Il faut dire que la vie du Genevois de 24 ans n'est plus tout à fait la même depuis le Vendée Globe et une belle 12e place. Sollicitations médiatiques, conférences et séances de cinéma pour promouvoir son film font désormais partie de son quotidien. Et ce week-end, Alan Roura sera au départ du Bol d'Or dont il est le parrain. L'occasion d'évoquer avec lui la célèbre régate lémanique et de revenir sur son aventure au large.
RTSsport.ch: Cette année, vous êtes le parrain du Bol d’Or, on imagine que c’est un honneur pour vous…
ALAN ROURA: Oui, c’est top, c’est génial, je ne m’y attendais pas du tout. J’ai appris la nouvelle en février en plein Vendée Globe. Le Bol d’Or, je le suis depuis que je suis gamin. C’est la régate en plan d’eau fermé la plus grosse et la plus importante au monde. C’est un honneur, effectivement.
Sur le Léman, il faut être très observateur et avoir l’oeil sur l’eau non-stop
RTSsport.ch: Et vous serez un parrain actif puisque vous serez sur l'eau. Pourquoi ce choix?
ALAN ROURA: On m’a proposé un bateau, un Diam 24, petit trimaran de 7 mètres, et j’ai accepté car je veux naviguer. Ce sont les bateaux du Tour de France à la voile. Mon équipe du Vendée sera avec moi mais l’objectif est plus de passer un bon moment sur l’eau que de régater. On va tout donner mais on ne gagnera pas (rires). C’est un bateau pour la mer qui ne marche pas très bien sur le lac à moins qu’il y ait du gros temps. Mais cela n’arrive pas souvent. On va se faire bien défoncer (rires).
RTSsport.ch: Cette course, vous la connaissez bien puisque vous y avez déjà participé....
ALAN ROURA: J’ai participé deux fois au Bol d’Or, en Surprise, et on l’a gagné une fois. Lors de ma première participation, on était trois à bord et personne ne connaissait le bateau, ni le lac, on était dans les choux (rires). Mais la 2e fois, en 2013, on a remporté la course avec 45 minutes d’avance sur le deuxième.
RTSsport.ch: Passer du Vendée Globe au Léman, cela va vous changer....
ALAN ROURA: Cela va être une promenade du week-end sur le lac (sourire). Mais le Léman n’est pas facile à apprivoiser car les vents sont inconstants, cela tourne tout le temps. Tu lâches la barre dix minutes, c’est fini. Il faut être très observateur et avoir l’oeil sur l’eau non-stop. C’est très important de comprendre d’où vient le vent et comment il va évoluer. En ce sens, le lac est une école. Ce sont souvent des lacustres qui s’imposent même si depuis quelques années ce n’est plus le cas. Cela prouve qu’on peut quand même bien naviguer sur le lac sans bien le connaitre.
RTSsport.ch: Est-ce que vous vous êtes entraîné en vue du Bol d'Or?
ALAN ROURA: On récupère le bateau la veille de la course (vendredi). Aucun de nous dans l’équipe ne connaît ce bateau-là. On va naviguer deux heures la veille mais en même temps je suis assez confiant. J’ai déjà fait ça sur la Translémanique en solitaire et j’ai terminé 3e. Mais de toute façon sur le lac, on a beau s’entraîner, on n’est jamais confronté aux mêmes conditions donc je préfère y aller à l’aveugle comme d’hab’, ça passe ou ça casse (rire).
Le Vendée Globe 2020? La cerise sur le gâteau!
RTSsport.ch: Cela fait maintenant 4 mois que vous avez terminé le Vendée Globe. Comment se remet-on d’une telle aventure?
ALAN ROURA: Il y a des périodes moins faciles que d’autres. C’est fatiguant d’être à terre, il y a beaucoup à faire, autant que sur le Vendée Globe. La course continue, c’est dur de s’en remettre. Mais comme depuis mon arrivée je n’ai pas une minute à moi, je n’ai pas le temps de penser à quoi que ce soit. Mais je n’ai pas navigué depuis l’arrivée du Vendée et ça commence à me titiller. Et la Bretagne me manque (sourire).
RTSsport.ch: Vous êtes très sollicité par les médias et les sponsors notamment. A quoi se résument vos journées?
ALAN ROURA: Ma journée commence par des rendez-vous médias de 9h à 13h, j'enchaîne avec les sponsors, les conférences et enfin les séances de cinéma pour promouvoir mon film donc je finis souvent vers 1h du matin. On avait tablé ce programme sur un mois après l’arrivée de la course et cela fait trois mois que cela dure (sourire). J’ai aussi une équipe à gérer en Bretagne. Je passe beaucoup de temps au téléphone et à écrire des mails. Il y a la mise en route du chantier en vue du Vendée 2020 et je dois encore gérer la remise en état de mon ancien bateau. Je cherche aussi quelqu’un pour le reprendre même si il n’est pas à moi.
RTSsport.ch: Le Vendée Globe 2020, c'est l'apothéose?
ALAN ROURA: Disons que le Vendée Globe sera la cerise sur le gâteau. C’est un projet sur le long terme, le bateau va être beaucoup modifié. Contrairement à celui que j'avais auparavant, il sera pourvu de foils. Ce sont des espèces d’ailes qui partent de la ligne de flottaison du bateau et qui descendent dans l’eau pour en ressortir. Cela permet au bateau de sortir de l’eau suivant les conditions et de complètement se soulager. On gagne énormément en vitesse et en performance. Le bateau est de fin 2007 mais il a déjà fait quelques tours du monde. C’était le premier bateau d’Armel Le Cléac'h sur le Vendée globe. Mais je ne gagnerai pas. Je vais tout faire pour mais ce sera compliqué (éclat de rires). Il faudra également voir le nombre de bateaux qui se seront construits entre-temps.
Genève, Floriane Galaud - @FlorianeGalaud
Alan Roura: "Je m'appuie moins sur les gens"
RTSsport.ch: Est-ce que le Vendée Globe vous a changé?
ALAN ROURA: Oui, car tu as le temps de te poser toutes les questions que tu ne t'es jamais posé dans la vie comme "qui tu es". Imagine, tu as 100 jours tout seul pour trouver des réponses, donc tu as le temps. Je me suis beaucoup posé de questions sur moi et sur ce dont j'étais capable.
RTSsport.ch: Et qu'est-ce qui a changé en vous justement?
ALAN ROURA: J'ai plus de patience qu'avant. Je m'appuie moins sur les gens. Avant, j'avais tendance à profiter de mon entourage et à m'appuyer sur eux ce qui n'est pas bien du tout. Sinon, je me laisse moins marcher sur les pieds.
RTSsport.ch: Qu'est-ce qu'il vous a le plus manqué durant le Vendée Globe?
ALAN ROURA: Du confort. Car on n'a pas de sanitaire, de douche, de lit. On vit dans 4 m2, on mange des plats tout faits, ce n'est pas très bon. La vie de tous les jours m'a manqué. Et on se rend compte de la chance qu'on a d'avoir des supermarchés. Et les bras d'une femme m'ont manqué (rire).
Alan Roura en quelques dates
1993: naissance le 2 février, à Onex (GE)
2001: Tour du monde à la voile avec ses parents.
2013: 11e de la Mini Transat avec l'un des plus vieux bateaux de l’édition 2013 et avec le plus petit budget de la flotte
2014: abandon lors de la Route du Rhum en raison de soucis techniques
2015: participation en double à la Transat Jacques Vabre 2015 en Class40
2016: première participation au Vendée Globe dont il est le benjamin
2017: 12e pour son premier Vendée Globe