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Alinghi Red Bull Racing se lance un défi hors norme à la mesure de ses ambitions

Alinghi Red Bull met tous les atouts de son côté pour arriver à bon port, à savoir soulever l'aiguière d'argent. [Jean-Christophe Bott]
Alinghi Red Bull met tous les atouts de son côté pour arriver à bon port, à savoir soulever l'aiguière d'argent. - [Jean-Christophe Bott]
Installé depuis maintenant un an à Barcelone, lieu où se déroulera en automne 2024 la 37e édition de la Coupe de l'America, Alinghi Red Bull Racing espère profiter de l'expérience acquise sur place pour tenter de détrôner le tenant du titre, Team New Zealand. RTSsport a rencontré en mai quelques membres du syndicat suisse pour prendre la mesure du défi.

A quelques centaines de mètres du plan d'eau où auront lieu les régates en octobre 2024, un monocoque à foils est mis à l'abri des regards dans un hangar du port de Barcelone, sous un soleil printanier. Première équipe à s'être installée dans la cité catalane, Alinghi Red Bull met tous les atouts de son côté pour arriver à bon port, à savoir soulever la prestigieuse aiguière d'argent.

Alinghi Red Bull Racing [Red Bull]
Voile: Alinghi Red Bull, un défi à la hauteur de ses ambitions. Notre reportage / RTS Sport / 6 min. / le 28 juin 2023

L'équipe qui représente la Société nautique de Genève n'avait pas pris part aux éditions 2013, 2017 et 2020 de la Coupe de l'America. Comment expliquer une si longue absence du syndicat suisse? Pour Pierre-Yves Jorand, co-directeur du défi suisse et responsable des opérations sportives, "les éléments qui ont déclenché notre retour sont principalement liés au type de bateau. Ces AC 75 sont époustouflants en termes de vitesse, de technologie, de challenge... Il y a un défi technique et humain. Et puis l'autre paramètre est que les règles du jeu nous semblaient bonnes pour revenir. On compare souvent l'America's Cup au Graal du sport ou à l'Everest de la voile. Et pour gravir l'Everest, il faut un bon bulletin météo. Pour nous, le bulletin météo, c'était justement ce règlement qui nous semblait bien pour revenir dans ce milieu".

"On ne compte pas les heures"

Marins, ingénieurs, l'équipe technique et logistique ainsi que la communication (près de 130 personnes provenant de 21 pays) travaillent d'arrache-pied pour combler ce retard. Le but: comprendre le fonctionnement des AC 75, ces monocoques équipés de 2 foils permettant au bateau de voler, afin d'être prêt à affronter une concurrence plus expérimentée. Avec ces mensurations XXL (22,90m de long, 5m de large, hauteur du mât: 26,50m!), ces bateaux hautement technologiques peuvent atteindre des pointes de vitesse de... 100 km/h.

A ce jour, Alinghi Red Bull Racing est la seule équipe européenne à avoir remporté le prestigieux trophée (2003 et 2007). "Quand Alinghi a gagné en 2003, cela a donné un bon coup de pouce à la voile en Suisse. Enormément de jeunes ont commencé à naviguer et certains sont avec nous dans l'équipe aujourd'hui", déclare le coach Nils Frei, qui faisait partie de l'équipage victorieux. "Nous espérons maintenant inspirer une nouvelle génération de jeunes marins."

Parmi eux, Nicolas Rolaz (23 ans), le cadet de l’équipe navigante. "C'est incroyable... Quand tu signes pour une telle aventure, on ne compte pas les heures. Ce n'est pas banal de faire ça à mon âge. Je le fais pour tous ceux qui rêveraient d’être à ma place. Les journées de 12 heures comprennent notamment navigation, meeting et séance de préparation physique", déclare le Vaudois de Gilly à l'enthousiasme débordant.

"On essaie de dompter ce bateau"

"On débarque certes avec une équipe sportive toute fraîche, toute neuve, mais elle est bourrée de talent. Quasiment aucun d’entre eux n'a participé à une America’s Cup", enchaîne Pierre-Yves Jorand. Aucun, à l'exception d'Yves Detrey (43 ans), qui a participé aux 3 campagnes d'Alinghi et à celle de Fast 2000 en 1999.

Le manque d'expérience pourrait donc à première vue jouer en défaveur du syndicat helvétique. "On est là pour prouver qu'une équipe jeune et soudée peut gagner, mais n'oublions pas que parmi nous il y a des architectes, des ingénieurs et des coaches dans les équipes ayant participé à la dernière Coupe de l’America", estime le barreur Arnaud Psarofaghis.

En 2003 à Auckland lors de la victoire d'Alinghi, les bateaux flottaient à la surface de l'eau pour atteindre 20km/h. Aujourd'hui, les AC 75 volent et peuvent pointer à... 100km/h! L'évolution est hallucinante. "C'est une autre dimension. On ressent cette puissance. Il faut apprendre à la maîtriser, indique Yves Detrey, membre de l'équipe "pilotage". Ca implique de devoir naviguer différemment. Les principales difficultés sont les phases de décollage et d'atterissage. Pour réussir des manoeuvres rapides et efficaces, on doit se parler, analyser et acquérir les bons réflexes".

