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Bernhard Russi, ou une passion fidèle pour le ski

Bernhard Russi apprécie toujours rentrer chez lui, à Andermatt.
Bernhard Russi apprécie toujours rentrer chez lui, à Andermatt.
Mythique champion olympique de descente en 1972 à Sapporo, Bernhard Russi n'a jamais quitté le monde du ski, même s'il est en retraite "active" depuis 1978. L'Uranais, consultant pour SF, revient sur les JO et évoque sa passion.

Si on l'aperçoit souvent au coin d'une rue, vantant les mérites
d'un célèbre opticien ou encore d'une marque voiture (depuis
1979!), Bernhard Russi (62 ans) est davantage qu'une simple icône
marketing. L'Uranais est avant tout un skieur de légende, notamment
champion olympique et du monde en 1972 à Sapporo.



A la retraite "active" depuis 1978, après un nouveau titre mondial
en 1976, Russi, divorcé depuis peu de sa deuxième épouse Mari, n'en
reste pas moins très impliqué dans le monde du ski. En qualité
d'expert et d'architecte de pistes pour la Fédération
internationale (FIS), de consultant pour la TV alémanique SF ou
encore pour diverses marques liées au ski.



A peine rentré de Vancouver et juste avant les finales Coupe du
monde à Garmisch-Partenkirchen, Russi s'est confié en toute
franchise à tsrsport.ch. Il partage avec nous son oeil
d'expert.

La Suisse serait
capable d'organiser des JO. Mais politiquement, nous ne sommes pas
prêts

Bernhard Russi

tsrsport.ch:

- Vous rentrez tout juste de vos
11es Jeux olympiques d'hiver. Qu'en avez-vous pensé
?



BERNHARD RUSSI:

D'un côté il y a la grande joie
par rapport aux médailles que nous avons ramenées en ski, avec l'or
du skieur le plus rapide, Didier Défago, et l'or de la discipline
la plus technique, le géant, avec Carlo Janka. De l'autre côté,
j'ai l'impression que tout devient tellement grand qu'il est
difficile de tout digérer. L'enthousiasme a duré dix jours, le
temps de s'habituer aux cérémonies de remise des médailles.



tsrsport.ch:

- Des JO en Suisse, vous y
croyez
?



BERNHARD RUSSI:

Notre pays serait capable
d'organiser des Jeux d'hiver. On a tout ce qu'il faut pour le
faire, les montagnes, les pistes, etc. Mais politiquement, je ne
pense pas que nous soyons prêts à en organiser.



tsrsport.ch:

- Pour revenir au sujet
"Vancouver", qu'avez-vous pensé du sacre de Didier Défago? On
attendait plutôt Didier Cuche..
.



BERNHARD RUSSI:

Oui, mais l'important c'est avant
tout que le champion olympique de descente soit suisse! Et Défago,
ce n'est pas n'importe qui non plus. En gagnant Wengen et Kitzbühel
la saison passée, il avait démontré qu'il faisait partie des grands
favoris, certes un peu moins que Cuche, qui devait gagner. Mais la
victoire de "Déf", ce n'était en tout cas pas une grande surprise
pour moi.

"On n'est pas mal avec nos trois médailles"

tsrsport.ch:

-
Finalement, la Suisse ramène trois médailles "ski alpin". C'est
facile à dire, mais on aurait pu en ramener davantage,
non
?



BERNHARD RUSSI:

Avant les JO, je misais sur
quatre médailles en alpin. Mais à mon avis, nous avions neuf
chances toutes disciplines confondues. Et comme il faut en tout cas
trois chances pour en gagner une, on n'est pas mal avec nos trois
médailles. On a atteint ce que notre potentiel nous permettait
d'envisager avant les Jeux.



tsrsport.ch:

- Les filles, elles, rentrent
bredouilles..
.



BERNHARD RUSSI:

C'est en géant que Fabienne Suter
a été le plus près d'en faire une alors que c'est dans la
discipline où on l'attendait le moins! Pour être honnête, quand
j'ai vu la montagne et les conditions de neige, je savais que ce
serait très difficile pour nos filles. Seule Fabienne est au point
techniquement et pouvait rêver faire quelque chose.



tsrsport.ch:

- Est-ce à dire qu'il y a un
problème chez les filles. Le poste d'Hugues Ansermoz serait
menacé..
.



