La pluie et le brouillard n'invitent pas à sortir son vélo en ce jeudi matin, lorsque Camille Balanche nous reçoit chez elle à Macolin. Mais la météo capricieuse n'enlève pas le sourire de la lauréate du général de descente, qui peine à redescendre de son nuage depuis son triomphe. "Je pense que je vais vraiment réaliser ce qui m'arrive au début de la saison prochaine, lorsque j'aurai la plaque no1 sur mon vélo".
A 32 ans, la Neuchâteloise a réussi une superbe saison. Sur les 7 courses de Coupe du monde qu'elle a disputées, elle a obtenu 3 victoires et est montée à 3 reprises sur le podium. Mais une chute survenue début août à l'entraînement au Canada aurait pu tout faire basculer. "C'était complètement bête", raconte Camille Balanche. "Je n'ai vraiment pas pris de risques, j'allais à deux à l'heure. Je suis tombée sur une racine. C'est super frustrant car je ne tombe presque jamais!" Verdict de cette chute: clavicule gauche cassée.
Il en faut plus pour arrêter la descendeuse. Trois semaines après son opération, elle remonte sur son vélo et termine 4e aux Mondiaux aux Gets! Une performance qui force le respect même si la principale intéressée se dit encore "frustrée" par ce résultat. Une semaine plus tard, lors de l'ultime course de la saison à Val di Sole, elle finit 5e et s'adjuge le classement général de la discipline.
Ce triomphe témoigne de la progression fulgurante de l'ancienne hockeyeuse, qui a commencé le VTT de descente il y a 5 ans seulement et qui a déjà tout gagné: championne d'Europe en 2019, championne du monde en 2020 et enfin, le général cette saison.
"Je ne suis pas patiente. Il faut que cela marche vite! Je focalise toute mon énergie dans la descente. Et tous les sports que j'ai fait auparavant m'ont sans doute aidée dans mes succès", explique Camille Balanche. Ski, escrime, kin-ball, volley, hockey... la Neuchâteloise brille en effet par sa polyvalence et une facilité dans le sport. Mais ses victoires, elle les doit aussi en grande partie à son mental.
Camille est une bête de compétition. Au départ, elle veut éclater tout le monde
"Cam' a une grande confiance en soi", témoigne sa compagne Emilie Siegenthaler, qui l'a initiée à la descente et qui a pratiqué cette discipline pendant près de 15 ans. "Elle a confiance en ce qu'elle fait, c'est ce qui fait qu'elle réussit. Et puis, c'est une bête de compét'! Quand elle est au départ d'une course, elle a juste envie d'éclater tout le monde!"
"Je n'aime pas perdre, confirme Camille Balanche, en rigolant. J'ai toujours eu ce besoin de faire du sport et surtout d'être en compétition. Sinon, je m'ennuie." Lors des courses, rien n'arrête la descendeuse. Concentrée au maximum, elle avoue se parler tout le long du tracé. "J'arrive beaucoup mieux à me concentrer et à être dans cette zone qui est dure à reproduire, lorsque je sais que cela compte. Si je le faisais à l'entraînement, cela me demanderait trop d'énergie."
A l'entraînement, Camille Balanche préfère ainsi rouler plus lentement qu'en course. "Je n'aime pas tomber! Je n'ai pas besoin d'aller à fond pour voir où se situe la limite. J'arrive à m'adapter. J'apprends aussi très vite en regardant. Je n'ai pas besoin de rouler beaucoup sur la piste pour être au top." Une force que peu d'athlètes à ce niveau possèdent selon Emilie Siegenthaler.
En descente, on ne s'envoie pas à la mort
La résidente de Macolin"maîtrise à fond" ce qu'elle fait, comme le dit sa compagne. La championne du monde 2020 se situe bien loin de l'image de "tête brûlée", que se font certains des descendeurs. "Quand Emilie m'a proposé de faire de la descente, je pensais qu'elle était folle! On ne voit pas que tout est calculé. On ne va pas s'envoyer à la mort si on voit qu'on ne peut pas faire quelque chose."
Réfléchie, talentueuse et déterminée, Camille Balanche a donc pour tout réussir. Même si son étagère pour ses trophées commence à être bien garnie, la Neuchâteloise ne compte pas s'arrêter là. "On peut toujours gagner plus. Au final, je n'ai gagné que 4 courses en Coupe du monde. J'ai envie de continuer à m'améliorer, à être constante et avoir du plaisir." Et qui sait, elle accomplira peut-être son "rêve du rêve" dans 3 ans aux Mondiaux 2025 organisés en Valais en remportant le titre mondial à domicile.
Macolin, Jennifer Ballmer - @jenni_ballmer et Miguel Bao - @migbao
L'égalité en descente? "C'est vraiment pas mal"
Qu'en est-il de l'égalité en descente? Les hommes et les femmes roulent sur la même piste et ont les mêmes prize money. Une différence de traitement réside dans les horaires d'entraînement. Les femmes doivent s'entraîner tôt le matin avant les hommes. "Les conditions sur la piste sont souvent plus dures pour nous."
Autre inégalité: les salaires. Un homme touche entre 40'000 et 400'000 francs, cela dépend de son image. "On enlève un zéro pour les femmes, mais on est en train de se battre. J'ai la chance d'être dans une équipe qui soutient à fond les filles donc il n'y a quasiment pas de différences", explique Camille Balanche, qui avoue qu'elle vit bien de son sport.
La descente, une discipline non-olympique
Contrairement au VTT cross country, la descente ne figure pas au programme des Jeux olympiques. "C'est dommage, c'est pourtant spectaculaire, regrette Camille Balanche. J'ai entendu dire qu'il y a déjà trop de disciplines en cyclisme donc ils devraient en enlever une pour ajouter la descente. Et ils ne peuvent pas construite une piste de A à Z comme ils le font en BMX. Il faut une montagne."
"Je suis persuadée que si la descente devenait olympique, cela la ferait changer de dimension. Beaucoup de jeunes se sont mis à faire du BMX par exemple depuis les JO 2021. Et lorsqu'on fait une discipline olympique, on touche l'aide sportive en Suisse. Cela fait une grosse différence."
Une descendeuse "n'a pas le droit à l'erreur"
Quelles sont les qualités pour être une bonne descendeuse? Outre l'aspect technique et le fait d'être à l'aise sur le vélo, Camille Balanche met en avant l'aspect mental. "On n'a pas le droit à l'erreur. C'est important d'être concentré du début à la fin et de savoir ce qu'on fait."
Une descendeuse doit également être forte physiquement. "On doit être capable de tenir le guidon de haut en bas, d'avoir de la force pour attaquer dans la descente et aussi dans le cas où on tombe pour éviter de se blesser". A cela s'ajoutent d'autres détails comme la compréhension de son vélo, afin d'effectuer les meilleurs réglages possibles.
Camille Balanche en bref
Née le 1er mars 1990 au Locle (NE)
Palmarès:
Championnat du monde: or (2020), bronze (2021)
Championnat d'Europe: or (2019), argent (2022), bronze (2018)
Classement général de la Coupe du monde: 1ère (2022), 3e (2021)
4 victoires en Coupe du monde
Championnats de Suisse: or (2022, 2021, 2020)
A également participé aux Jeux olympiques de Vancouver 2010 avec l'équipe de Suisse de hockey