"Faire comme en 2003 et 2007: gagner"

"Le bateau va très vite, il fait beaucoup de bruit, embraie Arnaud Psarofahis. Il faut se rendre compte qu'en vol le bateau repose sur 2 points. Autant dire que pour garder cet équilibre précaire du bateau et le pousser au maximum, les 8 personnes à bord (toutes suisses, comme le stipule le règlement de l'America's Cup 2024) jouent toutes un rôle très important. On essaie de dompter ce bateau et de le pousser à la limite, que l’on dépasse un peu parfois. La moindre petite erreur nous amène à une instabilité ou à un crash".

Le décor est planté. Il faudra trouver le bon rapport risque/bénéfice pour essayer de ramener l'aiguière d'argent en Suisse. Car Alinghi Red Bull Racing ne s'en cache pas: "Quand on a la chance d'avoir vécu les épopées Alinghi avec les victoires de 2003 et de 2007 et qu'on a rassemblé toute cette expérience autour de la gestion d'une campagne, le but c'est de refaire la même chose et de gagner", déclare le coach de l'équipe Nils Frei.

Pour l'ancien cycliste sur piste Théry Schir, qui prêtera ses jambes pour hisser les voiles et déployer les foils du syndicat suisse, "l'objectif sportif est gigantesque... je pense que nous avons les ressources et le courage d'essayer et de croire qu'on est capable de gagner une 3e fois... Je suis là pour ça".

Il n'y a plus qu'à...

En matière de victoires, Yves Detrey est bien placé pour en parler car il s'est imposé 2 fois avec le défi helvétique. Alors quand on lui demande quelle sera la clé pour atteindre cet objectif, la réponse... fuse: "Etre plus malin que les autres; dessiner un bateau rapide qui nous permet d’être plus intelligent sur les choix tactiques et sportifs le jour J". Pour amadouer ce monstre des mers, les navigateurs helvétiques s'entraînent actuellement à bord d'un AC 75 acheté au tenant du titre, Team New Zealand, en attendant le bateau de 2e génération, actuellement en construction à Ecublens (VD).

En tout cas, l'alliance du syndicat helvétique avec Red Bull montre que les moyens sont là. "C'est vrai que par leur expérience dans la Formule 1 notamment, on s'appuie au quotidien sur certains ingénieurs et certains départements, mais également sur leur centre de performances des athlètes basé en Autriche... Ils ont l'habitude de travailler sur la performance mentale, sur la physiologie, sur la nutrition. On a un partenaire de choix. Nous n'avons qu'une envie: ce n'est pas de participer, mais bel et bien de livrer une performance hors norme", conclut Pierre-Yves Jorand, co-directeur du défi suisse et responsable des opérations sportives. Il n'y a plus qu'à...

Barcelone, Miguel Bao

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Avec 3 rameurs et 1 cycliste

Huit navigateurs sont à bord des AC 75.

Quatre, faisant partie de la famille ''power group'', génèrent la puissance nécessaire pour permettre aux systèmes hydrauliques du bateau de manoeuvrer les voiles et les foils. Augustin Maillefer, Barnabé Delarze et Nico Stahlberg viennent de l'aviron alors que Théry Schir a mis fin à sa carrière de cycliste sur piste après les JO de Tokyo. Des vélos pourraient donc être installés dans le cockpit car l'énergie fournie à la force des jambes est sensiblement plus importante qu'à la force des bras.

Les 4 autres navigateurs appartiennent au groupe de pilotage. "C'est un peu comme conduire une F1 mais avec 4 personnes. Une s'occupe du volant, une de l'accélérateur, une du frein et une des vitesses", explique Pierre-Yves Jorand, co-directeur du défi suisse et responsable des opérations sportives

Driving group

Maxime Bachelin (24 ans)
Matias Bühler (39 ans)
Nicolas Charbonnier (40 ans)
Lucien Cujean (32 ans)
Yves Detrey (43 ans)
Bryan Mettraux (31 ans)
Arnaud Psarofaghis (33 ans)
Nicolas Rolaz (23 ans)

Power group

Arthur Cevey  (26 ans)
Barnabé Delarze (27 ans)
Augustin Maillefer (29 ans)
Théry Schir (29 ans)
Nils Theuninck (25 ans)
Florian Trüb (28 ans)
Nico Stahlberg (32 ans)

Nils Frei (Alinghi Red Bull Racing Team) [Miguel Bao]
Voile: "Faire en sorte d'avoir les meilleurs marins à bord le jour J pour remporter la Coupe de l'America" - Nils Frei (Alinghi RB) / RTS Sport / 11 min. / le 30 juin 2023

Le budget de cette opération reste confidentiel mais il est estimé entre 100 et 120 millions de francs.

Avec 6 équipes

La flotte de cette 37e édition de la Coupe de l'America est composée de 6 équipes:

Team New Zealand, tenant du titre

Alinghi Red Bull (SUI)
American Magic (USA)
Ineos Britannia (GBR)
Luna Rossa Prada (ITA)
Orient Express (FRA)

Dès le 31 août 2024

Les Challenger Selection Series en AC 75, qui vont déterminer le Challenger de l'America's Cup contre le Defender Team New Zealand, débuteront le 31 août 2024 et se termineront au plus tard le 6 octobre.

Suivra ensuite l'America's Cup entre le 12 et le 27 octobre. Le premier à remporter 7 matches (best of 13) sera sacré.

Aurore Kerr (Alinghi Red Bull Racing Team) [Miguel Bao]
Voile: "Pour l'édition 2024, l'espionnage est devenu officiel et encadré" - Aurore Kerr (Alinghi RB) / RTS Sport / 3 min. / le 30 juin 2023