que quiconque ses valeurs. "Cela restera une semaine à part de toutes celles que j'ai vécues dans ma carrière", apprécie aujourd'hui le Bâlois.
Les deux hommes - auxquels il faut ajouter Marco Chiudinelli et Michael Lammer (vainqueur du double en Serbie au 1er tour) - ont assurément composé le plus grand succès collectif de l'histoire du sport suisse. Et quoi de mieux que de l'avoir arraché sur les terres d'une vraie nation de tennis, qui comptait alors 9 Coupe Davis à son palmarès?