BERNHARD RUSSI:

Bon, c'est toujours comme ça
quand les médailles manquent. Toutefois, même si je suis rarement
avec les filles, je pense qu'Ansermoz travaille bien. Il faut aussi
dire que son équipe n'a pas eu beaucoup de chance cet hiver avec
beaucoup de filles blessées.

"La faute de Pärson, c'est comme griller un feu rouge"

tsrsport.ch:

- Mais
la piste de descente des dames a beaucoup fait discuter, et
certaines filles d'expérience comme Anja Pärson ont connu de
grosses chutes. La piste était-elle trop difficile
?



BERNHARD RUSSI: Non, car beaucoup de filles l'ont bien maîtrisé,
cette descente. Elles avaient la bonne technique! Je suis d'avis
qu'il faut donner la chance aux dames de skier parfois sur des
pistes un peu plus difficiles.



Concernant Pärson, elle a commis une faute absolument interdite!
C'était comme griller un feu rouge. Elle s'est laissée asseoir
avant le saut et s'est envolée. Mais seule une athlète comme elle
pouvait s'en tirer aussi bien! Et sa médaille peu après en combiné,
ça démontre son incroyable force mentale.

Chez les filles, la
formation technique manque quand les pistes deviennent plus
difficiles

Bernhard Russi

tsrsport.ch:

- A part ça, on dira tout de même
que la saison "alpine" des Suisses est fantastique
!



BERNHARD RUSSI:

Oui, autant chez les garçons que
les filles. Entre les Cuche, Défago ou Janka et les jeunes Viletta
ou Küng, le mélange est très bon. Ce qui fait aussi que je ne suis
pas inquiet du tout pour l'avenir, car des jeunes viennent. Mais
pour avoir du succès, il faudra toujours avoir des gars comme
Cuche, qui servent de locomotives. Un rôle que Swiss-Ski ne peut
pas tenir.



Chez les filles, la formation technique n'est malheureusement pas
là quand les pistes deviennent plus difficiles. A l'avenir, il
faudrait pousser fort sur le géant, qui est la base de toutes les
disciplines.

"L'Autriche sera toujours l'équipe à battre"

tsrsport.ch:

- L'Autriche, devant en Coupe du
monde, a raté ses JO. Inquiétant? On a dit que la relève fait
défaut..
.



BERNHARD RUSSI:

Les filles ont fait quelques
médailles, mais l'équipe d'Autriche n'a pas eu de chance en
général, avec quelques bonnes 4e ou 5e places. Et même si je pense
qu'elle n'a plus la même profondeur qu'avant, ça restera toujours
l'équipe à battre.



Il est vrai qu'on semble inquiet en vitesse, où Michael Walchhofer
va bientôt finir par prendre sa retraite. Mais à la vitesse, on
peut aussi y venir par la technique! On aura de toute façon
toujours plus de virages et de contrôles de vitesse à réaliser.
Chez nous, on avait aussi dit il y a quelques temps "on a les
Didier et Ambrosi Hoffmann, puis plus rien". Et Carlo Janka est
arrivé, par une autre voie.



Propos recueillis par Daniel Burkhalter

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"Et si on ressortait les skis de Pirmin Zurbriggen?"

tsrsport.ch: - Vous avez été champion olympique de descente en 1972. Depuis là, le ski a énormément évolué, et ce sur tous les plans. Comment vous la voyez, cette évolution?

BERNHARD RUSSI: Au niveau du physique des athlètes, du matériel et des pistes, tout a beaucoup changé. Mais des évolutions que j'ai vues se faire à petits pas. Pour ce qui est des émotions, je vous rassure, ce sont les mêmes qu'il y a 30 ans!

tsrsport.ch: - Mais n'est-on tout de même pas allé trop loin, notamment au niveau du matériel?

