Carnet 10 - Djokovic prêt pour le Graal, Sinner face à tout un peuple, Badosa a fait la paix avec Melbourne et gros plan sur un point de "mutants"

Novak Djokovic continue de planer sur Melbourne. Jusqu'au titre dimanche? [KEYSTONE - MANISH SWARUP]
Novak Djokovic continue de planer sur Melbourne. Jusqu'au titre dimanche? - [KEYSTONE - MANISH SWARUP]
Auteur d'un gros match contre Carlos Alcaraz, Novak Djokovic est mûr pour aller chercher un historique 25e titre majeur, ce dimanche à Melbourne, où Jannik Sinner aura tout un pays contre lui demain, où Paula Badosa sort enfin de sa boîte en Grand Chelem et où Aryna Sabalenka a eu très peur.

DJOKOVIC, PARTI POUR 25! Si solide, so solid, Novak Djokovic a enlevé en véritable champion la "finale avant la lettre" en dominant Carlos Alcaraz (4-6 6-4 6-3 6-4) au cours d'un quart par moments très enthousiasmant. On a notamment vu un point de "mutants" en fin de rencontre, entre 2 hommes qui ont tout donné lors d'un échange de 33 frappes. Même s'il a perdu ce point, le vétéran a remporté le principal, cette rencontre, donnant l'impression de filer dimanche au sommet du jeu, plus que jamais, avec 25 titres du Grand Chelem en poche. Son niveau de jeu et sa confiance en disent long. Certes, pas mal d'eau de la Yarra peut couler sous le pont de Melbourne d'ici-là, mais avec ses jambes de 20 ans et son tennis clair, le Serbe est parti pour 25. Fou!

ALCARAZ, OCCAS' MANQUEE Carlos Alcaraz campait sur 2 succès de suite en Grand Chelem sur son glorieux aîné et rêvait très fort d'enchaîner par un 3e, ailleurs qu'à Wimbledon. Mais l'Espagnol n'a pas su profiter d'une 1re manche en poche et d'un temps-mort médical de Novak Djokovic pour donner un vrai coup sur la tête de ce dernier. Réglé sur courant alternatif (et puis, comment faire contre ce diable de "Nole"?), "Carlito" a manqué d'un peu de tout mais en même temps de beaucoup trop à la fois pour espérer mieux. Dommage pour lui, car il y aurait eu un vrai coup à jouer vendredi face à Zverev.

PAUL, MAUVAISE FOURNÉE Tommy Paul a eu les occasions pour placer Alexander Zverev sous l'éteignoir. Mais à trop gâcher, l'Américain s'est cramé, finalement battu en 4 sets (7-6 7-6 2-6 6-1) par l'Allemand. Le demi-finaliste 2023 a servi pour le gain de la 1re manche et obtenu une balle de set. En vain. Il a ensuite mené 5-2 dans la 2e manche et obtenu une autre balle de set. En vain encore. Les deux fois, Paul a été sévèrement maté dans le tie-break (7/1, puis 7/0). Malgré un sursaut d'orgueil ensuite, il n'a pas pu vraiment inquiéter le grand blond d'en face, hormis en sauvant magnifiquement une balle de match. Et ce alors que Zverev est pourtant moins serein et moins efficace que lors de ses précédentes sorties. On le voit mal aller plus loin, surtout avec Djokovic en face.

LA PHRASE "Aucune raison de rester ici alors que vous venez d'assister à un Tommy Paul-Alexander Zverev". C'est l'Allemand qui a lancé cela au public australien dans un éclat de rire, alors que Jim Courier l'interrogeait sur la session de nuit qui allait suivre entre Novak Djokovic et Carlos Alcaraz. L'Allemand souhaitait sans doute dédramatiser la tâche qui l'attend vendredi.

LE CHIFFRE 10. En cas de titre dimanche (bon sang que c'est loin, bon sang que cela semble impossible!), Alexander Zverev deviendrait le joueur ayant "attendu" le plus grand nombre de participations à l'Open d'Australie - sa 10e - avant de s'y imposer. Pour l'heure, ce sont Stan Wawrinka (2014) et Petr Korda (1998) qui ont patienté le plus longuement, décrochant la timbale à leur 9e tentative.

SINNER FACE AU PUBLIC En dépit des tourments connus lundi, Jannik Sinner sera bien l'immense favori de son quart de finale, demain contre Alex De Minaur sur la Rod Laver Arena. Malgré ses jambes qui moulinent et le soutien de "son" public, l'Australien ne semble pas avoir les arguments pour pouvoir faire plier le tenant du titre sur la longueur. En 9 tentatives, il n'a d'ailleurs jamais converti l'essai. Cela s'annonce donc rude pour demain. Ou alors faudra-t-il évoluer en... do majeur.

