Carnet 9 - Stupeur et tremblements pour Sinner, l'étonnement de Rune, des excuses pour Djokovic, un rouleau compresseur appelé Swiatek
SINNER, STUPEUR ET TREMBLEMENTS Jannik Sinner peut toujours défendre son titre, mais le no1 mondial s'est fait peur, au fil d'un 8e de finale éreintant, ardu et "chaud" (33 degrés!) devant Holger Rune. Pas dans son assiette et pris de vertiges, l'Italien a failli devoir mettre la flèche. Il a convoqué le soigneur sur le court et on l'a vu trembler comme jamais à un changement de côté dans des images incroyables, mais il s'est battu comme un magnifique diable pour ne pas bâcher. Admirable. "Je pense que tout le monde a vu que je ne me sentais pas très bien", a commenté l'Italien en conférence de presse, sans vouloir en dire davantage, secret professionnel oblige. On sait tout juste qu'il ne s'était pas échauffé avant son match. "C'était une matinée étrange, je n'étais pas dans mon état normal", a-t-il ajouté.
SOLIDE MALGRE TOUT Sinner a été d'autant plus admirable qu'en plus d'avoir continué à jouer, il l'a mine de rien fait de belle manière. Certes, ce n'était pas le Jannik intouchable et injouable que l'on a déjà connu, mais ce 8e de finale a été de bonne qualité malgré tous les problèmes connus par le tenant du titre. Preuve en est que le Danois a eu beau tout tenter, il n'a pas pu subtiliser plus d'une manche à son adversaire (6-3 3-6 6-3 6-2), qui devra maintenant veiller à bien souffler ces 30 prochaines heures s'il entend défendre encore sa couronne.
RUNE S'EST ETONNE Holger Rune n'a que très peu goûté au temps-mort médical de Jannik Sinner. "Il est revenu en jouant le feu, je ne sais pas ce qu'ils ont fait", a tonné le Danois. Oups!
MONFILS A FINI PAR CEDER Les conditions n'ont pas été insupportables que pour Jannik Sinner. Gaël Monfils a lui aussi fini par plier dans la touffeur australienne, contraint qu'il a été à l'abandon devant Ben Shelton (7-6 6-7 7-6 1-0). C'est aussi le problème lorsque l'on approche de la quarantaine; le corps ne tourne plus de la même manière, les jambes ne répondent plus comme 20 ans auparavant. "J'étais rôti", a admis le Français, dont on a beaucoup apprécié le comportement dans cette quinzaine. Face à un joueur de 16 printemps de moins, "La Monf" avait tout de même armé 45 coups gagnants et converti 16 de ses 19 montées avant de rendre les armes. Cela rend d'autant plus frustrant son abandon, qui a ouvert la porte des quarts à Shelton, prêt à batailler avec Lorenzo Sonego.
LES INSPIRATIONS DE SONEGO On avait découvert Lorenzo Sonego en 2018 en Australie. Sur le bord du court, nous l'avions vu s'extirper des qualifications puis dominer Robin Haase au 1er tour. Son jeu avait quelque chose de plaisant. S'en dégageait un vrai potentiel. Sept ans plus tard, après des saisons de hauts et de bas, l'Italien signe le plus beau parcours de sa carrière en Grand Chelem, qualifié qu'il se trouve pour les quarts de finale. Non content d'avoir obtenu le scalp de Stan Wawrinka au 1er tour, le 55e mondial (qui sera au pire 35e lundi prochain) a tapé sur les têtes de Joao Fonseca, Fabian Marozsan, puis ce matin de Learner Tien (6-3 6-2 3-6 6-1). La révélation américaine n'a pas pu faire grand-chose devant un Turinois inspiré (22 aces, 90% de points marqués derrière sa 1re balle, 58 coups gagnants, 79% à la volée). Propre.
