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Francesco Ricci-Bitti, le patron du tennis mondial

Francesco Ricci-Bitti avec l'un de ses "bébés": la Coupe Davis.
Francesco Ricci-Bitti avec l'un de ses "bébés": la Coupe Davis.
Francesco Ricci-Bitti est un quasi inconnu dans le monde du tennis. Cet Italien en est pourtant peut-être l'une des personnes les plus importantes puisqu'il occupe la présidence de la Fédération internationale. Interview.

Non, Francesco Ricci-Bitti n'a rien à voir avec Francesco Totti.
Ce n'est pas non plus le nouvel attaquant étranger du FC Bâle. Cet
Italien de 67 ans, ancien vainqueur des Championnats universitaires
transalpins, n'est autre que le président de la Fédération
internationale de tennis (ITF), basée à Londres, depuis 1999.



Grand patron du tennis mondial, cet ancien businessman, membre du
CIO depuis 2006, était présent cette semaine à Genève à l'occasion
du tirage au sort de la Coupe Davis 2010. Tsrsport.ch l'a rencontré
pour faire le point.



Les problèmes de calendrier, la Coupe Davis, Roger Federer ou les
retours (controversés?) des Belges Kim Clijsters et Justine Henin,
l'Italien monte à la volée. Et ne met que peu de balles hors du
court. Interview.

Les calendriers des
Federer et Nadal ne sont pas les mêmes que ceux qui se font
toujours sortir aux 1er ou 2e tours!

Francesco
Ricci-Bitti

tsrsport.ch:


- Le calendrier annuel, très chargé, est souvent décrié par les
meilleurs joueurs du monde. Surtout que Coupe Davis et FedCup
viennent encore s'y mêler...




FRANCESCO RICCI-BITTI:

Nous venons juste de le
changer, en déplaçant notamment le 1er tour de la Coupe Davis, qui
était alors juste après l'Open d'Australie. Certains joueurs sont
satisfaits, d'autres pas. Le problème n'est pas celui d'un
calendrier surchargé, mais le calendrier des joueurs eux-mêmes!
J'ai toujours dit, et ça fait rire tout le monde, que les
calendriers des Federer et Nadal ne sont pas les mêmes que ceux qui
se font toujours sortir aux 1er ou 2e tours. Alors oui, il y a
beaucoup trop de tournois, mais uniquement pour ceux qui sont
toujours en finale!



Le problème est donc de trouver une bonne balance entre les
engagements de certains joueurs sur tel ou tel tournoi et les voeux
des autres épreuves. Mais à mon avis, il n'y a pas de solution
parfaite. L'enjeu est seulement de trouver le meilleur des
compromis.



tsrsport.ch:

- Mais ça ne vous dérange pas
qu'un joueur comme Roger Federer ne dispute plus le 1er tour de la
Coupe Davis depuis 2005
?



FRANCESCO RICCI-BITTI:

Vous savez, il manque
toujours tel ou tel joueur sur un tournoi. C'est comme ça. En 2008,
nous avons eu une participation exceptionnelle des meilleurs à la
Coupe Davis, et cette année nous sommes très satisfaits également
de la participation. Après, il ne faut pas oublier que les Coupe
Davis et FedCup sont des compétitions par équipes, et tout ne
dépend donc pas que de la présence des meilleurs. Mais par rapport
à d'autres tournois, on peut dire que nous avons une meilleure
participation des joueurs de pointe.



En ce qui concerne Federer, j'espère qu'il reverra un jour sa
position. C'est le meilleur joueur de tous les temps et il
ambitionne de tout gagner dans sa carrière. Gagner la Coupe Davis
avec son pays doit donc forcément être un objectif, surtout que la
Suisse a une belle chance aussi avec Wawrinka, un autre bon
joueur.

"Le tennis masculin vit une période exceptionnelle"

tsrsport.ch:

- Que pensez-vous justement de
Roger Federer? Brillant, sympathique, est-il le meilleur
ambassadeur dont le tennis puisse rêver
?



FRANCESCO RICCI-BITTI:

Il est remarquable, non
seulement comme joueur, mais également comme personne. Avec sa
classe, il est effectivement un superbe ambassadeur. Mais la
génération actuelle ne se limite pas à Roger Federer. Le tennis
masculin vit une période exceptionnelle avec les Nadal, une autre
personne magnifique, Del Potro, Djokovic ou Murray. Nous avons une
dizaine de joueurs qui peuvent tous se battre parmi, c'est
absolument grandiose.



tsrsport.ch:

- La Suisse est à la fête avec
Federer. Par contre, l'Italie, votre pays, a beaucoup plus de
mal..
.



