Roger Federer a fêté son succès à l'US Open aujourd'hui depuis
le sommet de l'Empire State Building. Un lieu symbolique, marquant
le retour du Bâlois, tout en haut du tennis mondial. Il a expliqué
combien il a savouré le gain de cette finale contre Andy Murray
(voir interview exclusive plus haut).
Quatre-vingt-quatre ans après Bill Tilden, Roger Federer a signé
le quintuplé à New York. Il s'est imposé le plus logiquement du
monde 6-2 7-5 6-2 en finale devant Andy Murray, "tombeur" la veille
du no1 mondial Rafael Nadal. Après Lleyton Hewitt, Andre Agassi,
Andy Roddick et Novak Djokovic, l'Ecossais a pu mesurer toute la
difficulté du défi proposé par Roger Federer en finale de l'US
Open.
Une suprématie incontestée
A chaque fois, le Bâlois approche les sommets. Il ne laisse que
des miettes à ses adversaires. Les cinq finalistes malheureux n'ont
jamais pu contester valablement sa suprématie. Dépassé au premier
set, Andy Murray a eu le mérite de pousser Roger Federer dans ses
derniers retranchements lors de la deuxième manche. Après avoir
mené 2-0, le Bâlois a dû, ainsi, sauver trois balles de break à 2-2
0-40. Bien aidé par l'arbitrage sur la deuxième, il pouvait tenir
son service avant de réussir un jeu de relance parfait à 6-5 pour
mener deux manches à rien.
Capable de renverser bien des montagnes lors de cette quinzaine -
on songe à un seizième de finale contre Jürgen Melzer où il fut à
deux points de la défaite -, Andy Murray a traversé le troisième
set comme une ombre. Il fut aux premières loges pour suivre le
fantastique récital de Roger Federer. Le Bâlois n'a pas relâché la
pression, désireux à la fois de conclure en beauté un tournoi qui
est celui du retour en grâce et de "punir" un adversaire contre
lequel il restait sur deux défaites.
Federer proche de Sampras
Roger Federer a, ainsi, cueilli à New York un treizième titre du
Grand Chelem. Il n'est plus qu'à une petite longueur du record de
Pete Sampras. Premier joueur de l'histoire à avoir réussi le
quintuplé tant à Wimbledon qu'à New York, Roger Federer a repris du
temps dans le duel à distance qu'il livre à Sampras. L'Américain
avait gagné son treizième titre lors de son 43e tournoi du Grand
Chelem, le Suisse lors de son 38e. Le 39e, agendé en janvier
prochain à Melbourne, sera peut-être celui de tous les bonheurs
pour Roger Federer.
Après avoir perdu sa couronne à Wimbledon lors de cette
fantastique finale contre Rafael Nadal - où il fut tout de même à
deux points de la victoire-, Roger Federer a vécu un été bien
difficile. Battu par Gilles Simon à Toronto, par Ivo Karlovic à
Cincinnati et par James Blake à Pékin, Roger Federer est arrivé à
New York avec une confiance bien entamée. Trois semaines plus tard,
il quitte la "Grande Pomme" animé d'une certitude: il a retrouvé le
meilleur de son tennis.
LA PLUS BELLE DES VICTOIRES
C'est la victoire du soulagement. Celle qui efface les déconvenues
récentes, les critiques douloureuses et les lendemains qui
déchantent. Avant Barack Obama (?), Federer a conquis l'Amérique
lors d'un "Super Monday" de légende. C'est dans l'adversité que
l'on découvre les vrais héros. Federer fait partie de cette
catégorie-là et il l'a démontré définitivement dans cette nuit du 8
septembre 2008. Une nuit magique où le maître a évolué au
firmament. En remportant un titre du Grand Chelem qui tardait à
venir cette année, Roger a prouvé qu'il n'avait pas cédé
définitivement la clé du pouvoir à Nadal.
Trois finales et une demi-finale de Grand Chelem: 2008 aurait été
une année extraordinaire pour n'importe quel tennisman au monde.
Oui, mais voilà, Federer n'est pas quelqu'un d'ordinaire! Après
quatre années de règne sans partage, hormis sur la terre battue de
Roland-Garros cédée à prix d'ocre à Nadal, Federer avait besoin de
prouver que l'histoire était encore en marche et que la légende qui
portait son nom n'était pas inscrite définitivement dans les
manuscrits du tennis mondial. Dans sa quête de l'absolu
tennistique, Federer a en effet connu une période difficile qui a
provoqué des remous.
Nadal au sommet de son art
Car 2008, l'année qui devait consacrer
une nation du sport avec un Euro à domicile et des JO prétextes à
un regain de patriotisme, s'est transformée en épreuve pour le plus
connu des Suisses. La faute à qui? A une mononucléose contractée
avant l'Open d'Australie tout d'abord. Sous-estimé par tout le
monde (y compris Roger lui-même), le virus a permis à Djokovic de
rêver un instant de monter sur le trône tant convoité. Il y a
ensuite eu toutes ces défaites face à des outsiders auparavant
résignés (Fish, Simon, Karlovic,...) mais convertis aux vertus de
la victoire au fur et à mesure des échecs du maître.