DJOKO OBTIENT "SES" EXCUSES 24 heures après avoir refusé de se prêter au jeu de l'interview sur le court pour avoir été moqué par un journaliste de Channel 9, Novak Djokovic a obtenu les excuses qu'il souhaitait. Le journaliste en question, Toby Jones, a lâché "avoir voulu faire de l'humour, comme j'en fais souvent". Avant d'ajouter: "Mais clairement, cela n'a pas été interprété ainsi. J'ai donc immédiatement pris contact avec les équipes de Djokovic." C'est le coeur léger, mais le mors aux dents, que le Serbe va pouvoir défier Carlos Alcaraz demain. Ca risque de faire des étincelles!
KEYS TOUJOURS DEBOUT Vendredi, Elena Rybakina avait déserté Melbourne Park le dos en compote, dubitative quant à sa capacité à y poursuivre sa route. Quarante-huit heures plus tard, la Kazakhe a beaucoup donné pour mater Madison Keys, or cela n'a pas suffi. Sa réaction d'orgueil de la 2e manche a été belle à voir, mais elle a été battue en brèche par une Américaine dans une forme époustouflante et encore capable d'accélérer après 1h de jeu (victoire 6-3 1-6 6-3, 9e succès de rang). Titrée à Adélaïde, Keys ne propose pas un tennis fait d'étincelles, mais, patiente, elle joue très juste actuellement et cela paie. Sur la route de Madison se dresse maintenant Elina Svitolina. Ni l'une ni l'autre n'était attendue en demi-finale. L'une d’entre elles y figurera. Laquelle? Faites déjà vos jeux!
SVITOLINA EPATE Il fut un temps, voici un peu moins de 10 ans, on aurait pu miser très gros sur le fait qu'Elina Svitolina allait remporter un tournoi du Grand Chelem. En 2025, le palmarès de l'Ukrainienne en la matière est toujours vierge. Et devrait le rester. Mais reconnaissons que l'ex-no3 WTA (en 2017) est épatante en Australie, où elle n'a jusqu'ici perdu qu'une manche. Après avoir réalisé une superbe prestation devant Jasmine Paolini samedi, elle a assumé en patronne aujourd'hui devant Veronika Kudermetova (6-4 6-1). La voici devant son 12e quart de finale en "majeurs". Elle en a gagné 3 jusqu'ici. Aucun en Australie.
SWIATEK ROULE SUR LYS Sans surprise aucune, la sensation Eva Lys s'est arrêtée devant l'ogresse Iga Swiatek, impitoyable et absolument injouable pour une novice à ce stade-là d'un tel tournoi. 6-0 6-1, le 8e de finale n'a pas fait le moindre pli. L'Allemande a tout juste tenu 1h00 avant de voir le plus beau parcours de sa carrière s'achever. Sans le moindre regret, bien sûr, tant il n'y avait rien à faire face à la no2 WTA. Plus beau encore, Lys a fêté comme une victoire son seul set remporté dans ce match, à 6-0 3-0. La jeune femme de 23 ans peut quitter Melbourne avec des étoiles dans les yeux. Swiatek, elle, n'en est pas encore là. La Polonaise entend aller au bout. Force est de reconnaître que sa cadence actuelle promet beaucoup.
TRANCHANTE NAVARRO Réellement découverte la saison dernière, Emma Navarro (23 ans, WTA 8) continue de surfer sur le nuage qui lui avait permis d'atteindre les quarts de finale à Wimbledon et le dernier carré à l'US Open en 2024. La New-Yorkaise a été très solide devant Daria Kasatkina (6-4 5-7 7-5) pour signer sa 4e victoire en 3 sets de rang. A croire qu'elle aime se compliquer la vie avant de trouver son salut! La tâche sera très compliquée en quarts contre Iga Swiatek. D'autant plus que Navarro a déjà passé 10h23 sur le court (dont 3h22 lors de son 1er tour) contre... 4h35 (au total!) pour la Polonaise.
LA PHRASE DU JOUR "Il n'y a rien que je désirais davantage que de bien jouer en Australie", a souri Alex De Minaur après son succès 6-0 7-6 6-3 contre Alex Michelsen. L'Australien se félicite de pratiquer du bon tennis "chez lui". Prochain rendez-vous: Jannik Sinner. Une autre limonade.
Arnaud Cerutti