FRANCESCO RICCI-BITTI:

Ce n'est effectivement pas
une bonne période au niveau de la qualité, même si ce n'est pas
trop mal au niveau de la quantité. Nous avons 5-6 bons joueurs chez
les hommes et les femmes, mais voilà, en tennis, il vaut mieux en
avoir un dans le top-10 que 4 ou 5 parmi les cent meilleurs... Nous
avons heureusement Flavia Pennetta, qui est 10e joueuse
mondiale.

"Clijsters a profité d'un tournoi bizarre"

tsrsport.ch: - Le tennis féminin est lui
davantage sujet à discussions. Aucune véritable no1 et maintenant
Kim Clijsters qui gagne l'US Open quelques semaines après son
retour de retraite. N'est-ce pas un peu "bizarre"?




FRANCESCO RICCI-BITTI: Le Circuit féminin n'est
en ce moment pas aussi passionnant que le Circuit masculin, c'est
certain, mais notamment à cause des nombreuses Russes qui ne sont
pas au top actuellement. Pour ce qui est de Clijsters, je comprends
que ça puisse paraître bizarre. Mais à l'US Open, il faut aussi
admettre que le tournoi était un peu étrange avec beaucoup des
meilleures qui ont été éliminées très tôt. Venus Williams n'a elle
pas eu un bon été et les Russes n'étaient pas au mieux de leur
forme.



Kim est assurément une grande joueuse, mais il faut donc admettre
qu'elle a eu un peu de chance dans la manière dont le tournoi s'est
déroulé. L'opposition n'était pas aussi forte qu'elle aurait pu
l'être. Pour évaluer véritablement le retour de Clijsters, il faut
donc attendre encore un peu, peut-être jusqu'à l'Open
d'Australie.



tsrsport.ch: - Le tennis féminin manque quand
même cruellement de véritable "reine", non?




FRANCESCO RICCI-BITTI: Ce débat est éternel. Mais
n'oublions quand même pas Venus et Serena Williams, qui ont quand
même remporté un grand nombre de tournois du Grand Chelem. Les
Russes vont revenir, j'en suis persuadé. Et même Sharapova, qui
retrouve gentiment son meilleur niveau.

"Les Williams sont quand même là depuis longtemps"

tsrsport.ch:

- De l'extérieur, on a quand même
un peu l'impression que Venus et Serena pourraient tout gagner et
dominer largement si elles en avaient vraiment encore
l'envie..
.



FRANCESCO RICCI-BITTI:

Elles ont démontré à l'US
Open que ce n'est pas vrai. Ou du moins pas totalement! Mais il
faut relever aussi qu'elles sont là depuis longtemps et n'ont plus
forcément la même envie. Mais d'autres joueuses vont venir, comme
Azarenka ou Wozniacki. Elles ne sont juste pas encore assez
régulières pour le moment.



tsrsport.ch:

- Et là, c'est Justine Henin qui
revient, avec l'intention de retrouver le top niveau. N'est-ce pas
trop facile de revenir tout devant chez les filles
?



FRANCESCO RICCI-BITTI:

Justine est une grande
joueuse, avec beaucoup de classe. Je suis certain qu'elle sera en
mesure de jouer à nouveaux les premiers rôles. Peut-être que c'est
facile de revenir tout devant chez les filles, mais uniquement pour
les joueuses qui ont de la qualité, pas pour les autres! Il faut
aussi dire que la concurrence est moins forte que chez les
hommes...



Henin et Clijsters étaient au top et si elles sont maintenant
mentalement prêtes à y retourner, pourquoi pas. Ce ne serait pas
une surprise pour moi. D'autant que physiquement elles sont encore
jeunes toutes les deux.

"A l'ITF, les cas positifs sont annoncés!"

tsrsport.ch: - Reste que voilà, d'aucuns
s'interrogent. Henin annonce son retour pour janvier, un tout petit
peu moins de 2 ans après son départ surprise à la retraite, alors
qu'elle était no1 WTA. Au sein de la Fédération internationale, le
terme "dopage" est très peu utilisé, et les cas extrêmement
rares...




FRANCESCO RICCI-BITTI: Jusqu'à nouvel avis,
celles qui ont été suspendues sont celles qui ont été déclarées
positives, ce qui n'est pas le cas là! Le programme antidopage du
tennis est considéré comme l'un des plus sérieux, et nous en sommes
très fiers. Chez nous, tous les cas positifs sont annoncés. Ce que
les gens pensent ne m'intéresse donc pas, je préfère entendre des
gens compétents dire que notre programme est sérieux.



Propos recueillis par Daniel Burkhalter

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"L'ITF est le gouvernement du tennis"

tsrsport.ch: - On parle toujours de l'ATP (circuit masculin) ou de la WTA (circuit féminin) en tennis, mais jamais de l'ITF, la Fédération internationale. Quelles sont les principales différences?

