Jannik Sinner avait enlevé son 1er titre du Grand Chelem. L'US Open a suivi en septembre dernier. L'Italien est-il capable d'enchaîner? [KEYSTONE - ALESSANDRA TARANTINO]
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Sinner, Djokovic, Sabalenka, Swiatek; qui donc va animer l'Open d'Australie?

L'Open d'Australie 2025 débute dimanche à Melbourne, où Jannik Sinner et Aryna Sabalenka chercheront à conserver leur titre respectif. Mais, de l'autre côté du globe, il n'y a pas que l'Italien et la Biélorusse qui seront scrutés. Au contraire, cette première levée du Grand Chelem de la saison est remplie de points d'interrogation.

Textes: Arnaud Cerutti

Le tenant

Jannik Sinner: le vrai test australien

La révélation ultime avait eu lieu l'an dernier sur ce même sol de Melbourne. Dans la foulée d'une grosse fin de saison 2023, Jannik Sinner avait enchaîné en patron en Australie, collant notamment une belle gifle à Novak Djokovic, tenant du titre, en demi-finale, puis revenant de loin face à Daniil Medvedev pour s'en aller cueillir son premier titre du Grand Chelem. Douze mois plus tard, l'Italien revient en terre conquise avec un "Majeur" de plus dans sa besace (US Open) mais également avec la pression du tenant du titre, chose à laquelle il n'a encore jamais dû se frotter dans un tournoi de ce calibre.

>> Retour sur la finale 2024, Jannik Sinner-Daniil Medvedev

Finale, J. Sinner (ITA) – D. Medvedev (3-6, 3-6, 6-4, 6-4, 6-3): le Transalpin remporte son 1er tournoi du Grand Chelem
Finale, J. Sinner (ITA) – D. Medvedev (3-6, 3-6, 6-4, 6-4, 6-3): le Transalpin remporte son 1er tournoi du Grand Chelem / Tennis: Open d'Australie / 4 min. / le 28 janvier 2024

Nul doute que le protégé de Darren Cahill a les nerfs pour tenir. Reste que cette quinzaine sera un véritable test pour lui, no1 mondial quasi sans fêlure jusque-là, qui devra faire face à une nouvelle étiquette mais aussi à toutes les poussières déposées sur sa carte de visite par ce contrôle antidopage lui ayant certes valu moins d'inimitié qu'Iga Swiatek (lire plus bas), mais qui a laissé un gros point d'interrogation sur sa carrière, dont il ne se débarrassera sans doute jamais, quoi qu'il fasse. Et puis, le coquin de sort lui a réservé un 1er tour pas tout simple contre Nicolas Jarry. Un bon défi, pour être le roi, au bout?

Sport matin. [RTS]RTS
Sport matin - Le tennis mondial doit redorer son image en 2025 / Sport matin / 4 min. / hier à 06:39

La tenante

Sabalenka la gourmande

Aryna Sabalenka revient elle aussi sur un sol qu'elle a dompté, et même plutôt deux fois qu'une puisqu'elle campe sur deux titres de rang à Melbourne, soit 14 matches sans défaite. Autant dire qu'elle sera plus que jamais la femme à dominer dans les jours qui viennent.

Mais, gourmande comme elle est, la cogneuse de Minsk ne se laissera sans doute pas attraper si facilement par ses rivales. Sa série des derniers mois a de quoi faire peur: victoire à Cincinnati, triomphe à l'US Open, quart à Pékin, titre à Wuhan, demi-finale au Masters, encore un sacre à Brisbane la semaine dernière... N'en jetez plus!

Sabalenka n'en est toutefois pas encore à faire peur à tout le vestiaire par sa seule présence dans un tableau. Des Cori Gauff, Jessica Pegula, Elena Rybakina, Iga Swiatek (malgré son relatif désamour pour Melbourne), voire Jasmine Paolini - si elle carbure comme en 2024 - peuvent espérer lui barrer la route d'un "3 à la suite". L'emballage final sur le front de la WTA pourrait être bien passionnant dans cette édition 2025.

