Dès lundi, plusieurs stars mondiales et les meilleurs Helvètes se retrouveront à Bâle pour les Swiss Indoors. Ce grand rendez-vous du tennis en Suisse est l'occasion de se pencher sur la situation de ce sport dans notre pays. Force est de constater que derrière Federer et Wawrinka, la nouvelle génération ne pointe pas.
Des talents comme Roman Valent et Robin Roschardt ont renoncé. Et Dimitri Bretting a été stoppé dans sa progression par une blessure. A quelques heures des premiers échanges, Alessandro Greco, directeur sport d’élite chez Swiss Tennis, constate ce manque tout en essayant de trouver de nouvelles solutions. Interview.
Trois des quatre meilleurs à Bâle
tsrsport.ch: Le tournoi de Bâle débute lundi. Est-ce important pour le tennis suisse d'avoir de telles manifestations?
ALESSANDRO GRECO: Oui, bien sûr. C'est important de pouvoir voir évoluer des joueurs de tout premier plan dans notre pays. C'est une motivation aussi pour nos joueurs. Pour le tennis suisse, ce serait encore mieux s'il y en avait davantage... Avec Bâle, nous n'avons pas de relations particulières, contrairement à Gstaad (ndlr : tournoi qui se déroule en été sur terre battue) où nous détenons 50% des parts. Nous nous retrouvons toutefois avec les organisateurs rhénans, notamment concernant les "wild cards". Celles-ci seront distribuées en fonctions des classements des joueurs.
tsrsport.ch: A Bâle, trois des quatre meilleurs joueurs mondiaux, Djokovic, Murray et Federer, seront en lice. Quelles sont leurs forces?
ALESSANDRO GRECO:
Ce qui est incroyable chez eux, c'est la constance... Ils ne perdent pratiquement jamais au 1er tour. Agassi, il y a quelques années, jouait aussi très bien, mais il était plus souvent éliminé rapidement. C'est cela qui a vraiment changé avec cette génération. En outre, les meilleurs mondiaux actuels ont une vitesse de plus que les autres. Pour le tennis, c'est une époque incroyable. Et ces stars ne cessent de progresser. Au tennis, c’est un fait : même si tu es no1, tu dois toujours t'améliorer.
tsrsport.ch: Alors, qu'est-ce qui fait la différence entre Djokovic, Murray et Federer actuellement?
ALESANDRO GRECO: Djokovic est actuellement très fort physiquement. Et puis, il a gagné quelques matches importants qui lui ont donné une énorme confiance. Il est aussi très fort mentalement. Murray a besoin de remporter quelques grands matches. C’est parfois une question de chance. S'il gagne un Grand Chelem, il aura encore davantage confiance en lui et sera ainsi beaucoup plus fort. Il pourrait alors viser le sommet. Il a le talent nécessaire. Quant à Federer, avec toutes les qualités qu’on lui connaît , il peut redevenir no1. Mais c'est vrai aussi que l'élite s'est agrandie. Ils étaient deux il y a un an, maintenant, ils sont 4...
tsrsport.ch: Côté suisse, Stan Wawrinka sera aussi en lice. Que peut-on attendre de sa part?
ALESSANDRO GRECO: Wawrinka a un superbe jeu. Il est très fort. Avec ses capacités, il peut très bien réussir. S'il joue bien, il peut battre tout le monde. Mais parfois, il manque de constance.
Qui derrière Roger et Stan?
tsrsport.ch:
Derrière ces joueurs, peu de nouveaux noms apparaissent... Il n'y a pas eu d'effet Federer suite aux succès du Bâlois?
ALESSANDRO GRECO: En Suisse, depuis le premier succès de Federer à Wimbledon en 2003, Swiss Tennis on a enregistré 3'500 nouveaux licenciés. Avec les succès du champion bâlois on a bien stoppé la descente dans les chiffres de licenciés dans les années 1998 - 2004.
tsrsport.ch: Malgré tout, il semble bien que le tennis suisse vivra des prochaines années difficiles...