BADOSA REVENUE DE LOIN Un dos en compote, un médecin qui lui conseille d'arrêter le tennis, un jeu qui suit moins et de nombreux doutes dans la caboche. Voilà - en partie - ce par quoi est passée Paula Badosa ces deux dernières années avant de sortir Coco Gauff (7-5 6-4) ce matin. Classée no2 WTA en avril 2022, dans la foulée de son pétage de plombs australien (lire ci-dessous), l'Espagnole a ensuite mangé une nouvelle fournée de pain noir. Plus que ses résultats, ce sont sa relation avec Stefanos Tsitsipas, ses contreperformances et ses pépins physiques qui alimentaient la chronique. Aujourd'hui, la voici revenue sur le devant de la scène et sa très solide prestation pour sortir l'Américaine constitue la cerise sur la gaufre. Un succès suivi par une belle émotion pour l'actuelle 12e WTA. "J'ai été très proche de la retraite, a-t-elle rappelé en conférence de presse. Mon dos ne réagissait pas bien, je ne voyais pas d'amélioration, mais je voulais me donner une dernière chance afin de voir comment cela pouvait se passer. Et voilà, j'y suis!" Simple comme Buenos Dias.

PAULA, DOUBLE PAIX Avec cette accession au dernier carré, son premier en Grand Chelem, Paula Badosa a plusieurs raisons de sourire à pleines dents. L'Espagnole a pour de bon fait la paix avec elle-même, avec son corps, avec ses vieux démons, mais aussi avec Melbourne. Il y a 4 ans, alors que l'Australie faisait la chasse au Covid, la joueuse avait en effet été enfermée dans une chambre d'hôtel, en quarantaine, ce qui l'avait menée à un "pétage de plombs" bien légitime. "Les conditions sont lamentables, avait-elle alors dénoncé dans le quotidien Marca. La première chose recommandée serait de pouvoir ouvrir ma fenêtre pour que l'air circule, mais moi je n'ai pas de fenêtre dans ma chambre de 15m2." De plus, elle n'avait pas eu droit à un matériel d'entraînement pour garder la forme. "C'est la pire expérience de ma carrière", avait-elle tonné. Quatre plus tard, elle vit la plus belle. La roue tourne.

LE "OUF" DE SABALENKA Aryna Sabalenka a les deux pieds en demi-finales, mais la Biélorusse a vacillé devant une étonnante Anastasia Pavlyuchenkova. Le gain aisé de la 1re manche (6-2 en une demi-heure) avait semble-t-il de quoi la mettre sur des rails, mais la Russe s'est alors mise à voir la balle comme une pastèque, ce qui l'a conduite à envoyer des parpaings aux quatre coins du court, en flirtant avec les lignes. Stupeur sur Melbourne lorsque celle qui disputait son 17e Open d'Australie égalisa à une manche partout et fit même le break d'entrée de 3e manche. Visage livide, attitude corporelle respirant la frustration, la no1 WTA et double tenante du titre était proche de la sortie, alternant le bon et le pire. Ses cris de joie sur les erreurs directes de son adversaire illustraient beaucoup de choses. Mais de l'autre côté du court, le bras droit de Pavlyuchenkova se crispa à 3-4, ouvrant tout à coup un boulevard à la reine des bords de la Yarra. Chaude alerte? "Honnêtement, j'ai passé le stade d'avoir peur", a corrigé Sabalenka. Vraiment?

DEUX FILLES AMIES-AMIES La demi-finale entre Paula Badosa et Aryna Sabalenka sera une affiche entre grandes copines. Très proches, les deux joueuses devront mettre cette amitié de côté jeudi. En 7 affrontements jusque-là, c'est la fille de Minsk qui a le plus souvent laissé les sentiments au vestiaire; elle mène 5-2 et a remporté leurs... 5 dernières confrontations, dont l'unique en Grand Chelem, le printemps passé à Roland-Garros.

AU DEFI POLONAIS Emma Navarro tentera de créer la sensation du tableau féminin en s'offrant le scalp d'Iga Swiatek, demain en quarts de finale. Sensation car la Polonaise est impitoyable cette semaine. Mais entre les deux femmes, les références sont maigres. Songez en effet qu'elles n'ont été opposées qu'à une seule reprise par le passé. En 2018 sur la terre battue de Charleston, à une époque où elles étaient toutes deux inconnues. Qualifiée, Swiatek avait alors laminé l'invitée américaine (6-0 6-2). Près de 7 ans plus tard, toutes deux ont considérablement grandi et l'Américaine a maintenant une idée derrière la tête. Il lui faudra cependant aussi avoir le jeu afin que pour Navarro, la série continue.

Arnaud Cerutti

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