Les Suissesses

Belinda Bencic, une femme et un coup fin?

Après la naissance de sa fille, Belinda Bencic a réussi un retour plutôt encourageant sur le circuit. [KEYSTONE - MARK EVANS]
Après la naissance de sa fille, Belinda Bencic a réussi un retour plutôt encourageant sur le circuit. [KEYSTONE - MARK EVANS]

Elle va retrouver l'Open d'Australie une année après l'avoir manqué pour la plus belle des raisons (sa fille allait naître) et même si rien n'indique qu'elle performera pour ce qui reste encore une phase de reprise de compétition, Belinda Bencic a peut-être un joli coup à jouer, tapie qu'elle se trouve dans l'ombre, loin des attentes, loin des pronostics et surtout loin de la pression qui l'a parfois tétanisée.

Plutôt convaincante depuis qu'elle a retrouvé le circuit, la Saint-Galloise n'aura strictement rien à perdre sur les bords de la Yarra, où ses états de services (deux 8es de finale en 10 participations) ne sont certes pas excellents, mais où tout le monde étant encore en rodage en début d'exercice, tout reste possible.

A quelques semaines de souffler ses 28 bougies (déjà!), la maman de Bella doit tenter de surfer sur la vague d'insouciance et de plaisir qui la porte depuis qu'elle a renoué avec les courts. Petit hic tout de même: le tirage au sort lui a désigné Jelena Ostapenko comme adversaire du 1er tour. Jouable suivant l'humeur chancelante de la Lettone. Injouable en revanche si cette dernière déboule à Melbourne avec les crocs et en ayant décidé de ne pas "arroser" à l'extérieur du court.

Sortie sans sourciller des qualifications, Vitkorija Golubic aura elle un gros défi contre Elise Mertens, demi-finaliste en 2018. La Zurichoise joue gros en Australie puisqu'elle reste sur une accession au 3e tour l'an dernier.

La cible

Iga Swiatek, l'image écornée

Demi-finaliste en 2022, mais jamais vraiment en réussite en Australie les autres années, Iga Swiatek a rallié les bords de la Yarra escortée par les traces de son contrôle antidopage positif, révélé fin novembre. Celui-ci a fait grincer des dents et la Polonaise voit son image écornée désormais. Si elle semble s'être rapprochée de sa principale rivale Aryna Sabalenka, certaines ne lui pardonnent en revanche pas. A l'image de Danielle Collins.

Déjà en froid avec la no2 ATP depuis les JO, l'Américaine ne cache plus ce que lui inspire de mal l'intéressée. Elle dénonce le côté "faux" de son adversaire, le rôle qu'elle joue, entre celle qu'elle est devant les caméras et celle qu'elle serait dans le vestiaire. La poignée de main que se sont "échangées" les deux femmes lors de la United Cup en dit long. Collins s'en est d'ailleurs félicitée ensuite sur les réseaux sociaux. Des "enfantillages"...

Au-delà de ça, Iga Swiatek veut redorer son image, ne plus se laisser pourrir par ce contrôle dont elle se dit innocente et se relever de ces quelques semaines qu'elle "ne souhaite plus jamais revivre". Cela passe forcément par un gros truc à Melbourne. Avec Siniakova, puis potentiellement Anisimova, Raducanu ou Azarenka sur sa route en première semaine (puis peut-être Collins en quart?) l'intéressée est servie. Mais quoi de mieux finalement pour qui entend rebondir?

Le roi

Djokovic, le chassé devenu chasseur

Ces dernières années, Novak Djokovic avait pour habitude d'être non seulement un épouvantail, mais aussi l'homme derrière lequel tout le circuit s'époumonait, celui qui menait le bal, qui était à faire descendre de son piédestal. Plus rien de tout cela aujourd'hui, puisque, pour la première fois depuis 2017, le Serbe n'a, la saison passée, pas remporté la moindre épreuve du Grand Chelem.