FRANCESCO RICCI-BITTI: L'ATP et la WTA sont des organisations commerciales qui gèrent une grande partie des tournois tout au long de l'année. L'ITF est en revanche l'institution du tennis, en quelque sorte son gouvernement. Notre activité commence tout en bas de l'échelle, avec le développement et les juniors et va jusqu'au sommet, avec la gestion des tournois du Grand Chelem, de la Coupe Davis et de la FedCup, et du tournoi olympique. Et ce sont bien ces événements-là qui sont les plus importants du calendrier de la saison!

"Notre mission: gouverner et servir"

tsrsport.ch: - Concrètement, quelle est la mission de la Fédération internationale?

FRANCESCO RICCI-BITTI: Elle se divise en trois points: 1. gestion de l'intégrité du sport (règles, dopage, etc.). 2. développement dans les pays qui en ont besoin. D'ailleurs, des joueurs comme le Brésilien Gustavo Kuerten, le Chypriote Marcos Baghdatis, l'Indien Leander Paes ou la Bélarusse Victoria Azarenka sortent tous de nos programmes de développement. 3. organisation en tant que propriétaire des Coupe Davis et FedCup.

En résumé, notre mission est de gouverner et de servir nos 205 pays-membres. Cela va de l'USTA (USA), qui est même plus grande que nous, à la toute petite Fédération du Congo. L'ATP et la WTA ne gèrent eux que 35-40 nationalités différentes... Nos missions ne sont d'ailleurs pas les mêmes, puisque l'ATP et la WTA contrôlent une marque. Leur but est d'optimiser les profits. Mais au final, si tout ceci n'était qu'une pyramide, le sommet serait quand même constitué des tournois du Grand Chelem... Mais en général, nos relations avec l'ATP et la WTA sont assez bonnes.

Francesco Ricci-Bitti express

Première chose faite le matin: je lis d'abord les journaux, et je déjeune.

Plat préféré: à force de voyager partout, de participer à toutes sortes de dîners officiels, je me réjouis à chaque fois de manger quelque chose de très simple. Mais même si je suis italien, je ne suis pas forcément un grand fan des pâtes!

Boisson favorite: le vin blanc et l'eau minérale. Mais pas trop de vin (rires)!

Lieu de vacances préféré: la maison familiale, dans la campagne de Bologne. Pour mon travail, j'habite à Londres, mais quand je veux me reposer vraiment, je vais dans mon appartement à Rome.

Plus grande qualité: je passe peu de temps sur chaque problème. Ca vient de mon expérience dans le business.

Pire défaut: trop impatient. Mais avec une position comme la mienne, de même qu'avec mon appartenance au CIO, j'ai dû apprendre à gérer ça.

Le tennis, c'est: une grande partie de ma vie. J'ai été joueur et maintenant je suis dirigeant et grand fan.

Meilleur souvenir: l'atmosphère régnant généralement en Coupe Davis. Le fait qu'un sport individuel devienne sport d'équipe, c'est unique. Nulle part on retrouve pareils suspense et émotion.

Pire souvenir: à chaque fois que je dois gérer l'interférence de la politique dans le sport. Je ne suis pas d'accord de dire que le sport n'a rien à voir avec la politique car en fait chaque activité a quelque chose à voir avec la politique! Mais je me battrai toute ma vie contre les politiques qui veulent utiliser le sport comme instrument politique.

Un rêve: que les problèmes de calendrier se résolvent, qu'il soit harmonieux pour tout le monde... Sinon je rêve de poursuivre le développement du tennis en Asie puis en Afrique et en Amérique du Sud, question organisation.

Votre salaire: jamais assez élevé, comparé au marché! Nous sommes des bénévoles qui recevons des compensations.

Francesco Ricci-Bitti en bref

Né le: 15 janvier 1942 en Italie
Etat civil: célibaire, une fille

Etudes: doctorat en génie électronique (Université de Bologne); MBA

Carrière sportive: membre de l'équipe juniors italienne de tennis (1960), vainqueur des Championnats universitaires italiens (1962, 1964, 1965), a fait partie du Circuit international de 1964 à 1971, vainqueur des Championnats italiens par équipes en 1970-1971

Carrière sportive administrative (notamment): délégué technique pour le tennis aux JO de Los Angeles (1984), membre du conseil d'administration de l'ITF (1987-1997), président de Tennis Europe (1993-1999), représentant de l'ITF aux JO de Barcelone (1992), président de la Fédération italienne de tennis (1997-1999), médiateur auprès du Tribunal arbitral du sport (1999-?), membre du conseil de fondation de l'Agence mondiale antidopage (AMA, 2003-?), membre du comité exécutif de l'AMA (2008-?)

Source: Comité international olympique