ALESSANDRO GRECO: Nous savons bien que ces derniers années nous étions gâtés. Nous avons ces derniers mois élargi l'offre des académies partenaires. Au centre, il y maintenant 25 jeunes et dorénavant, Chiudinelli, Bohli ou Sadecki, les meilleurs Suisses derrière Federer et Wawrinka, s'entraînent à Bienne. Ils apportent le haut niveau et sont de "petites" idoles pour les jeunes joueurs, ce qui est aussi positif. Mais il faut être réaliste : on n’aura certainement plus jamais un nouveau Federer...
tsrsport.ch: Ces 30 dernières années, la Suisse a toujours compté un joueur dans le top-50...
ALESSANDRO GRECO: Il y a 5 ou 10 ans, on était moins bien organisé, on avait moins de tout et pourtant on avait de bons joueurs. Mais la mentalité a aussi changé. Maintenant les jeunes ont beaucoup de choses à côté du tennis. Ce n'est pas le cas par exemple en Russie où le tennis est parfois la seule possibilité de réussir. En Suisse, on mise aussi beaucoup sur l'école. Aux USA, malgré la taille du pays et les excellentes structures, le constat est le même que chez nous. Et puis, il faut admettre que le nombre de nations présentes dans le tennis a augmenté ces dernières années.
Mission compliquée
tsrsport.ch:
Vous êtes entré en fonction en janvier, vous avez donc un sacré défi qui vous attend...
ALESSANDRO GRECO: Oui c'est vrai. Il y a beaucoup de travail à faire. Nous tenons à rencontrer chaque joueur et voir ce dont il a besoin. Dès 2012, l’ancien joueur suisse de Coupe Davis Yves Allegro, qui vient de commencer chez Swiss Tennis comme chef des juniors U14, sera également chargé de suivre les académies partenaires afin de mieux soutenir tous les joueurs.
tsrsport.ch: On dit parfois que la différence entre les 10 meilleurs joueurs et les 90 suivants est dans la tête...
ALESSANDRO GRECO: Oui c'est vrai. Nous travaillons aussi dans ce sens actuellement. Depuis le début de l'année, nous avons engagé un psychologue à 20%.
tsrsport.ch: Roger Federer et Martina Hingis ont été repérés très jeunes. Les talents sont-ils souvent décelables très rapidement?
ALESSANDRO GRECO: Pour Federer, c'est surtout vers 16 ans qu'il a beaucoup progressé. Avant c'était un très bon joueur, mais comme d'autres… Et puis, il faut définir ce qu'est le talent. Il y a bien sûr les qualités naturelles, mais il y a aussi le talent de savoir bien travailler ou d'éviter les blessures en connaissant bien son corps. Les talents son multiples... Pour être Roger ou Stan, il faut un peu de tous ces talents-là.
Propos recueillis par Aline Gagnebin
Swiss Indoors Bâle - tableau
Novak Djokovic (Ser/1) - Xavier Malisse (Be)
Qualifié - Qualifié
Mikhail Youzhny (Rus) - Qualifié
Marcos Baghdatis (Chy) - Viktor Troicki (Ser/8)
Tomas Berdych (Tch/4) - Kei Nishikori (Jap)
Andreas Seppi (It) - Gilles Muller (Lux)
Jürgen Melzer (Aut) - Donald Young (EU)
Qualifié - Mardy Fish (EU/5)
Andy Roddick (EU/7) - Tommy Haas (All)
Santiago Giraldo (Col) - Radek Stepanek (Tch)
Thomaz Bellucci (Bré) - Jarkko Nieminen (Fin)
Potito Starace (It) - Roger Federer (S/3)
Janko Tipsarevic (Ser/6) - Florian Mayer (All)
Michael Llodra (Fr) - Ivan Ljubicic (Cro)
Ivan Dodig (Cro) - Stanislas Wawrinka (S)
Robin Haase (PB) - Andy Murray (GB/2)