Novak Djokovic et, dans l'ombre, son nouveau coach, un certain Andy Murray. Un duo... "big fort"? [KEYSTONE - MARK BAKER]
Novak Djokovic et, dans l'ombre, son nouveau coach, un certain Andy Murray. Un duo... "big fort"? [KEYSTONE - MARK BAKER]

Son sacre olympique, monument de son année 2024, reste une pièce importante de sa collection, mais il n'a pas eu le même retentissement sur ses adversaires, qui se plaisent à croire qu'il y a désormais un vrai coup à jouer contre "Nole", des opposants qui aiment penser qu'il y a gentiment un après-Djokovic qui se dessine. A tort? Peut-être bien, car malgré ses presque 38 ans, le possible meilleur joueur de l'histoire n'a pas encore dit son dernier mot.

Lui qui sait mieux que personne se préparer pour les événements majeurs peut en effet trouver une motivation énorme ces prochains mois: la quête d'un 25e titre majeur, qui l'érigerait désormais en seul patron, en solitaire sur son art perché, au-dessus des 24 empilés par Margaret Court.

Malgré le temps qui passe et en dépit des quelques dents longues poussant chez la génération suivante, Novak Djokovic se croit (se sait?) capable de mettre encore au moins un Grand Chelem sous sa coupe. Il a pour cela engagé une vieille connaissance, Andy Murray, pour le couver. Une association de "Big Four" (ou de "Big Forts"?) curieuse certes, mais qui pourrait mine de rien créer encore bien des remous sur le circuit ATP.

Les rêveurs

Sur le dos de Sinner

Si le circuit ATP reste par moments illisible par les temps qui courent, il n'en demeure pas moins que Jannik Sinner aura sur le dos quelques gros clients sur le chemin menant à une autre couronne. Au premier rang desquels Novak Djokovic et Carlos Alcaraz. L'Espagnol arbore une nouvelle coupe de cheveux, peut-être pour avoir les idées plus fraîches après une fin 2024 cahin-caha (2e tour à l'US Open, finale à Pékin, quart à Shanghai, 8e de finale à Bercy, élimination en poules du Masters...). Dans un Open d'Australie qui est le Grand Chelem lui ayant le moins réussi jusqu'à présent (quart de finale tout de même la saison passée), le tenant du titre de Roland-Garros et Wimbledon (quel doublé!) veut reprendre une cadence plus proche de ses standards.

Carlos Alcaraz aimerait bien s'illustrer en Australie après son échec dès le 2e tour lors du dernier US Open. [KEYSTONE - MARK BAKER]
Carlos Alcaraz aimerait bien s'illustrer en Australie après son échec dès le 2e tour lors du dernier US Open. [KEYSTONE - MARK BAKER]

L'Italien, le Serbe et l'Espagnol partent avec les faveurs de la cote. Plus qu'un Alexander Zverev, qui court toujours derrière un Majeur, s'en rapproche certes (demie à Melbourne et finale à Paris en 2024), mais ne triomphe pas. Plus qu'un Taylor Fritz qui, en dépit de sa finale à l'US Open, ne donne pas l'impression de pouvoir en "claquer" un ces prochains mois. Et plus que Daniil Medvedev, le Russe ayant débarqué tard en Australie après la naissance de son 2e enfant et semblant donc à court de préparation.

Subsistent d'autres noms chez les outsiders: Stefanos Tsitsipas et Andrey Rublev (sans doute sont-ils trop irréguliers et un quart serait déjà un exploit pour eux), mais surtout Alex De Minaur, qui pourrait bien avoir quelque chose de sérieux à jouer dans cette quinzaine. Davantage, a priori, que Holger Rune ou Casper Ruud.

Les Suisses

Wawrinka et Stricker dans l'expectative

Stan Wawrinka, bientôt quadra, s'attaque à son 19e Open d'Australie, le tournoi du Grand Chelem qu'il a conquis en premier, en pratiquant ce tennis de feu, de fou, l'un des plus beaux de la décennie écoulée. Le tournoi qu'il a aussi arpenté avec un genou tout juste rafistolé, en 2018. Le tournoi où il n'a plus remporté le moindre match, aussi, depuis 4 ans. Autant dire que pour le Vaudois, l'objectif sera d'au moins une fois lever les bras à Melbourne.

