Ernesto Bertarelli, de retour sur l'eau à bord d'un class
america, est revenu, à Valence, sur l'année écoulée et sur ses
espoirs pour l'avenir.
A l'heure où le monde entier commence de pleurer les dommages
collatéraux de la crise financière, Ernesto Bertarelli défend avec
conviction son nouveau projet: une Cup en 2010 avec un maximum de
concurrents et des coûts limités. Une vision de la compétition qui
semble avoir, pour le moment, convaincu les divers challengers de
l'aiguière d'argent. Sauf, bien entendu, Oracle.
SPORTINFORMATION: Quel est actuellement votre
sentiment ? ERNESTO BERTARELLI: Nous avons
une vision plus claire. Il existe un intérêt pour le programme que
nous proposons.
Incertitude judiciaire
- Pouvez-vous détailler ce programme ?
ERNESTO BERTARELLI: Ce sera une compétition en
2010, avec plusieurs challengers, qui visera à réduire les coûts.
C'est tout à fait faisable, même si l'incertitude judiciaire
empêche de lancer la construction des bateaux. Nous devons sortir
de tout cela et régater. Si nous attendons jusqu'en 2011, les
équipes auront trop de temps pour dépenser de l'argent. La feuille
de route est: planification et élaboration des plans des
embarcations la première moitié de 2009, construction la deuxième
moitié, tests et entraînements début 2010 puis compétition.
- Ne craignez-vous pas la concurrence avec la Coupe du monde
de football en 2010 ?
ERNESTO BERTARELLI:: Si l'on fait des pré-régates
en avril et mai, et que l'on arrête en juin, il n'y aura pas de
problème. Quand le Mondial arrive au stade des quarts de finale, il
y a moins de rencontres par jour. Nous pourrions disputer à ce
moment un round robin et passer au Match après la finale. De toutes
façons, je suis sûr que cette Coupe du monde peut apporter beaucoup
à la Cup, avec par exemple la pose d'écrans géants dans le
port.
- N'avez-vous pas perdu le momentum issu de la victoire de
2007 ?
ERNESTO BERTARELLI:: L'enthousiasme de la Cup,
qui possède un magnétisme, existe toujours. Il faut simplement que
nous réduisions nos prétentions dans le prochain Protocole.
"On ne jette pas d'huile dans une chaudière"
- La stratégie d'Oracle est ce
qu'elle est. Du côté d'Alinghi, quelles ont été les erreurs
commises ?
ERNESTO BERTARELLI:
: Il y en a eu deux grandes.
La première est que, dans notre bulle, nous n'avions pas pris
conscience de ce qui se passait autour de la Cup. Nous avions
commencé en 2001 comme des petits Suisses et nous sommes devenus,
en 2007, une organisation compétitive et avec des ressources. Nous
aurions dû faire un break, prendre des vacances de deux semaines
avant d'annoncer la suite du programme. On ne jette pas d'huile
dans une chaudière. Et le Protocole est toujours un sujet
dangereux. La deuxième erreur est une faute de communication.
Fatigués, nous avons posé le dossier sur la table, sans
explication, par arrogance. Ces erreurs ont été un terrain fertile
pour Oracle.
- Les plaintes d'Oracle étaient donc justifiées ?
ERNESTO BERTARELLI:
: Le problème est qu'Oracle a
été trop gourmand. Quand ils ont gagné en justice une première
fois, les Américains n'ont pas voulu nous laisser le temps de
construire un nouveau bateau. Ils voulaient une victoire par
forfait. Je ne comprends pas les raisons de cette obstination. De
demander que l'on revienne au Protocole de la 32e édition n'a aucun
sens, puisque tout le nouveau projet repose sur le fait que les
équipes n'auront qu'un seul bateau.
- Est-il réellement possible qu'Oracle retire sa plainte
?
ERNESTO BERTARELLI:
: Quand je rencontre Larry
Ellison, nous sommes d'accord. Mais dès qu'il parle à Tom Ehman ou
Russel Coutts (ndlr: son conseiller et son
barreur/skipper/directeur sportif), il revient en arrière. Je veux
le voir, où et quand il veut.
Réduction de budget
- Vous parlez de réduction des
coûts. De combien ?
ERNESTO BERTARELLI:: Je pense que cela
permettrait de diviser le budget par quatre. Entre 2003 et 2007, il
fallait entre 50 et 100 millions d'euros. Là, 20 millions devraient
suffire.
- Et quel serait le budget d'Alinghi ?
ERNESTO BERTARELLI:: Le budget du defender est
évidemment plus important, puisqu'il s'inscrit dans la continuité
et que celui qui détient le trophée doit être présent sur tous les
fronts. Dès le franchissement victorieux de la ligne d'arrivée,
nous savions déjà que nous étions engagés dans l'édition suivante,
contrairement aux challengers, qui ont pu prendre des pauses de
plusieurs mois. On paie en quelque sorte les conséquences de notre
succès.
- Vous ne donnez pas de chiffres ? Votre chef du design Grant
Simmer a parlé de 90 millions...
ERNESTO BERTARELLI:: Grant a dit ça..? Il faut
que j'aille lui tirer les oreilles, parce qu'il n'a pas le droit de
parler budget.
si. Propos recueillis par Julien Pralong.
Une histoire de gros sous
- En parlant gros sous, il est impossible de ne pas aborder le thème de la crise financière. La quête de sponsors va être bien compliquée...
ERNESTO BERTARELLI: Mais les sponsors et les villes comme Valence ont besoin de créer de l'activité économique durant un tel ralentissement. La Coupe de l'America crée des emplois, tant chez les sponsors que dans la ville qui l'accueille.
- Vous êtes administrateur de l'UBS, qui est également un des principaux sponsors d'Alinghi. Pensez-vous que le peuple suisse comprendrait qu'une partie des milliards prêtés par la Confédération serve au parrainage d'une équipe de voile ?
ERNESTO BERTARELLI: Il n'y a pour l'heure aucune décision de prise quant à la prochaine Cup. Pour l'instant, UBS figure toujours sur nos bateaux parce que nous ne voulons pas enlever le nom d'un sponsor qui nous soutient de longue date. Mais je ne suis qu'un administrateur, ce n'est pas ma décision. D'ailleurs, je quitte la pièce dès que le sujet Alinghi est abordé.
Syndicats russes intéressés
- Un mot sur la nouvelle jauge en préparation ?
ERNESTO BERTARELLI: L'actuelle a 25 ans. Je suis sûr qu'on peut, aujourd'hui, contruire de très bonnes raquettes en bois. Mais elles ne seraient ni en carbone, ni en composite. Nous devons changer de bateau pour qu'ils soient plus performants, plus spectaculaires. On peut par exemple gagner 5 à 6 tonnes dans le bulbe.
- On vous sent plein d'espoir...
ERNESTO BERTARELLI: Ce que nous proposons est unique. Avec la réduction des coût et le temps raccourci, les équipes qui n'ont jamais participé à la Cup ont une chance qu'ils n'ont jamais eue avant. C'est pour cela que des syndicats russes ou de Hong Kong sont intéressés.