Timea Bacsinszky sur la pente ascendante

Elle est devenue il y a quelques jours la meilleure joueuse du
pays. A bientôt 21 ans - elle les fêtera le 8 juin -, Timea
Bacsinszky (WTA 44) est sur la pente ascendante depuis une année.
La Vaudoise, qui occupe son meilleur classement depuis le début de
sa carrière, a décroché son 1er titre sur le Circuit en octobre
dernier (Luxembourg).



Destinée à devenir joueuse professionnelle dès son plus jeune âge,
Timea Bacsinszky a traversé des épisodes pénibles au cours de son
adolescence, avec un père un peu trop envahissant. Aujourd'hui, la
no1 suisse a trouvé sa voie et la joie de vivre.

"Je respecte énormément Patty"

tsrsport.ch: - Vous êtes la no1 helvétique
depuis une semaine. Ca fait quoi?



TIMEA BACSINSZKY: Ca me fait plaisir bien sûr,
mais ce n'est pas une fin en soi. Mon but est quand même de
progresser dans la hiérarchie. Je suis encore très loin du palmarès
de Patty Schnyder.



tsrsport.ch: - Justement, Patty vous a-t-elle
envoyé un sms de félicitation?



TIMEA BACSINSZKY: Non, mais on en a parlé il y a
dix jours lors du tournoi à Rome, et Patty savait que j'allais
passer devant elle. On a juste rigolé un peu et c'est tout. C'est
juste un classement, rien de plus.



tsrsport.ch: - Quel lien avez-vous avec
Patty?



TIMEA BACSINSZKY: Je m'entends très bien avec
elle. C'est une personne que je respecte énormément, déjà par
rapport à son parcours mais également pour sa façon de penser. Elle
vit sa vie et n'a de compte à rendre à personne. Il suffit de
discuter avec elle pour voir qu'elle est heureuse. Après, c'est
clair qu'on ne s'écrit pas des sms tous les jours. C'est un peu
normal, on n'est pas de la même génération.

"Je préfère l'esprit masculin"

tsrsport.ch: - Sur le Circuit, on entend
souvent dire qu'il y a beaucoup de rivalités entre les joueuses et
que c'est parfois assez tendu. Est-ce vraiment le cas?



TIMEA BACSINSZKY: Les rivalités existent entre
certaines joueuses. C'est aussi une question de personnalité. Je me
suis assez bien intégrée dans ce Circuit et, comme je vais passer
plusieurs années avec les mêmes personnes, pourquoi en vouloir à
quelqu'un après une défaite. Sur le court, on est adversaire mais
pour moi ça s'arrête là. Après, les femmes sont différentes des
hommes de ce côté-là.



C'est clair que je préfère l'esprit masculin. Sur le terrain, ils
sont peut-être agressifs l'un envers l'autre mais après la poignée
de main, ils vont boire leur bière ensemble et tout est oublié. Ce
n'est pas vraiment la même chose chez les femmes.



tsrsport.ch: - Quelles sont les joueuses avec
lesquelles vous vous entendez le mieux?



TIMEA BACSINSZKY: Je m'entraîne souvent avec
Tathiana Garbin, qui est ma partenaire de double. Je m'entends bien
aussi avec Agnes Szavay et les Françaises, comme Alizé Cornet.

"Serena veut que je lui apprenne à faire des amortis de
revers!"

tsrsport.ch:

- Après votre défaite contre
Serena Williams à Rome, il y a dix jours, vous avez longuement
conversé avec elle au filet. De quoi avez-vous parlé?

TIMEA BACSINSZKY:

(rires) Tout le monde me pose
cette question! Durant la partie, j'ai fait pas mal d'amortis en
retour de service. J'ai vu que ça l'a vraiment énervée et une fois,
elle a sorti un ace derrière. Elle m'a regardé avec son air de
tueuse. J'adore cet esprit-là et, du coup, ça m'a fait sourire. Au
filet, elle m'a dit que je devais lui apprendre à faire ces amortis
de revers! J'ai rigolé en lui disant que c'était sans doute la
seule chose que je pouvais lui apprendre et que le reste, c'était à
elle de me l'apprendre. Puis, elle a vu que j'avais un brillant sur
une dent. Elle a trouvé superjoli et elle a dit qu'elle pourrait
peut-être s'en faire un aussi.

tsrsport.ch:

- Durant ce match, vous avez pu
constater 1u'entre menacer la no1 WTA et la battre il y a encore un
fossé...