Avec Lorenzo Sonego (ATP 54) comme adversaire, un opposant qu'il a battu lors de leur seul affrontement (Umag 2023), la mission n'est pas la plus aisée, mais elle ne paraît pas insurmontable non plus, l'Italien étant un joueur plutôt inconstant. Et puis, la perspective d'affronter peut-être Andrey Rublev au 2e tour pourrait réveiller le "Stanimal".

Stan Wawrinka se confie à la veille de son 19e Open d'Australie

Tennis - Open d'Australie: "C'est encore une chance de participer à ce tournoi", dit Stan Wawrinka
Tennis - Open d'Australie: "C'est encore une chance de participer à ce tournoi", dit Stan Wawrinka / RTS Sport / 2 min. / aujourd'hui à 17:50

Dominic Stricker n'a pour sa part aucune expérience du tableau principal de l'Open d'Australie et vivra donc une grande première dans cette quinzaine, première rendue certainement plus épicée encore par le fait que le Bernois devra se frotter à un régional de l'étape, James Duckworth (ATP 94) en l'occurrence.

Entraîné par Wayne Arthurs, le droitier de presque 33 ans a déjà 11 participations sous les semelles, mais seulement 4 victoires à Melbourne. Plutôt à l'aise sur gazon que sur dur, il n'est pas injouable pour Stricker... si celui-ci tient le coup physiquement.

Dans l'ombre

Qui pour une surprise?

L'Open d'Australie n'est pas le tournoi du Grand Chelem accouchant des plus grandes sensations, du moins chez les hommes. Hormis peut-être le triomphe de Stan Wawrinka en 2014 (car oui, personne n'avait misé sur le Suisse avant l'épreuve) et, dans une moindre mesure, celui de Roger Federer en 2017 et de Rafael Nadal en 2022, sachant que les deux hommes revenaient de blessure, il faut remonter à 2002 et au sacre de Thomas Johansson pour trouver un lauréat inattendu.

Difficile donc d'imaginer que le trophée échappera cette année à un "nom" du circuit ATP. Mais quelques joueurs peuvent néanmoins mettre un peu le bazar dans le tableau. Citons pêle-mêle l'éternel Grigor Dimitrov (ATP 10), Tommy Paul (ATP 12), Lorenzo Musetti (ATP 16), Ben Shelton (ATP 21), Sebastian Korda (ATP 22), Giovanni Mpetshi Perricard (ATP 30), voire encore Matteo Berrettini (ATP 35).

Finaliste de l'US Open en 2021, mais moins en verve ensuite, la Canadienne Leylah Fernandez est plutôt en bonne forme en ce début d'année. Suffisant pour aller loin sur les bords de la Yarra? [KEYSTONE - TREVOR COLLENS]
Finaliste de l'US Open en 2021, mais moins en verve ensuite, la Canadienne Leylah Fernandez est plutôt en bonne forme en ce début d'année. Suffisant pour aller loin sur les bords de la Yarra? [KEYSTONE - TREVOR COLLENS]

Si, au palmarès, les petites surprises n'ont pas forcément été plus nombreuses que chez les hommes ces 25 dernières années que chez les femmes (Sofia Kenin 2020, Victoria Azarenka 2012), plusieurs finalistes féminines n'étaient en revanche pas attendues à pareille fête durant ce quart de siècle (Qinwen Zheng 2024, Danielle Collins 2022, Jennifer Brady 2021, Dominika Cibulkova 2014...). Que nous réservera l'édition 2025?

Alors que Sabalenka, Swiatek, Pegula, Paolini, Rybakina et Gauff ont le profil pour aller très loin, certaines de leurs adversaires pourraient bousculer l'ordre établi. C'est notamment le cas de Daria Kasatkina (WTA 9), Mirra Andreeva (WTA 14), Donna Vekic (WTA 19), Karolina Muchova (WTA 21), Katie Boulter (WTA 23), Leylah Fernandez (WTA 31) et Elise Mertens (WTA 34). Qui pour émerger?