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L'immense Werner Günthör est l'invité du lundi

A Macolin, Werner Günthör vit une reconversion heureuse
A Macolin, Werner Günthör vit une reconversion heureuse
A une semaine des Mondiaux d'Osaka, Werner Günthör, véritable légende vivante de l'athlétisme suisse, fait le point sur un sport dont il a écrit l'une des plus belles pages.

Avec trois titres de champion du monde, une médaille de bronze
aux JO de Séoul en 1988 et de nombreux autres accessits à son
palmarès, Werner Günthör a marqué de son empreinte de géant
l'histoire du sport suisse à la fin des années 80. Quinze ans après
avoir lancé son dernier boulet, le Thurgovien, qui a longtemps
habité à La Neuveville, patrie de son entraîneur Jean-Pierre Egger
et du marathonien Viktor Röthlin, s'épanouit professionnellement du
côté de Macolin, là même où il a forgé dans l'effort et
l'abnégation ses plus grands exploits.



Sur les dessus de Bienne, l'ex-tête brûlée vit une deuxième
carrière paisible. Professeur de sport diplômé, Werner Günthör
travaille à 50% dans le domaine de la formation à l'Office fédéral
du sport. L'autre moitié de son activité professionnelle consiste
en de la représentation pour ses sponsors. A une semaine du grand
rendez-vous mondial au Japon, le sympathique colosse nous reçoit à
Macolin pour évoquer sa carrière, sa reconversion et l'évolution de
l'athlétisme en Suisse ces dernières années.

"Grâce au sport, j'ai pu vivre de fabuleux moments"

TXT: Il y a tout juste 20 ans, vous
remportiez votre premier titre mondial à Rome. Quels souvenirs en
gardez-vous?




WERNER GÜNTHÖR: J'en garde bien sûr de beaux
souvenirs. C'était un moment inoubliable émotionnellement. C'était
aussi la première fois qu'un athlète suisse devenait champion du
monde. Et je n'oublierai jamais le public italien, qui m'a sifflé
puis applaudi. On se serait cru à un match de football!



Etes-vous fier d'être l'athlète suisse le plus titré de
l'histoire?




WERNER GÜNTHÖR: Comment dire... Oui, bien sûr que
je suis un peu fier en regardant mon parcours. Je pense avoir écrit
une petite partie de l'histoire du sport suisse. Grâce à
l'athlétisme, j'ai pu vivre des moments incroyables. Ce n'est que
par la suite que j'ai réalisé la chance que j'avais eue. Mais
maintenant, ce n'est plus si important. Je ne suis pas nostalgique.
Cette époque est derrière moi. J'en profite encore un peu de par ma
notoriété, qui m'a ouvert et m'ouvre encore certaines portes.



La reconversion, en 1993, a-t-elle été difficile?



WERNER GÜNTHÖR: Je compare toujours la
reconversion avec la retraite. Arrêter de travailler du jour au
lendemain sans se préparer à cela, c'est vraiment très difficile.
Pour moi, ça a été tout l'inverse. Après les JO de Barcelone, qui
ne se sont pas très bien passés (ndlr: 4e alors qu'il visait le
titre), j'ai dû être opéré d'une hernie discale et je savais que la
fin de carrière approchait. Après cela, j'ai encore eu la chance de
décrocher un 3e titre de champion du monde. C'est donc
naturellement que j'ai arrêté alors que j'étais au sommet. J'ai pu
ensuite directement enchaîner avec mes études de prof de
sport.



Sportif d'élite en Suisse, est-ce un métier
enviable?




WERNER GÜNTHÖR: Pratiquer l'athlétisme de haut
niveau demande un énorme investissement. Même si les structures se
mettent gentiment en place, c'est toujours difficile pour les
jeunes de combiner école et sport. La Suisse est un pays qui aime
le sport, mais qui n'est pas toujours prêt à se donner les moyens
de former des champions. Et contrairement au football, par exemple,
où il est possible de gagner de l'argent assez vite, en athlétisme,
seuls les tout meilleurs arrivent à vivre de leur sport. De quoi
naturellement refroidir certaines vocations.

"Je suis devenu plus calme et moins égoïste"

L'homme que vous êtes
a-t-il changé après la fin de sa carrière?



WERNER GÜNTHÖR: Avant, j'étais une tête brûlée,
je suis devenu beaucoup plus calme depuis que j'ai arrêté la
compétition. Un sportif de haut niveau
est également quelqu'un
d'égoïste. Je suis devenu plus empathique et je m'intéresse
davantage aux autres maintenant.



Les gens vous reconnaissent-ils encore dans la rue?



WERNER GÜNTHÖR: Oui, les personnes qui ont plus
de 25 ans se souviennent de moi. Hier encore, un jeune père de
famille m'a présenté à son fils.



Le nombre de licenciés a drastiquement diminué ces dernières
années en Suisse. Comment l'expliquez-vous?