Enfin, il y a surtout eu Rafael Nadal, bras gauche musculeux et
combattant inarrêtable, au sommet de son art. Une énième défaite à
Roland-Garros face au guerrier de Manacor, puis le revers suprême,
celui concédé dans son jardin de Wimbledon. Quelques larmes et un
discours de fin du monde plus tard - "C'est un désastre" ont pu
faire croire à une fin de règne précoce. La défaite de trop est
ensuite survenue en quarts des Jeux face à Blake, prélude à un
lynchage médiatique à la hauteur du traumatisme consécutif à la
perte de son siège de no1 mondial. Mais au pays de Confucius,
Federer allait se découvrir de nouvelles vertus.
Le déclic avec "Stan"
Associé à son complice "Stan" en double, Federer s'est
métamorphosé. Rage de vaincre, plaisir contagieux de la victoire,
expressivité exacerbée par l'enjeu olympique: le "Roger" nouveau a
surpris tout le monde autour de lui. La médaille d'or chinoise
était peut-être le déclic nécessaire à un nouveau départ, après un
long règne qui avait laissé quelques traces de lassitude. L'US Open
a confirmé cet état de fait: avec ses "Come on" rageurs, Federer a
retrouvé une hargne insoupçonnée au fond de lui-même. Et convaincu
un public américain adepte de luttes d'hommes et de champions tout
en relief.
Avec son jeu retrouvé et une confiance à nouveau au sommet,
Federer est prêt à soulever des montagnes. A 27 ans, le Bâlois a
encore tout le temps pour battre bien des records. Et pourquoi pas
un jour enfin gagner Roland-Garros? Après la victoire en double à
Pékin, le public helvétique se met de plus en plus à rêver d'un
Saladier d'Argent ramené au pays. Transcendé par l'or olympique,
Federer voudra-t-il tenter de remporter la Coupe Davis dès 2009? La
question sera sur toutes les lèvres dans 10 jours à Lausanne, où
"Roger The King" aura à n'en pas douter droit à un accueil
triomphal du public suisse.
Samuel Jaberg avec SI
Federer à l'interview
Que signifient ces cinq victoires consécutives à New York?
Federer: "Je suis fier de ce que j'ai accompli. Personne ne l'a jamais fait (remporter cinq Wimbledon et cinq US Open de suite). C'est incroyable. Je me disais que ce n'était faisable qu'à Wimbledon, avoir refait ça à l'US Open, c'est fantastique. Cette victoire à une saveur spéciale."
Etiez-vous confiant en début de tournoi?
Federer: "J'ai toujours cru en mes chances. Je suis venu dans de très bonnes dispositions après ma médaille d'or aux Jeux olympiques (en double avec son compatriote Stanislas Wawrinka). Cela m'a fait oublier ce que j'avais vécu ces derniers mois. Le match face à Andreev a été la clé. (ndlr: Igor Andreev a poussé Federer aux cinq manches en 8es) Après, j'ai commencé à mieux jouer. Sur la fin, j'étais en contrôle. Je me sentais invincible par moments."
Comment décrivez-vous votre saison?
Federer: "Une année avec un peu moins de titres que d'habitude. J'ai eu surtout du mal dans les Masters Series. Ca a été un été mouvementé. Ma défaite à Roland-Garros m'a fait du mal. Je suis fier d'avoir pris part à cette finale épique à Wimbledon. Mais en même temps, cela m'a attristé de ne pas avoir pu gagner un match comme celui-là. J'en rêvais. Mais au vu de la saison, je suis vraiment content. J'ai essayé de rester positif, c'était important de rebondir après avoir perdu ma place de no1 mondial. C'est le meilleur scénario."
Justement, pouvez-vous reconquérir cette place de no1?
Federer: "Cela va être difficile. Aujourd'hui a été une étape importante. Je ne sais pas ce qu'il faut pour y arriver."
La pression est-elle désormais oubliée?
Federer: "Les gens assuraient que j'étais sous pression en arrivant ici. Je ne le voyais pas ainsi. Je ne pense pas que je devais gagner ici pour me prouver quoi que ce soit. Mais c'est vrai que j'ai quatre mois (ndlr: jusqu'à l'Open d'Australie, prochain Grand Chelem) pour en profiter maintenant."
Source: AFP
Federer et les statistiques
Lauréats en Grand Chelem
1. Pete Sampras USA 14 titres
2. Roger Federer SUI 13 titres
3. Roy Emerson AUS 12 titres
4. Bjoern Borg SWE 11 titres
.Rod Laver AUS 11 titres
6. Bill Tilden USA 10 titres
7. Andre Agassi USA 8 titres
.Jimmy Connors USA 8 titres
.Ivan Lendl CZE 8 titres
...
Rafael Nadal ESP 5 titres
Tournois gagnés sous l'ère Open
1. Jimmy Connors USA 109
2. Ivan Lendl CZE/USA 94
3. John McEnroe USA 77
4. Pete Sampras USA 64
5. Bjoern Borg SWE 62
. Guillermo Vilas ARG 62
7. Andre Agassi USA 60
8. Ilie Nastase ROM 57
9. Roger Federer SUI 55
10. Boris Becker GER 49
Le palmarès de Federer
56 titres en simple dont 3 cette saison (Estoril, Halle, US Open)
Open d'Australie: 3 victoires (2004, 2006, 2007)
Roland-Garros: 3 finales (2006, 2007, 2008)
Wimbledon: 5 victoires (2003, 2004, 2005, 2006, 2007)
US Open: 5 victoires (2004, 2005, 2006, 2007, 2008)
Masters: 4 victoires (2003, 2004, 2006, 2007)
Médaillé d'or en double aux Jeux olympiques de Pékin (avec Stanislas Wawrinka)