Le spectacle promis par Larry Ellison, richissime fondateur du groupe informatique Oracle et propriétaire de l'équipe Oracle Team USA, détentrice de la Coupe depuis février 2010, s'annonçait grandiose: des catamarans AC72 ultra-rapides devaient s'affronter dans les eaux qui entourent l'ex-prison d'Alcatraz.
Un paysage exceptionnel pour des régates spectaculaires: c'était aussi, grâce à la venue des fans, la promesse d'un coup de fouet économique donné à la ville. Mais les promesses sont petit à petit tombées à l'eau.
Premier revers: seules trois équipes viendront défier celle d'Ellison, au lieu des 15 espérées au départ. Ces challengers sont les Suédois d'Artemis, les Italiens de Luna Rossa et les Néo-Zélandais d'Emirates Team New Zealand.
Des courses pour milliardaires
Les coûts exorbitants de ces catamarans de 22 m tout carbone ont fait de ces régates des courses de milliardaires. Ainsi, face à Ellison, figurent le milliardaire suédois Torbjörn Törnqvist, propriétaire de l'équipe Artemis, et l'Italien Patrizio Bertelli, cofondateur et dirigeant de la marque italienne de luxe Prada et propriétaire de Luna Rossa. Quatrième en lice, le Néo-Zélandais Grant Dalton, dont l'équipe est, comme son nom l'indique, sponsorisée par la compagnie aérienne des Emirats Arabes Unis, assise sur une fortune en pétrodollars.
Autre obstacle de taille, les AC72 sont des bolides très instables et un équipier britannique d'Artemis , Andrew Simpson, est mort noyé en mai lors d'un chavirage dans la baie de San Francisco.
Le premier catamaran d'Ellison a lui-même chaviré en octobre, avant d'être remorqué, en morceaux, par les gardes-côtes. C'est pourtant l'entrepreneur américain qui a imposé ce modèle de bateau pour la compétition, un privilège qu'il possède en tant que détenteur du trophée.
Equilibre entre dépenses et recettes
Les promesses économiques pour San Francisco ne sont pas non plus au rendez-vous. Si au départ l'événement promettait des retombées financières alléchantes, il devrait se solder par un simple équilibre entre les dépenses et les recettes engendrées, selon une étude récente.
"Certains commentateurs ne sont pas contents et estiment que nous devrions pouvoir tirer un profit", note Stephen Barclay, patron de l'organisation de la Coupe. Mais selon lui, le fait que la ville puisse au moins rentrer dans ses frais est la preuve d'une promesse tenue.
Selon l'Institut de conseil économique de la Baie, qui a revu ses prévisions à la baisse, la "Cup" ne devrait apporter que 900 millions de dollars (690 millions d'euros), avec plus de deux millions de visiteurs et 6500 emplois.
Une cérémonie d'ouverture aura lieu le 4 juillet dans un pavillon de quelque 9000 places où seront retransmises les régates sur grand écran, et où joueront aussi de grosses pointures comme Sting, Weezer ou encore San Francisco Symphony...
Les trois challengers seront départagés à partir du 7 juillet lors de la Coupe Louis-Vuitton. La Coupe de l'America à proprement parler aura lieu du 7 au 21 septembre.
afp/dbu
Des voiliers hyper rapides mais dangereux
Les AC72 avec lesquels vont régater les quatre équipes engagées dans la 34e Coupe de l'America sont des catamarans à aile rigide de 22 m, hyper rapides et ultra sophistiqués mais délicats à piloter et potentiellement dangereux.
Le 9 mai, Artemis, l'un des trois challengers d'Oracle Team USA, a perdu un équipier, le Britannique Andrew "Bart" Simpson, au cours d'une sortie d'entraînement. L'AC72 suédois a chaviré, s'est disloqué et Simpson, double médaillé olympique, est mort noyé, coincé sous la structure.
Longs de 22 m, larges de 14, pesant 6 tonnes à vide et propulsés par des ailes rigides de 40 m de haut et d'une superficie de 260 m2 (580 m2 avec le gennaker), ces monstres de technologie sont menés par des équipages de 11 personnes choisies parmi les meilleurs marins de la planète.