WERNER GÜNTHÖR: D'une part, l'engouement pour les
grands événements a fortement diminué dans le public. Les
téléspectateurs suisses ne s'enthousias
ment plus autant pour les
Mondiaux. D'autre part, l'athlétisme est concurrencé par de
nombreux autres sports et activités. C'est plus facile pour un
jeune qui a des ambitions de se lancer dans le snowboard! Plus de
200 nations sont présentes dans les compétitions d'athlétisme. La
concurrence est donc extrêmement élevée.



Dans une société hédoniste, les jeunes ne sont-ils pas amenés
naturellement à se détourner d'un sport exigeant et très
contraignant?



WERNER GÜNTHÖR: C'est vrai que les jeunes ont
maintenant beaucoup de loisirs possibles, du "surf" sur internet,
en passant par le snowboard, les va
cances et le "cocooning". A
l'école, les sports ludiques sont également privilégiés au
détriment de l'athlétisme. Autre signe de déclin: les sociétés de
gymnastique comptent de moins en moins de membres. C'est dommage,
car beaucoup de bons athlètes sont issus de ces sociétés,
véritables nids à champions.



Les Mondiaux d'Osaka débutent dans une semaine. Mis à part
Viktor Röthlin, peu d'athlètes semblent avoir les moyens de
véritablement s'illustrer...



WERNER GÜNTHÖR: Comme je l'ai déjà mentionné, la
concurrence dans l'athlétisme mondial est vraiment très élevée.
Viktor Röthlin peut réussir une be
lle performance tout comme il
peut finir loin derrière les athlètes africains. Pour les autres
sélectionnés, les ambitions se situent ailleurs. Dans le contexte,
une meilleure performance personnelle peut ainsi presque être
comparée à un titre de champion du monde!



TXT/Samuel Jaberg

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Un palmarès de géant

Né le: 11 juillet 1961 à Uttwil (TG)

Jeux Olympiques: 5e à Los Angeles en 1984, médaille de bronze à Séoul en 1988, 4e à Barcelone en 1992.

Championnats du monde: titre en 1987 à Rome, en 1991 à Tokyo et en 1993 à Stuttgart.

Championnats d'Europe: titre en 1986 à Stuttgart.

Championnats du monde en salle: argent en 1987 à Indianapolis, titre en 1991 à Séville.

Championnats d'Europe en salle: titre en 1986 à Stuttgart.

Meilleurs lancers: record du monde en salle (22,26m) en 1987, 5e meilleure performance mondiale de tous les temps le 23 août 1988 à Berne (22,75m).

Günthör en quelques mots

La première chose que vous faites le matin: j'éteins mon réveil.

Votre meilleur souvenir: mon premier titre de champion d'Europe, en 1986 à Stuttgart.

Votre pire souvenir: les JO de Barcelone en 1992. J'ai été accusé de dopage, pris dans des embouteillages avant la finale, la pression était énorme, etc. Rien n'a fonctionné ce jour-là!

Pour vous l'athlétisme c'est: une grande aventure et beaucoup de passion.

Si vous n'aviez pas été lanceur de poids: mon rêve était de devenir prof de sport. Aujourd'hui, je le suis devenu!

Votre idole: Mikhaïl Gorbatchev, pour sa politique d'ouverture de l'URSS.

Votre devise: seul celui qui entreprend va de l'avant.

Le dopage: un gros problème pour le sport.

Votre salaire: assez pour vivre.



L'ATHLETISME ET LE DOPAGE

TXT: Certains affirment qu'il y a inégalité des chances entre les pays qui, comme la Suisse, investissent beaucoup dans la lutte antidopage, et les autres, beaucoup plus laxistes...
WERNER GÜNTHÖR: Le problème est ailleurs. Vous ne pouvez pas dire aux Kenyans d'investir 4 millions de francs dans la lutte antidopage. Ils ont d'autres problèmes plus urgents à régler! Avec cet argent, ils pourraient engager des centaines d'entraîneurs. A l'inverse, nous bénéficions de meilleures structures pour nous entraîner. Les inégalités économiques font que certains athlètes n'hésitent pas à tenter le tout pour le tout afin de se sortir d'une certaine pauvreté. L'équation n'est vraiment pas facile...

Mais les affaires de dopage refroidissent certaines vocations et laissent planer de gros doutes quant aux performances réelles des athlètes.
WERNER GÜNTHÖR: Je ne pense pas que les jeunes se détournent de l'athlétisme en raison des affaires de dopage, même si elles sont un mauvais exemple. Quant aux performances, je crois toujours que même sans dopage, les meilleures marques peuvent être dépassées ou titillées. Au lieu de 10 athlètes capables chaque année d'atteindre des performances record, ces dernières seraient l'apanage de 1 ou 2 personnes tous les 10 ans. Les résultats ressembleraient plus à une sorte de pyramide en pointe.