BERNHARD RUSSI: Le grand danger, c'est la perfection. Aujourd'hui, si une piste n'est pas préparée à 100%, on a des problèmes. Si la sécurité est trop grande, les athlètes en oublient leurs responsabilités... Aujourd'hui, on doit juste se demander dans quelle direction on veut aller avec notre matériel. Nos skis sont devenus très difficiles à manoeuvrer et ne pardonnent aucune faute. Une erreur et c'est la blessure grave! Les parents vont davantage s'interroger au moment de lancer leurs enfants.

Tracer différemment ne suffit pas non plus, il faut que tous les acteurs réfléchissent ensemble. Et pourquoi ne ressortirait-on pas les skis de Pirmin Zurbriggen? Je ne parle pas de la construction du ski, mais de sa forme et de la hauteur de la fixation. Des Cuche ou Janka auraient besoin de seulement 2-3 semaines pour s'habituer à ce changement. Ce n'est pas juste une idée, c'est un rêve, un espoir...

tsrsport.ch: - Ce qu'on sait un peu moins, c'est que Bernhard Russi est aussi réputé comme architecte de pistes. Vous avez imaginé quasi toutes les pistes olympiques depuis 1988, Whistler excepté, et êtes encore à l'oeuvre pour Sotchi en 2014...

BERNHARD RUSSI: Ca m'apporte beaucoup de satisfaction. C'est une façon d'imaginer ce que les coureurs veulent. En plus, tu es dehors, dans la nature. Pour imaginer une piste, j'essaie de comprendre le caractère de la montagne. Il faut trouver le passage spécial, comme la "Tête de chien" au Lauberhorn, ou la "Mausefalle" à Kitzbühel.

Pour ce qui est de Sotchi, c'est quasiment fini. Il reste encore un été à travailler. En fait, on m'avait demandé bien avant qu'ils obtiennent les Jeux. Les Russes voulaient une nouvelle station de ski, j'ai donné mon avis et tout s'est enchaîné. Mais si là on m'a donné une montagne "vierge", ce n'est pas toujours le cas. A St-Moritz, les pistes existaient déjà, il fallait juste imaginer un tracé. On m'a proposé des projets en Corée du Sud, aux Etats-Unis ou encore en Norvège. Je ne peux évidemment pas tout faire. Si j'ai un grand projet à la fois, ça me va très bien et me suffit.

Bernhard Russi express

Plat préféré: un bon risotto. C'est d'ailleurs la seule chose que je sais cuisiner moi-même!

Boisson préférée: après une belle journée de varappe, j'apprécie de redescendre et aller boire la bière que j'ai au préalable posé dans la rivière...

Lieu de vacances favori: comme je suis en déplacement et à l'hôtel les 2/3 de l'année, c'est chez moi, à Andermatt.

Film préféré: "Zorba le Grec", que j'ai déjà vu cinq fois et que je reverrais encore.

Programme TV favori: le sport en général. Mais généralement, je pédale devant ma TV les 90' que dure un match. Je pédale même à la mi-temps!

Meilleur souvenir: en tant qu'homme, la naissance des enfants est fantastique.

Pire souvenir: le décès de ma première femme, Michelle. C'était justement à Whistler, dans une avalanche...

Si pas dans le ski: à Andermatt, c'est la neige et le ski l'hiver, le foot en été. Je me serais bien vu footballeur ou athlète. Mais il a manqué un club... Le club de ski, ça ça existait!

Hobby favori: la varappe, l'escalade. Je sais déjà comment mon corps réagit à 6000m, je veux maintenant essayer d'aller à 7000m. Mais l'Everest avec de l'oxygène, ça ne m'intéresse pas.

Le dopage: théoriquement, c'est possible en ski. Mais jusqu'à ce qu'on me prouve le contraire, je ne veux pas y croire. Toutefois, il ne faut pas être aveugle non plus. A mon avis, le ski est davantage un art qu'un travail, et le dopage n'est pas utile aux artistes.

Le ski, finalement, c'est: ma vie!

Personne la plus connue du répertoire de votre portable: Une personne que tout le monde connaît? Alors Roger Federer!

Salaire: assez pour ne pas en manquer.