TIMEA BACSINSZKY:

C'est vrai qu'en même temps je
me dis que je suis tout près d'elle, et aussi très loin! Ca se joue
sur ces fameux points importants que les meilleures joueuses
négocient parfaitement. Il ne faut pas être tendu et faire le
mauvais choix, mais ce n'est pas toujours évident. J'admire Serena,
c'est vraiment une championne et pour moi, elle reste largement
au-dessus du lot.

tsrsport.ch:

- Sur quoi devez-vous mettre
l'accent pour progresser encore?

TIMEA BACSINSZKY:

Il y a déjà la condition
physique. Et, justement, mieux gérer ces points importants. A
l'entraînement, je me mets en condition pour jouer ce type de
points. Quand je mène au score, je dois apprendre à ne pas laisser
filer 1-2 points qui semblent insignifiants mais qui en fait
redonnent de l'espoir à l'adversaire.

"Un peu anxieuse à l'idée d'aborder Roland-Garros"

tsrsport.ch: - Un mot sur Erfan Djahangiri,
votre entraîneur. Quelle est son importance dans votre
carrière?



TIMEA BACSINSZKY: Je lui dois énormément, tout
simplement. Il m'a beaucoup aidée dès le départ à mes 15 ans, à une
époque où je ne vivais pas une période très facile. Comme chacun
sait, j'ai eu des problèmes privés. Il m'a appris non seulement
beaucoup sur le tennis mais aussi à prendre du plaisir dans ce que
je faisais. Sans Erfan, je ne serais pas là où je suis
aujourd'hui.



tsrsport.ch: - Quels sont vos objectifs
2010?



TIMEA BACSINSZKY: J'ai beaucoup de points à
défendre cet été donc il est important de stabiliser mon
classement. Mon but est de me rapprocher le plus possible de la 30e
place mondiale.



tsrsport.ch: - Si le tirage ne vous est pas
trop défavorable, vous pouvez rêver d'un beau parcours à
Roland-Garros?



TIMEA BACSINSZKY: J'en rêve évidemment. Je dois
avouer que je suis un peu anxieuse à l'idée de jouer à
Roland-Garros après le piètre Open d'Australie en début d'année
(ndlr: défaite au 1er tour contre Yvonne Meusburger, 114e mondiale
à l'époque). C'est la première fois que je passais totalement à
côté d'un tournoi du Grand Chelem. J'ignore comment je serai avant
d'aborder mon 1er tour à Paris. Comme je n'ai jamais dépassé le 2e
tour, j'aimerais bien y parvenir cette année.

"En 5 ans, j'ai beaucoup évolué"

tsrsport.ch:

- En octobre dernier, vous avez
remporté votre 1er titre sur le Circuit. Parfois, certains sportifs
ont du mal à digérer une première grande victoire. Qu'en est-il
pour vous?

TIMEA BACSINSZKY:

Après l'Australie, je n'ai pas
bien joué à Paris, ni à Dubaï et Indian Wells. Je me disais que je
n'avais pas mérité ce titre. Je me posais plein de questions. J'ai
essayé de relativiser et de ne pas regarder le passé, mais d'aller
de l'avant. Je dois penser au prochain tournoi et si possible le
gagner.

tsrsport.ch:

- Tout n'a pas toujours été rose
dans votre vie, vous l'avez dit. Etes-vous heureuse
aujourd'hui?

TIMEA BACSINSZKY:

Oui, vraiment. En 5 ans, j'ai
quand même beaucoup évolué. J'ai lu récemment une interview de Gaël
Monfils, qui m'a énormément plu. On n'a qu'une seule vie et on est
quand même des êtres humains. Je suis consciente que j'ai encore
des choses à améliorer en mais en même temps, comme Gaël l'a dit,
il est un joueur professionnel à sa manière, même si ça déplaît
parfois à l'entourage.



Dans ma vie privée, je suis aussi comblée et dans le fond c'est ce
qui est important. Quand je perds un match, les gens me demandent
ce qui s'est passé et on oublie de demander comment va vraiment la
personne. Il y a des choses plus graves que de gagner ou perdre un
match de tennis...



Propos recueillis par Stéphane Altyzer