Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Lors des
deux campagnes victorieuses d'Auckland et de Valence, le Team
Alinghi n'avait pratiquement jamais arboré le pavillon helvétique
les jours de victoire. Subitement, dès 2009, la croix blanche sur
fond rouge a fait son apparition dans la communication de l'équipe
du capitaine Bertarelli, comme pour réveiller le coeur du public
suisse, déçu et fatigué des interminables imbroglios judiciaires à
l'américaine. La magie du drapeau ou l'histoire d'une reconquête.
Fin 2008, l'encadrement du double vainqueur de l'Aiguière d'argent
commence à se poser des questions sur le soutien du public
helvétique. Désemparé face à la complexité des affaires, lassé des
coups bas et des décisions de juges, ce dernier avait clairement
tourné le dos à ses héros.
Swiss made
Comme en physique, une action entraîne une réaction. Voilà que
le blason national s'incruste sur le nouveau catamaran «Alinghi 5».
Pas en petit sous une pièce quelconque, mais à presque 50 mètres
dans le ciel, à la pointe du gigantesque mât. Et d'un. Une mention
«Swiss Made» a été dessinée sur l'intérieur d'une des coques, de
façon à rappeler aux Suisses que c'est avec le savoir-faire de
plusieurs centaines d'entreprises basées dans le pays, sans oublier
l'EPFL, que l'oiseau de carbone géant a pu voir le jour.
Contrairement aux sponsors ayant quitté le navire en raison de
l'incertitude provoquée par la crise économique et les
atermoiements judiciaires (UBS, Audemars-Piguet, Nespresso), les
PME concernées, elles, ont certainement apprécié la fidélité
affichée par Alinghi. Et de deux.
Le coup de maître
Les différentes manifestations organisées autour et sur le
Léman, une fois «Alinghi 5» construit, constituent toutefois le
coup de maître de l'équipe de communication du team rouge et blanc.
Le port du Bouveret s'est d'ailleurs transformé à toute vapeur en
un pôle d'attraction. Le bouquet final, plus que les héliportages,
restera sans doute la grand messe du 1er août. Une foule compacte à
Ouchy pour rencontrer les futurs gladiateurs des mers, une myriade
de bateaux sur les eaux du Léman, et une Conseillère fédérale pour
baptiser le vaisseau qui portera haut les couleurs du pays dans le
golfe Persique.
Tout était parfait. Et de trois, la barque est pleine, le coeur
des Suisses à nouveau conquis. Et si Alinghi remportait ce match en
février 2010, aurait-on cette fois la chance de voir le drapeau
suisse flotter aux côtés du pavillon de la Société Nautique de
Genève? Les efforts déployés pour que les Suisses s'identifient à
nouveau au projet mériteraient d'être ainsi couronnés. Et deux ans
et demi, entre Valence et Ras Al Khaimah, c'est suffisant pour
changer d'avis.
si/tai