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Neil Harman, une vie de tennis

Dire que Neil Harman en connaît un rayon sur le tennis est un doux euphémisme. [enpleinelucarne.net]
Dire que Neil Harman en connaît un rayon sur le tennis est un doux euphémisme. - [enpleinelucarne.net]
A Roland-Garros, Roger Federer vient de disputer le 56e tournoi du Grand Chelem de sa carrière. Ce n’est rien à côté du "palmarès" de Neil Harman (56 ans). Ce journaliste britannique couvre à Paris son 87e Grand Chelem!

Employé par le "Times" depuis 2002, il passe environ la moitié de l'année à travers le monde sur les différents tournois de tennis. "Ma femme dit qu'elle a un mari à temps partiel!", rigole-t-il.

Neil Harman vient de publier "Court Confidential", un ouvrage sur les coulisses du tennis. Journaliste depuis 40 ans, il s'est confié cette semaine à RTSsport.ch. Anecdotes et histoires croustillantes garanties!

"Quel départ dans une carrière de journaliste"

RTSsport.ch:Quel souvenir avez-vous de votre premier tournoi du Grand Chelem?

NEIL HARMAN: J'ai été très chanceux. La première finale de Grand Chelem que j'ai suivie en tant que journaliste était à Wimbledon en 1982. J'étais assis sur les escaliers parce que la tribune de presse était complète, les règles étaient moins strictes à l’époque.

Le match opposait John McEnroe à Jimmy Connors. Quel départ dans une carrière de journaliste (réd: Connors l'avait emporté en 5 manches)!

Neil Harman est le correspondant du Times depuis 2002. [thetimes.co.uk]
Neil Harman est le correspondant du Times depuis 2002. [thetimes.co.uk]

RTSsport.ch:

A cette époque le tennis féminin avait-il une autre résonance qu'aujourd'hui?

NEIL HARMAN: Il y avait une grosse domination de Martina Navratilova et de Chris Evert. Cette période était exceptionnelle chez les dames, je pense. Il y a eu ensuite Steffi Graf et Monica Seles, c'était vraiment une époque formidable. Le public était fasciné par ces duels. Toutes ces joueuses avaient une histoire et une personnalité. Cela a un peu disparu au fil des années. Il y a encore eu Jennifer Capriati.

"Le tennis dames est moins excitant"

RTSsport.ch: Le tennis dames d'aujourd'hui ne vous convainc donc pas...

NEIL HARMAN: C'est nettement moins excitant. Il y a bien sûr des joueuses très talentueuses comme Serena et Venus Williams, Maria Sharapova. Mais elles n'ont pas le même statut qu'avaient des Navratilova ou Evert. Si l'on parle moins du tennis dames actuellement, c'est aussi dû à la force du tennis masculin. Même s'il faut admettre que ce qu'effectue Serena Williams depuis une année est complètement fou (réd: 72 victoires pour 3 défaites)!

RTSsport.ch: Quelle empreinte a laissé Martina Hingis?

NEIL HARMAN: Elle a été une joueuse incroyable et a acquis toutes ses plus grandes victoires avant 20 ans, c’est fou! Elle lisait le jeu comme personne, je pense, dans l’histoire de ce sport.

Sa mère était manifestement une coach incroyable. Sa finale en 1999 contre Steffi Graf, tout le monde s’en souvient. Si vous me demandez quel est le match féminin le plus mémorable que j'ai jamais vu, c'est celui-là! La Suissesse a commis l'erreur fatale de contourner le filet pour aller contrôler une marque, ça ne se fait pas. Mais c'est une histoire incroyable.

"John McEnroe? Il analyse le jeu comme personne"

John McEnroe avait insulté l'arbitre lors de sa disqualification en 8e de l'Open d'Australie 1990. [Reuters - Mark Baker]
John McEnroe avait insulté l'arbitre lors de sa disqualification en 8e de l'Open d'Australie 1990. [Reuters - Mark Baker]

RTSsport.ch:

Si l'on parle maintenant du tennis masculin, pas mal de gens ont la nostalgie des années 80 et 90. Avec McEnroe, Connors, Noah ou Becker, il y avait du show sur le terrain. Tout est beaucoup plus lisse actuellement, non?

NEIL HARMAN: En un sens, c'est vrai. Tout ce que faisaient ou racontaient McEnroe et Connors était retranscrit. C'était un show permanent. En 1990, McEnroe a été disqualifié lors de son 8e de l'Open d'Australie. Il est arrivé en conférence de presse et il y a eu un silence de 20 secondes. Alors, je me suis lancé et j’ai posé la première question: "John, tu as dépassé les bornes et ce que tu as fait est inacceptable".

John a ensuite pris la parole et a causé pendant 20 minutes non-stop! Il nous a quasiment raconté toute sa vie, c'était incroyable. Mais il le fait toujours aujourd'hui. Pour moi, il reste la personne la plus digne de foi dans le monde du tennis. Il comprend et analyse le jeu et les joueurs comme personne. C'est fascinant!

"Il manque de variété dans le jeu"

RTSsport.ch: Le tennis a atteint un niveau incroyable aujourd'hui. Pensez-vous qu'on puisse encore aller plus haut?

NEIL HARMAN: Je ne sais plus qui a dit dernièrement que le service/volée allait bientôt revenir à la mode. Les surfaces sont trop lentes actuellement et il manque de variété dans le jeu.

Ce qu'il y a eu de fascinant dans ce Roland-Garros est que la moitié des huitièmes de finaliste avait un revers à une main. Beaucoup d’entraîneurs ont reçu il y a quelques années des consignes de leur Fédération de ne plus enseigner le revers à une main, parce que ce n’était pas l’avenir du tennis!

Si on regarde le revers de Wawrinka, Gasquet ou Federer, c'est un style pur comme c'était le cas pour Edberg et Becker à l’époque. J’espère que cela va inciter les coaches à enseigner davantage ce coup dans les écoles. 

Neil Harman entretient des bonnes relations avec la plupart des grands champions, comme Rafael Nadal. [thetimes.co.uk]
Neil Harman entretient des bonnes relations avec la plupart des grands champions, comme Rafael Nadal. [thetimes.co.uk]

RTSsport.ch:

Un des problèmes majeurs actuellement dans le tennis, c'est la Coupe Davis. Sa formule actuelle est-elle dépassée?

NEIL HARMAN: C'est le grand projet de la Fédération internationale. Nadal a dit que la formule actuelle était morte. Federer ne la joue quasiment plus, idem pour Murray et Djokovic qui la jouent épisodiquement. La Coupe Davis ne fait clairement plus partie des priorités des grands joueurs. Il faut peut-être l'organiser tous les 2 ans ou en faire une Coupe du monde avec 16 équipes dans un lieu choisi au préalable.

Si on joue à Miami et que la finale est France-Suisse, vous me direz que les Américains n’auront aucun intérêt à suivre ce match. Ce n’est pas sûr, mais on perd l’élément du match à domicile. Il faudra sans doute faire évoluer les mentalités.

2e volet de cet entretien samedi. Neil Harman évoquera notamment son livre, Roger Federer et Stanislas Wawrinka.

Paris, Stéphane Altyzer

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Neil Harman en bref

Né le 9 avril 1957

Correspondant tennis du "Times" depuis 2002

A travaillé auparavant pour le "Daily Mail" et le "Sunday Telegraph"

Le suivre sur twitter: @NeilHarmanTimes