Hybrides d'avions et de voiliers, ils sont capables de voler au-dessus de l'eau à plus de 40 noeuds (75 km/h) une fois montés sur leurs foils (plans porteurs) en L majuscule. Les AC72 s'affranchissent de presque toute résistance hydrodynamique et ne touchent plus l'eau qu'avec leurs dérives et leurs safrans (gouvernails) en T inversé.
Conçus par certains des meilleurs architectes au monde, construits en carbone par des chantiers réputés, les AC72 peuvent filer à trois fois la vitesse du vent.
En octobre 2012, le premier AC72 du "defender" américain Oracle avait lui aussi chaviré à San Francisco, lors d'un entraînement. Pas de victime cette fois-là, mais le voilier avait été gravement endommagé.
Les derniers vainqueurs
2010 (Valence, ESP): BMW Oracle Racing (USA) bat Alinghi (SUI) 2-0. A l'issue d'un long bras de fer juridique, la 33e "Cup" est l'occasion d'un bref affrontement (2 régates) entre deux "monstres" surpuissants annonciateurs des AC72, le trimaran USA 17 ("Godzilla") d'Oracle et le catamaran d'Alinghi, tous deux longs d'une trentaine de mètres.
2007 (Valence, ESP): Alinghi (SUI) bat Team New Zealand 5-2. Cette course sera la dernière des Class America, beaux mais lents monocoques longs d'environ 25 m pour un déplacement de 24 tonnes (dont 19 tonnes de lest), un mât de 35 mètres et une surface vélique de 325 m2 au près et de 750 m2 au portant.
2003 (Auckland, NZL): Alinghi (SUI) bat Team New Zealand (NZL) 5-0. Les Suisses remportent leur première Coupe de l'America, humiliant les Kiwis dans leurs eaux.
2000 (Auckland, NZL): Team New Zealand (NZL) bat Prada (ITA) 5-0. Victoire nette et sans bavure des Néo-Zélandais sur les Italiens.
1995 (San Diego, USA): Black Magic (NZL) inflige une correction à Young America (USA), battu 5-0.
1992 (San Diego, USA): America3 (USA) bat nettement Il Moro di Venezia (ITA) 4-1.
1988 (San Diego, USA): le catamaran américain Stars and Stripes bat sans difficulté (2-0) le grand (36,5 m hors tout) monocoque néo-zélandais KZ1. Combat inégal, absurde, dont le résultat était écrit avant même le départ de la première régate. L'araignée d'eau américaine, longue de seulement 18 m mais légère et surtoilée, tourne autour de son adversaire néo-zélandais, confirmant la supériorité des multicoques sur les monocoques.
1987 (Fremantle, AUS): Stars and Stripes (USA) bat aisément Kookaburra 3 (AUS) 4-0.
1983 (Newport, USA): Australia II (AUS) bat Liberty (USA) 4-3. Victoire historique des Australiens sur les Américains, dans la Mecque du yachting mondial, grâce à un 12 MJI doté d'une quille à ailettes révolutionnaire et barré par John Bertrand. Les Australiens mettent fin à 132 ans de domination américaine!
1980 (Newport, USA): Freedom (USA) bat sans difficulté Australia (AUS) 4-1.
Les 4 protagonistes
Defender:
Oracle Team USA
Propriétaire: "Billion Dollar Larry", le milliardaire US Larry Ellison, dont la fortune était estimée à 41 milliards de dollars (31 milliards d'euros) en 2012 par le magazine Forbes.
Directeur exécutif (CEO): Russell Coutts/NZL
Barreur: James Spithill/AUS
Yacht Club: Golden Gate Yacht Club
Challengers:
Artemis Racing (SWE), "challenger of record" (challenger de référence)
Propriétaire: le milliardaire Torbjörn Törnqvist/SWE
Directeur exécutif (CEO): Paul Cayard/USA
Barreur: Nathan Outteridge/AUS (ou Loïck Peyron/FRA)
Yacht Club: Royal Swedish Yacht Club
Emirates Team New Zealand (NZL)
Fondateur: Grant Dalton/NZL
Skipper: Dean Barker/NZL
Yacht Club: Royal New Zealand Yacht Squadron
Luna Rossa (ITA)
Propriétaire: Patrizio Bertelli, cofondateur et dirigeant de Prada, la marque italienne de maroquinerie de luxe
Skipper: Massimiliano (Max) Sirena/ITA
Yacht Club: Circolo della Vela Sicilia